« Une restauration culturelle légitime» par Ragga Magazine

Le sous-titre de cette compilation s’intitule « L’âge d’or des bals et cabarets antillais de Paris ». Nous sommes donc immergés dans l’archéologie musicale de la musique antillaise jouée en métropole dans l’entre deux guerres. Toutes proportions gardées, ces bals sont les ancêtres des sound-systems d’inspiration Caraïbes que nous affectionnons tant. Occasion nous est donnée de saluer le labeur du label Frémeaux & Associés dont le travail d’exhumage d’articles est tout simplement exemplaire et propose aux mélomanes curieux la possibilité d’enrichir son paysage musical dans une dimension historique. Depuis la fin du XIXème siècle, la biguine a deux temps est ce style spécifique des Antilles francophones de la grande famille des musiques à clave d’origine africaine classable à côté du calypso trinidadien et du danzon cubain…Moins connu pour des raisons de confusions terminologiques, la valse et la mazurka sont d’anciennes danses de France qui ont gardé leurs noms mais dont les structures rythmiques à trois temps se sont vues augmentées des balancements afro, notamment du déphasage des instruments. Tout ça avec comme background le melting-pot créole. Bien sûr, les 78 tours d’origine sont un format sonore loin des spatialisations digitales contemporaines, mais présentent néanmoins une fraîcheur ressourçante. Il fut une époque où la culture bien pensante entretenait la caricature raciste du bal nègre, présenté comme un véritable lieu de perdition (comme dans le film moraliste Razzia sur la schnouf, ou les insultes d’un Léo Malet dans ses Eaux troubles de Javel). Petite parenthèse sociologique, histoire d’encourager l’audition de ces petits bijoux à la lumière d’une restauration culturelle légitime. Bon voyage !
Bruno DEBORD – RAGGA MAGAZINE