PHILOSOPHIE DU TEMPS PRESENT - LUC FERRY
PHILOSOPHIE DU TEMPS PRESENT - LUC FERRY
Ref.: FA5272

LA PENSEE DU PHILOSOPHE EN 3 CD AUDIO

Ref.: FA5272

Artistic Direction : CLAUDE COLOMBINI FREMEAUX

Label : Frémeaux & Associés

Total duration of the pack : 3 hours 56 minutes

Nbre. CD : 3

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Presentation

LA PENSEE DU PHILOSOPHE EN 3 CD AUDIO



This 3 CD boxed set delivers a Luc Ferry special production for Fremeaux & Associes, in which the philosopher explains its own way of thinking modernity and philosophy, renews our way to think in a research for a new kind of “secular spirituality”. In French



Tracklist
  • Piste
    Title
    Main artist
    Autor
    Duration
    Registered in
  • 1
    Introduction
    Ferry Luc
    00:11:12
    2009
  • 2
    Les traits caractéristiques de l'époque contemporaine
    Ferry Luc
    00:01:58
    2009
  • 3
    La déconstruction des valeurs traditionnelles
    Ferry Luc
    00:07:19
    2009
  • 4
    L'histoire de la vie de bohème
    Ferry Luc
    00:11:36
    2009
  • 5
    Le paradoxe de la bohème
    Ferry Luc
    00:09:45
    2009
  • 6
    La mondialisation, 1er âge
    Ferry Luc
    00:02:15
    2009
  • 7
    L'humanisme des Lumières
    Ferry Luc
    00:02:23
    2009
  • 8
    La société de compétition
    Ferry Luc
    00:07:28
    2009
  • 9
    Les conséquences de la logique de la compétition
    Ferry Luc
    00:12:38
    2009
  • 10
    Portrait du chef d'entreprise
    Ferry Luc
    00:09:44
    2009
  • 11
    L'invention d'une valeur: La sacralisation de l'humanité
    Ferry Luc
    00:00:59
    2009
  • Piste
    Title
    Main artist
    Autor
    Duration
    Registered in
  • 1
    Introduction: 2ème partie
    Ferry Luc
    00:03:22
    2009
  • 2
    Le mariage au Moyen-Age
    Ferry Luc
    00:03:11
    2009
  • 3
    Le mariage d'amour
    Ferry Luc
    00:03:59
    2009
  • 4
    Conséquence de l'union fondée sur l'amour
    Ferry Luc
    00:07:58
    2009
  • 5
    Emergence d'une nouvelle figure du sacré
    Ferry Luc
    00:06:38
    2009
  • 6
    Remarques Préalables à une brêve histoire de l'éthique
    Ferry Luc
    00:05:22
    2009
  • 7
    L'éthique aristocratique
    Ferry Luc
    00:07:39
    2009
  • 8
    L'éthique judéo-chrétienne
    Ferry Luc
    00:09:00
    2009
  • 9
    L'éthique républicaine
    Ferry Luc
    00:07:12
    2009
  • 10
    L'éthique de l'authenticité ou de la déconstruction
    Ferry Luc
    00:06:41
    2009
  • 11
    L'éthique de la transcendance de l'autre
    Ferry Luc
    00:09:50
    2009
  • 12
    Quelle éducation pour nos enfants
    Ferry Luc
    00:07:21
    2009
  • Piste
    Title
    Main artist
    Autor
    Duration
    Registered in
  • 1
    Introduction 3ème partie
    Ferry Luc
    00:01:31
    2009
  • 2
    Morale et spiritualité
    Ferry Luc
    00:08:40
    2009
  • 3
    L'histoire d'Ulysse ou la naissance de la spiritualité
    Ferry Luc
    00:12:31
    2009
  • 4
    Quelle spiritualité aujourd'hui
    Ferry Luc
    00:01:52
    2009
  • 5
    Le premier humanisme: humanisation du divin
    Ferry Luc
    00:04:42
    2009
  • 6
    Le second humanisme: laïcisation du monde
    Ferry Luc
    00:03:43
    2009
  • 7
    Le principe de causalité
    Ferry Luc
    00:01:51
    2009
  • 8
    La théorie des Droits de l'Homme
    Ferry Luc
    00:02:36
    2009
  • 9
    La sotériologie
    Ferry Luc
    00:07:21
    2009
  • 10
    La transcendance sans l'immanence
    Ferry Luc
    00:07:44
    2009
  • 11
    Une phénoménologie de l'amour
    Ferry Luc
    00:08:50
    2009
  • 12
    La sagesse de l'amour
    Ferry Luc
    00:08:17
    2009
  • 13
    Peut-on apprendre à vivre
    Ferry Luc
    00:06:48
    2009
  • 14
    Connaître et aimer
    Ferry Luc
    00:04:22
    2009
Booklet

Luc Ferry Philosophie du temps présent

Luc Ferry - Philosophie du temps présent

CD 1 : La philosophie théorique

Les traits caractéristiques de l’époque contemporaine :  la déconstruction des valeurs traditionnelles,  la mondialisation.  
1. Introduction 11’12  
2. Les traits caractéristiques de l’époque contemporaine 1’58  
3. 1- La déconstruction des valeurs traditionnelles 7’19  
4. L’histoire de la vie de bohème 11’36  
5. Le paradoxe de la bohème 9’45  
6. 2- La mondialisation : 1er âge ? 2’15  
7. L’humanisme des Lumières 2’23  
8. La société de compétition 7’28  
9. Les conséquences de la logique de la compétition 12’38
10. Portrait du chef d’entreprise 9’44
11. L’invention d’une valeur : la sacralisation de l’humain 0’59 
CD 2 : La sacralisation de l’humain à travers l’histoire  du mariage d’amour.
La philosophie pratique : une brève histoire de l’éthique.  Quelles valeurs pour le XXIème siècle ?  
1. Introduction 2ème partie 3’32  
2. Le mariage au Moyen Age 3’11  
3. Le mariage d’amour 3’59  
4. Conséquences de l’union fondée sur l’amour 7’58  
5. Émergence d’une nouvelle figure du sacré 6’38  
6. Remarques préalables à une brève histoire de l’éthique 5’22  
7. L’éthique aristocratique 7’39  
8. L’éthique judéo-chrétienne 9’00  
9. L’éthique républicaine 7’12
10. L’éthique de l’authenticité ou de la déconstruction 6’41
11. L’éthique de la transcendance de l’autre 9’50
12. Quelle éducation pour nos enfants ? 7’21 
CD 3 : La spiritualité laïque : quelle sagesse pour les modernes ? 
La question de la vie bonne dans un univers laïc.  
1. Introduction 3ème partie 1’31  
2. Morale et spiritualité 8’40  
3. L’histoire d’Ulysse ou la naissance de la spiritualité laïque 12’31  
4. Quelle spiritualité aujourd’hui ? 1’52  
5. Le premier humanisme, humanisation du divin 4’42  
6. Le second humanisme, laïcisation du monde 3’43  
7. Le principe de causalité 1’51  
8. La théorie des droits de l’Homme 2’36  
9. La sotériologie 7’21
10. La transcendance dans l’immanence 7’44
11. Une phénoménologie de l’amour 8’50
12. La sagesse de l’amour 8’17
13. Peut-on apprendre à vivre ? 6’48
14. Connaître et aimer 4’22 
LUC FERRY
Agrégé de philosophie (1975).
Docteur d’Etat en science politique (1981).
Agrégé de science politique (1982). 
ETUDES ET ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES
Etudes secondaires au Lycée St Exupéry de Mantes la Jolie, puis au Centre National de Télé-Enseignement. Etudes supérieures  à la Sorbonne  (Paris IV)  et à l’Université de Heidelberg (RFA). 
Professeur à l’Ecole normale d’Arras (1977-1979).
Fondateur du “Collège de philosophie” (1974). 
Chargé de cours à l’université de Reims,  puis à l’ENS-Ulm, à Paris X et à Paris I (1977-1982).
Attaché de recherches au CNRS (198O-1982).
Responsable des pages philosophie à l’Evénement du Jeudi, puis conseiller auprès de la rédaction de l’Express (1987-1994)
Professeur  de science politique à l’IEP de l’université de Lyon II (1982-1988).
Professeur de philosophie à l’université de Caen (1989-1996).
Editorialiste au Point et directeur de la collection “Collège de philosophie” aux éditions Grasset (1994/2002) 
Professeur de philosophie à Paris VII (à partir de 1996).
Président du Conseil national des programmes (1994-2002).
Ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche (mai 2002/avril2004).
Membre du Conseil économique et social (à partir de septembre 2004)
Président du Conseil d’analyse de la société (idem)
Membre du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République (à partir de juin 2007)
- Directeur de collection aux éditions PLON (à partir de 2007) 
DISTINCTIONS
Chevalier de la légion d’honneur, Chevalier des arts et des lettres.
Prix Médicis essai et Prix Jean-Jacques Rousseau (pour le Nouvel ordre écologique).
Prix des droits de l’homme (pour Philosophie politique III). 
Prix Ernest Thorel de l’Académie Française (pour La sagesse des Modernes). 
Docteur honoris causa de l’université de Sherbrooke (Canada).
- Officier de la Légion d’Honneur.  
PRINCIPAUX OUVRAGES PUBLIES 
Philosophie politique I ; Le Droit : La nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, Paris, P.U.F., 1984. 
Philosophie politique II : le système des philosophies de l’histoire, Paris, P.U.F., 1984. 
Philosophie politique III : des droits de l’homme à l’idée républicaine, Paris, P.U.F., 1985, Prix des droits de l’homme 1985. 
La Pensée-68 : essai sur l’anti-humanisme contemporain, Paris, Gallimard, 1985 (avec Alain Renaut).
Système et critiques, éditions Ousia, 1985 (en coll.).
68-86 : itinéraires de l’individu, Paris, Gallimard, 1987 (en coll.).
Heidegger et les modernes, Paris, Grasset, avril 1988 (en coll.).
Homo Aestheticus ; l’invention du goût à l’âge démocratique, Paris, Grasset, 1990.
Pourquoi nous ne sommes pas nietzschéens, Grasset 1991 (en coll.). 
Le Nouvel Ordre Ecologique, Grasset, 1992, Prix Médicis de l’essai, Prix Jean-Jacques Rousseau. 
Des animaux et des hommes. Une anthologie, Paris, livre de poche, Hachette, avril 1994 (en coll).
L’Homme-Dieu ou le sens de la vie, Grasset, 1996. 
La sagesse des Modernes, Laffont 1998, Prix Ernest Thorel de l’académie française,  (avec André Comte-Sponville).
Le sens du beau, Cercle d’art, 1998.
Philosopher à Dix-huit ans, Grasset 1999 (en coll.).
Qu’est-ce que l’homme ? Odile Jacob, 2000 (en coll.). 
Qu’est ce qu’une vie réussie ?, Grasset 2002.
Lettre ouverte à tous ceux qui aiment l’école, Odile Jacob (en coll.).
La naissance de l’esthétique moderne, Cercle d’art, mai 2004.
Le religieux après la religion, Grasset 2004 (avec Marcel Gauchet).
Comment peut on être ministre ? Réflexions sur la gouvernabilité des démocraties, Plon, 2005. 
Apprendre à vivre – Traité de philosophie à l’usage des jeunes générations, Plon, 2006, Prix Aujourd’hui.
Apprendre à vivre – Cours de philosophie en 4 CDs audios, Frémeaux & Associés, 2006.
Kant, Grasset, 2006.
Vaincre les peurs, Odile Jacob, 2006.
Familles je vous aime – Politique et vie privée à l’âge de la mondialisation, Xoéditions, 2007.
Kant – Un cours particulier en 4 CDs, Frémeaux & Associés, 2008.
Nietzsche – l’Œuvre philosophique expliquée en 3 CDs audio, Frémeaux & Associés, 2008.
La tentation du christianisme – Luc Ferry et Lucien Jerphagnon, Editions Grasset, 2009.
Le christianisme – la pensée philosophique expliquée en 3 CDs audio, Frémeaux & Associés, 2009.


Ecouter Luc Ferry Philosophie du temps présent (livre audio) © Frémeaux & Associés / Frémeaux & Associés est l'éditeur mondial de référence du patrimoine sonore musical, parlé, et biologique. Récompensés par plus de 800 distinctions dont le trés prestigieux Grand Prix in honorem de l'Académie Charles Cros, les catalogues de Frémeaux & Associés ont pour objet de conserver et de mettre à la disposition du public une base muséographique universelle des enregistrements provenant de l'histoire phonographique et radiophonique. Ce fonds qui se refuse à tout déréférencement constitue notre mémoire collective. Le texte lu, l'archive ou le document sonore radiophonique, le disque littéraire ou livre audio, l'histoire racontée, le discours de l'homme politique ou le cours du philosophe, la lecture d'un texte par un comédien (livres audio) sont des disques parlés appartenant au concept de la librairie sonore. (frémeaux, frémaux, frémau, frémaud, frémault, frémo, frémont, fermeaux, fremeaux, fremaux, fremau, fremaud, fremault, fremo, fremont, CD audio, 78 tours, disques anciens, CD à acheter, écouter des vieux enregistrements, cours sur CD, entretiens à écouter, discours d'hommes politiques, livres audio, textes lus, disques parlés, théâtre sonore, création radiophonique, lectures historiques, audilivre, audiobook, audio book, livre parlant, livre-parlant, livre parlé, livre sonore, livre lu, livre-à-écouter, audio livre, audio-livre, lecture à voix haute, entretiens à haute voix, parole enregistrée, etc...). Les livres audio sont disponibles sous forme de CD chez les libraires  et les disquaires, ainsi qu’en VPC. Enfin certains enregistrements de diction peuvent être écoutés par téléchargement auprès de sites de téléchargement légal.

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Presse

Interview de Philippe Gildas

Philippe Gildas :
Question préalable, Luc Ferry, qui êtes-vous ? Un enseignant ? Un philosophe ? Un homme politique ? Un éditeur ? Un journaliste ?
Luc Ferry : Non, un écrivain c’est tout ! Un homme politique, certainement pas, j’ai été ministre pendant deux ans mais je n’ai jamais fait de la politique de ma vie. C’est vrai, on est venu me chercher pour me proposer ce poste de ministre. Je sais que ça fait toujours sourire quand je dis ça. C’est la vérité, je n’ai jamais été engagé en politique d’aucune manière. Je n’ai jamais appartenu à un parti, ni été militant d’aucune façon. Je ne suis donc certainement pas un politique. Professeur, ça fait vingt ans que j’ai arrêté d’enseigner, mais ça a été l’une de me grandes passions. J’ai été professeur d’université à trente ans. Tout ça fait partie de ma vie. Aujourd’hui mon vrai métier, c’est d’écrire. C’est ma vraie passion et en plus j’en vis. Je fais partie des très grands chanceux qui vivent de leurs plume.
P.G. : La différence entre un journaliste et un écrivain est de taille, il y a beaucoup de journalistes qui ne sont pas écrivains. Vous êtes l’auteur d’une trentaine d’ouvrages.
L.F. : Comme disait, je crois, mon ami Alain Finkelkraut, il y a des gens qui écrivent des livres parce qu’il sont connus et des gens qui sont connus parce qu’ils écrivent des livre. Je sais que tout le monde a envie d’écrire. Moi j’ai commencé à écrire très tôt et c’est, je le répète, la seule vraie passion, en dehors de la vie privée, qui m’anime.
P.G. : Avec la liberté ? Par exemple on trouve votre signature dans les quotidiens aux opinions très contrastées.
L.F. : J’ai toujours pensé qu’il fallait discuter avec tout le monde et qu’il fallait s’exprimer sur les choses publiques quand on a, ou qu’on croit avoir quelque chose à dire. Je peux écrire dans Le Monde tout autant que dans Le Figaro.
P.G. : Le point commun entre toutes vos fonction ou métiers, sauf peut-être quand vous êtes ministre, c’est la philosophie ?
L.F. : La philosophie, ça n’est pas ce qu’on croit et, malheureusement, ça n’est pas ce qu’on enseigne dans les classes de terminales. Ce qu’on y enseigne, c’est la philosophie comme apprentissage de pensée critique, de la réflexion, de l’argumentation. La vérité à mes yeux est toute autre. On réfléchit et on argumente partout, un journaliste, ça réfléchit, ça argumente, un scientifique, un homme politique, une mère de famille aussi ! La vraie spécificité de la philosophie, et je regrette qu’on l’ait souvent oubliée aujourd’hui, c’est une réflexion sur ce qu’est une vie bonne, mais qui ne passe pas par la foi et une référence à Dieu. En fait la philosophie est la vraie concurrente de la religion. Cette dernière a toujours cherché à définir la vie bonne mais en passant par la foi, par Dieu. La philosophie, aussi, cherche à définir la vie bonne mais sans passer par un Dieu, ni par la foi.
P.G. : La vie bonne, c’est le bonheur ?
L.F. : Non, ce n’est pas le bonheur parce que l’idéal des premiers grands penseurs grecs était la vie bonne. Dans la tradition occidentale, la philosophie commence globalement en Grèce au 5e ou 6e siècle avant J-C., autour d’Athènes. Les plus grands philosophes grecs, qui sont des héritiers d’Homère – tout est dans L’Odyssée d’Homère – avaient cette idée. Pour résumer, il y a deux conditions de la vie bonne : premièrement, la victoire sur les peurs. Le sage est celui qui parvient à vaincre les peurs et qui accède donc à la sérénité. La sérénité n’est pas le bonheur. C’est autre chose. Le bonheur, ça n’existe pas. On a des moments de joie, on a des moments de bonheur mais on n’a pas le bonheur. Ça n’est pas un moment stable et durable. En revanche, la victoire sur ses peurs, la sérénité, c’est quelque chose à quoi tendait la philosophie, comme amour de la sagesse. Deuxièmement, pour les Grecs, Epicuriens ou Stoïciens, l’idée qui donne un contenu à cette notion de sérénité et venant également de L’Odyssée d’Homère, est qu’il y a deux grands maux qui pèsent sur la vie humaine : le passé et le futur. En fait, le passé nous tire constamment en arrière, soit qu’il ait été heureux et nous sommes dans la nostalgie. Sentiment très puissant, on regrette le temps où nous étions heureux, où nos parents étaient encore en vie, où nous étions avec tel homme ou telle femme, où nous étions à tel endroit et nous étions heureux. Quand il a été malheureux, le passé nous tire aussi en arrière, par des sentiments très puissants qui sont les regrets, les remords, les culpabilité qui nous réveillent la nuit, et on essaie de corriger le tir. Quand on abandonne le passé, pensaient ainsi les premiers grands philosophes grecs, on se précipite dans les mirages du futur et on s’imagine que cela ira mieux après, quand on aura changé de coiffure, de chaussures, de voiture, de mari, de femme, de maison, que sais-je encore ? Alors qu’au bout il y a toujours la mort.
P.G. : Qu’est ce que la philosophie peut contre la mort ?
L.F. : Justement, l’idée qui animait les Grecs est que le sage c’est celui qui parvient à regretter un peu moins, à espérer un peu moins et à aimer un peu plus. C'est-à-dire à vivre, dans ce que Nietzsche appelle très joliment l’amour de ce qui est là, l’amour du présent : au lieu d’être constamment dans le passé ou dans le futur, le sage est celui qui parvient à vivre au présent. Comment arrive t-il à fuir cette peur de la mort qui nous fait toujours entre dans une logique de divertissement de quête infinie de satisfactions plus ou moins illusoires ? L’idée qu’avaient les Grecs, je ne dis pas que cette idée est juste, est qu’on ne parvient à vaincre la peur de la mort que quand on est réconcilié avec le présent. Quand on est capable d’habiter le présent, de vivre l’instant présent, au lieu de le relativiser toujours à partir d’une nostalgie ou d’une espérance, alors on s’aperçoit que l’instant présent est un fragment d’éternité, il n’est plus relativisé par le passé ou le futur qui nous mettent dans l’angoisse ou dans les peurs. Cette idée que le sage, habitant le présent, vit dans l’éternité, c’était ça l’idéal du sage grec. C’est comme ça que la philosophie démarre. Ce qui est très intéressant, c’est que nous avons une définition de la vie bonne, vaincre la peur, habiter le présent, amorphatie : être réconcilié avec le présent. Nous avons la première grande définition de la vie bonne dont on voit que ça n’est pas une définition religieuse. Cela ne passe ni par la foi, ni par le salut accordé par Dieu.
P.G. : Vous avez beaucoup écrit, aussi, sur la religion. Qu’est ce qui différencie la philosophie de la religion ?
L.F. : La religion va nous promettre aussi une victoire sur les peurs. Par exemple, la religion chrétienne que j’aime infiniment même si je ne suis pas croyant, va passer par une promesse qui ne vaut que si l’on y croit et qui est la promesse de la résurrection des corps. Le moment le plus important dans la religion chrétienne est l’épisode dans l’évangile de Jean qui raconte la résurrection de Lazare. Il est l’ami du Christ. Quand le Christ apprend que son ami Lazare est mort, il fait exprès de rester là où il est, de ne pas le rejoindre tout de suite, il attend que Lazare soit manifestement mort. Dans le texte de l’évangile, c’est très frappant, c’est un peu cru, on dit que Lazare sentait mauvais, ce qui veut dire qu’il était en état de décomposition, de pourriture. Au fond, Jésus attend que tout le monde ait bien constaté que son ami est mort pour le rejoindre à ce moment là, pour opérer la résurrection et délivrer le message fondamental de l’évangile, qui est que l’amour est plus fort que la mort. La promesse chrétienne est que nous allons retrouver ceux que nous aimons après la mort, corps et âmes. Pas simplement une petite âme transparente et désincarnée (« carne » : la viande), non, ce que nous allons retrouver, c’est un être complet. Avec une question qui a toujours passionnée les théologiens au Moyen Âge, assez comique en apparence mais assez profonde en vérité : à quel âge va-t-on retrouver ceux qu’on a perdus ? Avec quelle tête ? A deux ans ? Quatre-vingts ans ? La réponse chrétienne qui s’appelle le corps glorieux est que nous allons retrouver ceux que nous avons aimés avec le visage de l’amour. On va retrouver l’œil qu’on a aimé, le sourire qu’on a aimé, l’intonation de la voix qu’on a aimée. Cette promesse est une promesse destinée, elle aussi, à vaincre la peur, donc à accéder à la sérénité. Mais on voit bien qu’a la différence de la philosophie, la promesse religieuse passe par la foi et par un Dieu. Il faut y croire, si on n’a pas la fois, cela ne marche pas.

P.G. :
C’est parce que vous ne croyez pas à la vie éternelle que vous ne pouvez pas être chrétien ?
L.F. : Oui, ce n’est pas que je trouve le discours chrétien absurde ou insensé, comme par exemple Michel Onfray, qui prend le christianisme constamment comme cible, comme si c’était un discours aliénant. Ce n’est pas du tout ce que je pense. Mais si on n’a pas la foi, ça ne marche évidemment pas. Dans ce cas, il vaut mieux aller voir du côté de ce que j’appelle les grandes spiritualités laïques, c'est-à-dire les grandes réponses à la question de la vie bonne mais qui ne passent ni par la foi, ni par Dieu : ça s’appelle «  les grandes philosophies ». La seule objection que j’aurais contre la religion, en particulier la religion chrétienne, c’est que c’est trop beau pour être vrai.
P.G. : Au moins, la religion promet le bonheur éternel ?
L.F. : La religion, en particulier chrétienne, a un immense avantage par rapport aux grandes philosophies, aux grandes spiritualités laïques : elle nous promet avec la résurrection des corps ce qu’on a envie d’entendre. Si c’est vrai, c’est le sommet. On ne peut pas avoir une meilleure réponse.
P.G. : Y’a-t-il aujourd’hui au monde beaucoup de gens qui puissent vivre à la fois sans philosophie et sans religion ?
L.F. : Curieusement je ne crois pas. Lors des nombreuses conférences que je fais dans le monde entier, je rencontre des milliers de gens qui sont dépourvus de philosophie et de religion, ou qui ont un vague déisme d’un côté et pas de philosophie de l’autre. Ils sont plutôt dans une logique de la société actuelle qui est une logique de société de consommation, de travail et de loisirs. Je discute avec eux. A chaque fois, je vois qu’ils sont passionnés par la philosophie,  par cette approche de la philosophie comme réflexion sur la vie bonne, et non pas comme apprentissage de la réflexion critique, qui est la chose la mieux partagée au monde.
 P.G. : L’année de philosophie qu’on promet à tous les lycéens en fin d’étude secondaire, ça n’est tout de même pas si idiot que ça ?
L.F. : Je dirais, tout dépend du prof sur lequel vous tombez. C’est l’expérience que nous avons tous. Selon la qualité et la tournure d’esprit du professeur de philosophie, vous aller passer une année calamiteuse ou une année formidable. Ça dépendra entièrement de la personnalité du professeur. Moi ce que je souhaiterais c’est qu’on choisisse entre deux options : soit faire des cours d’instruction civique, ça s’appelle l’ECJS aujourd’hui, c’est-à-dire l’éducation civique, juridique et sociale, soit faire des cours de philosophie. Ces cours de philosophie devraient se concentrer pour l’essentiel sur l’enseignement de l’histoire des grandes visions du monde, l’histoire des grandes réponses à la question de la vie bonne. Il y en a cinq ou six dans l’histoire de la pensée européenne. Je pense qu’il serait formidable de transmettre cette histoire aux jeune gens. Si vous voulez, on ne réfléchit pas à partir de rien. Il faut avoir un matériau pour réfléchir. Je pense que cet enseignement de l’histoire des grandes visions du monde serait le bon matériau à partir duquel les jeunes gens pourraient utilement réfléchir.
P.G. : Il n’y a pas de totale contradiction entre cet enseignement de la philosophie, que vous dénoncez aujourd’hui au point d’écrire qu’on ferait mieux de la supprimer au bac, et ce que vous êtes en train de dire ? Dans les deux cas, on cherche à apprendre l’histoire des idées ?
L.F. : Non, notre enseignement de philosophie n’est pas un enseignement de l’histoire des idées ? L’histoire des idées est proscrite. Elle est interdite. Aujourd’hui en France, nous avons un programme de notions. Vous réfléchissez sur l’espace, le temps, la morale, le beau, le bien, la justice ; etc. Les professeurs de philo font réfléchir les élèves sur des notions abstraites, indépendamment de toute approche historique.

P.G. :
Si j’ai bien compris, confiner la philosophie dans la dernière année du secondaire, c’est trop tard pour ceux déjà sortis du système, qui ne bénéficieront jamais de l’enseignement de ces idées simples et concrètes ?
L.F. : Vous avez raison. Seuls les élèves qui continuent au lycée en profiteront alors que ceux qui sont sortis du système scolaire à la fin  de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire à seize ans, en seront privés. C’est pourquoi les problèmes de violence se concentrent surtout au collège au moins au lycée. Je pense que l’enseignement de la philosophie serait efficace en ce domaine s’il intervenait avant. Pour ne prendre qu’un exemple, en termes d’éducation civique, je le dis depuis très longtemps, le passage de la philosophie grecques au christianisme, cette rupture que représente le christianisme, est un moment qu’on devrait absolument enseigner aux élèves et aux jeunes gens : ça leur permettrait ensuite de comprendre et d’interpréter toute l’histoire politique européenne. Comment on va passer du monde hiérarchisé, du monde aristocratique à cet idéal démocratique ;  cette rupture qu’introduit le christianisme est absolument cruciale. Si vous ne voyez pas ces ruptures-là, vous avez beaucoup de mal après à vous repérer dans l’univers actuel.
 
P.G. : Pourquoi n’avez-vous pas pu l’imposer quand vous étiez au Conseil National des Programmes ?
L.F. : J’ai bataillé huit ans pour faire passer cette idée. J’ai du renoncer car il y avait une levée de boucliers. Au conseil nous étions vingt-cinq, de toutes discipline, tous convaincus, nous avions l’unanimité et l’oreille des ministres, avant même que je ne sois ministre. Mais en France, il y a 6000 prof de philos, 3000 d’entre eux  avaient signés contre cet enseignement historien de la philosophie. Pour des raisons politiques et idéologiques. Pour le comprendre, il faut revenir à l’origine de la classe de philo, qui est une tradition française très forte. Lorsque Napoléon crée la classe de terminale de philosophie en 1805 ; l’idée est que, pour qu’un jeune devienne citoyen, quand il va entrer dans le monde adulte, c’est-à-dire de la citoyenneté, caractérisée notamment par l’exercice du droit de vote, il faut qu’il soit capable de comparer les idées entre elles, de les trier, de les critiquer et de choisir la meilleure. L’idée qui prévaut à l’époque est celle de l’autosuffisance, l’autonomie intellectuelle. Pour être un bon citoyen, un citoyen tout court, il faut être capable d’exercer cette fine pointe de la citoyenneté qu’est le droit de vote. Il faut avoir une autonomie intellectuelle, savoir trancher entre les opinions, choisir. Devenir citoyen, devenir adulte, c’est sortir de la minorité. Minorité dans le sens où on est petit. En France, la classe de philosophie, d’entrée de jeu, a été conçue comme un cours d’instruction civique. Je trouve ça très bien, mais ça n’a aucun rapport avec la philo. D’une certaine manière, c’est le contraire. Si vous aviez dit à Spinoza ou à Platon, que le but de la philosophie était de devenir un citoyen, ils auraient hurlé de rire. Pour eux, le but de la philosophie était de parvenir à la vie bonne, à la sagesse. Dans l’enseignement aujourd’hui, il n’y a plus aucun rapport avec la notion de sagesse. On est juste dans l’esprit critique, l’argumentation. C’est très bien, je suis pour, mais n’appelons pas ça « philosophie », plutôt «  instruction civique ».
P.G. : Si vous redeveniez ministre un jour, vous reprendriez le combat sur ce sujet. ?
L.F : Non car c’est un combat perdu d’avance. J’ai beaucoup plus d’influence sur cette question-là en écrivant Apprendre à vivre qui s’est vendu a 600 000 exemplaires, plutôt qu’en étant un ministre qui met les gens dans la rue. Quand vous avez 3000 profs de philo sur 6000 qui ne sont pas d’accord avec un projet de réforme, il faut enterrer le projet, on ne peut pas avoir raison contre tout le monde.
P.G. : Vous avez été Ministre de l’Education Nationale pendant ans, et quand vous êtes parti, vous avez dénoncé l’impossibilité de gouverner ou d’être un bon ministre en démocratie, pouvez-vous expliquer pourquoi ?
L.F. : L’explication est assez simple. Les qualités qui conviennent à la conquête du pouvoir, pour reprendre les catégories de Léon Blum qui distingue entre conquête et exercice, sont généralement assez contraintes aux qualités qu’il faudrait pour l’exercer. En clair, pour conquérir le pouvoir il faut être démagogue, et pour l’exercer, il faudrait être courageux. C’est un peu comme chez le dentiste. Quand on est ministre, on dépend totalement de la Constitution de la 5e République, du Président de la République. En l’occurrence, j’ai eu un Premier Ministre qui était également d’accord avec moi mais en revanche j’avais affaire à un Président de la République, Jacques Chirac, qui aurait été champion du monde de marche arrière s’il y avait eu un concours. Dès qu’il y avait trois étudiants dans la rue, il reculait.
P.G. : Quelle est la réforme que vous n’avez pas pu mener à bien, et pour laquelle vous avez eu des regrets ?
L .F.  : Celle sur l’autonomie des universités. Mais surtout, s’agissant de l’enseignement scolaire, deux réformes étaient vitales pour moi. L’une était les déboulements de cours préparatoires, pour faire en sorte que les petits Français apprennent à lire et à écrire. L’autre était la refonte de l’enseignement professionnel : j’avais le projet de créer des filières d’excellence dans la voie professionnelle, pour qu’elles ne soient palus choisie exclusivement par défaut. Aujourd’hui on met ses enfants dans la voie professionnelle seulement  quand ils ont échoué dans la voie générale, parce qu’il n’y a pas de filières d’excellence. Ces projets-là, que je continue à penser être de projets, si vous restez deux ans dans le ministère, vous ne pouvez rien faire. Quand j’arrive en mais 2002, la rentrée de septembre est bouclée depuis décembre 2001. Il y a 12.5 millions d’élèves, il y a 840 000 profs, on a 70 milliard d’euros de budget et tout est décidé un avant. Si vous ne restez pas au minimum trois, vous ne pouvez, structurellement, rien faire dans ce ministère. Si en plus, le Président de la République n’est pas prêt à affronter un minimum d’impopularité, sans un soutien courageux de sa part, vous ne pouvez rien faire.
P.G. : La démocratie reste encore un des meilleurs régimes ?
L.F. : Oui mais la démocratie aujourd’hui devrait éviter de sombrer dans la démagogie. Par exemple, beaucoup de gens, qui ont voté pour le quinquennat, s’aperçoivent aujourd’hui que c’était une mauvaise chose et que Raymond Barre avait raison quand il plaidait pour un septennat non renouvelable. Ce dernier avait l’avantage de déconnecter l’action politique de la vie médiatique et de faire que le Président, n’étant pas rééligible, puisse se permettre éventuellement d’être impopulaire. Il est assez frappant de voir que les Premiers Ministres qui ont le été les plus courageux, les plus intelligents : ceux qui ont et le courage de prendre l’opinion publique à contre-pied parce qu’ils avaient raison et qu’ils défendaient l’intérêt général. Regardez Juppé en 1995, tout le monde reconnaît que sa réforme du système social français est bonne, mais il est éjecté assez rapidement, parce qu’il s’oppose à la rue. Prenez aujourd’hui la question des retraites. On voit bien que su on vit vingt ans de plus, il faut cotiser plus longtemps, sauf si on veut baisser le niveau des pensions, ou augmenter le taux des cotisations. On a aussitôt toute ka gauche qui intervient pour dire qu’il faut faire payer les riches ou taxer les banques, alors qu’elle sait que ça ne résoudra pas le problème. On ne sauvera pas les retraites sans prendre des mesures qui seront impopulaires, comme de cotiser cinq années de plus. Tout le monde le sait, personne ne peut le nier, et on n’y arrivera peut-être pas. C’est ça qui est très frappant dans la politique, quand la démagogie l’emporte sur l’intérêt général. Très rares sont ceux qui ont risqué leur poste pour défendre l’intérêt général, tels Rocard, Mendès-France, Raymond Barre et Pierre Mauroy.
P.G. : Si le prochain gouvernement est de gauche, aura-t-il une autre politique des retraites ?
L.F. : Je ne suis pas du tout dogmatique là-dessus. J’ai autant d’amis de gauche, sinon plus, qu’à droite. Je ne crains pas l’élection de la gauche. Je dis que si la gauche est élue, que ce soit Martine Aubry ou quelqu’un d’autre, elle aura deux boulets au pieds, d’un côté les écologistes et le l’autre, l’extrême gauche. C’est comme ça. Elle ne pourra pas faire de réforme courageuse, anti-démagogique avec ces deux boulets au pied. D’autant plus qu’elle aura promis le contraire. Quand je dis ça, j’ai dix personnes dans mes amis à gauche qui disent comme moi. Mais la gauche sera comme Prodi, en Italie avec sa gauche plurielle, complètement paralysée ! Un seul selon moi avait une vraie marge de manœuvre, Nicolas Srakosy. Il avait des possibilités de faire quelque chose. Ces possibilités ont été extraordinairement réduites par la crise et gâchée par un certain nombre d’erreurs ?

P.G .
: Justement, parlons de la crise, qu’en pensez vous aujourd’hui.
L.F. : C’est une crise liée à la mondialisation, mais contrairement à ce qu’on a dit, elle n’est liée uniquement au dérapage des banques américaines comme les médias et les politiques n’ont cessé de nous répéter. Ce qui s’est passé, c’est qu’en 1992, le président américain et le président de la banque américaine s’aperçoivent que la croissance est en baisse. Ils décident de donner l’ordre aux banques de pousser à l’endettement des ménages pour que la croissance continue à être tirée, non plus par la richesse des classes moyennes, mais par l’endettement des ménages. C’est ce qu’on appelle les « subprimes ». entre 1992 et 2007, la croissance américaine mais aussi occidentale, va être tirée par la dette des ménages, la dette des Etats, la dette des entreprise, beaucoup plus que par la richesse des classes moyennes qui se sont très largement tassées aux Etat Unis. Si on a ce regard-là sur l’origine de la crise, et ce que dit Patrick Arthus, l’un de nos économistes les plus lucides, la réponse n’est pas seulement dans la régulation  des banques, dans la moralisation du capitalisme. Le problème est beaucoup plus profond : comment renouer avec une croissance saine ? C’est-à-dire avec une croissance tirée par la richesse et non par de la dette. Quand on a sauvé les banques et investi de l’argent dans le système capitalisme, pour qu’il ne s’effondre pas, les Etats ont pris le relais de la dette  privée. On a fait un transfert de la dette privée vars la dette publique. Aujourd’hui, l’économie occidentale est tirée essentiellement par la dette publique, c’est intenable, c’est un shoot. C’est de la drogue, nous sommes sous perfusion. On ne peut pas éternellement tirer la croissance par cette dette. C’est pour ça que l’Inde et la Chine sont les grands bénéficiaires de la crise. Le pouvoir économique se déplace de leur côté tandis que le modèle européen implose ! Le modèle social français est lui-même menacé, ce mélange de liberté et de bien-être comme il n’y en a jamais eu dans l’histoire de l’humanité et comme il n’y en a pas ailleurs… Il suffit d’aller voir à Madras ou à Bombay. Si on avait dit à Victor Hugo quand il écrivait Les Misérables en 1860, qu’en enfant qui naît aujourd’hui à Paris, a quatre-vingt ans d’espérance de vie et non pas quarante, qu’il a la santé et l’éducation gratuites, une totale liberté d’opinion, et qu’il peut insulter le Président de la République sans risquer d’être envoyé à Guernesey, il serait tombé de sa chaise. C’est pourquoi je suis très critique aujourd’hui à l’égard de toutes les décisions prises dans les derniers mois, qui ont augmenté inutilement le déficit public. Quand je dis inutilement, ça veut dire ce qui n’était pas urgent. Par exemple, la suppression de la pub à la télé, la TVA des restaurateurs, la défiscalisation des heures supplémentaires, ça n’était pas l’urgence. Je peux me tromper mais ce qui est certaine, c’est que la question des déficits publics est absolument cruciale. Tout le monde sait que la prochaine crise est en train de se remettre en place, parce que l’argent ne coûte rien, et qu’il s’investit dans la spéculation et non pas l’industrie. La régulation des banques ne s’est pas faite, la question des réserves bancaires n’est pas réglée. C’est notre modèle européen qui est atteint, donc c’est très grave.

P.G.
: Autre cible, vous vous en prenez à la taxe carbone, et plus globalement aux écologistes ? Pourtant vous avez écrit dès 1992, le nouvel ordre écologique.
L.F. : Parce que je suis un vrai écologiste, je me pense comme tel. Le problème n’est pas de savoir si le GIEC a raison ou pas. Ça m’est totalement égal. Admettons même que le GIEC ait 100% raison et que nous soyons dans une situation dramatique de réchauffement climatique et d’usure de la planète. Le problème de l’écologie aujourd’hui est mal posé par les écologistes et par les politiques. Premièrement, nous avons besoin de la croissance. Sans elle les entreprises font faillite, ça crée du chômage et de la misère. Deuxièmement, la croissance au niveau mondial n’est pas tenable simplement parce que les Chinois et les Indiens rentrent rapidement dans la logique occidentale de consommation. Quand ils auront par exemple autant de voiture par tête d’habitant que nous les occidentaux, c’est toute la production d’acier et de pétrole qui d’un coup partira vers l’Inde et la Chine, ce qui pourrait être un motif de guerre mondiale. Face à ce danger, la réponse ne saurait être une taxe carbone franco-française ou même européenne. Elle serait utile et surtout insuffisante quand la vraie question est : que pouvons-nous faire, nous Français, nous Européens, pour que ces Chinois, ces Indiens, deux milliards et demi de personne, entrent dans notre logique de consommation sans dévaster la planète ? Car ils vont y entrer, qu’on le veuille ou non, nous n’avons aucun poids là-dessus. Onze points de croissance pour la Chine cette année. Ils vont tous avoir des voitures, des téléphones, des écrans plats. Ce que nous devons faire, puisque nous avons une avance scientifique et technique, c’est d’urgence entrer en négociation avec l’Inde, La Chine, le Brésil, la Russie pour leur offrir des technologie propres. Il faut donner nos moyens de consommer proprement, nos techniques de maison basse consommation, des vraies voiture électriques, etc. Aujourd’hui l’écologie n’est pas un problème de pollution, mais un problème de flux de consommation et de matières premières. Voilà ce que nous devons faire au lieu de nous tirer une balle dan le pied avec cette taxe carbone qui ne servira absolument à rien ; tout en pénalisant des millions de ménage qui n’auront pas d’alternative ? Je ne suis pas scientiste, je ne dis pas que c’est gagné. Je dis que c’est le seul pari qui vaille. Quand vous posez la question comme ça, vous êtes vraiment écologiste. Quand vous posez la question en termes de décroissance, comme le font tous les films et discours catastrophique qu’on vend aujourd’hui, vous être complètement à côte de la plaque. Nous y sommes dans la décroissance, nous somme dans la croissance zéro, nous sommes dans la récession. Voilà le problème écologiste.
P.G. : La croissance verte, vous n’y croyez pas ?
L.F. : J’y crois telle que je viens de la déterminer, mais pour l’instant elle est à inventer. Croissance verte, c’est possible, tous les bâtiments basse consommation aussi. Vous avez aujourd’hui des quantités d’ingénieurs des travaux publics qui travaillent sur les maisons basse consommation, c’est vendable, j’y crois, ça fait partie de l’économie. Vous économisez 40 à 50 % d’énergie. Si vous investissez dans la voiture électrique, elle sera vendue. C’est par l’innovation scientifique que l’on pourra « sauver » la planète, pas par la décroissance. Quand bien même vous voudriez la décroissance, vous ne pourriez pas l’imposer à l’Inde et à la Chine, ils n’en ont rien à faire : il y a 80% de Chinois qui ne savent même pas que la France existe.  Qu’est ce que vous voulez qu’ils en aient à faire qu’on se mette une taxe carbone ?
P.G. : Vous écrivez que les politiques ne comprennent rien à l’écologie ?
L.F. : Là manifestement, ils n’ont rien compris. Ce n’est pas faute de l’avoir dit, que ce soit Claude Allègre ou moi. Pas le Allègre, anti-GIEC, c’est un autre débat, mais celui qui a réfléchit sur l’écologie. Je trouve dommage que la droite ait manqué l’occasion historique de mettre en place un écologie scientifique, rationaliste, et en plus mondialiste : celle dont on a besoin. C’est la vraie place de l’écologie dans la mondialisation. Alors que ce qui s’est développé jusqu’ici à travers la mode de l’écologie, c’est quand même une passion anti-moderne, anti-libérale, avec l’idée qu’il faut punir les occidentaux. Derrière cette logique de repentance et de punition se cache une haine de la liberté, une passion du châtiment. Ils me font penser à Philipulus, le prophète dans Tintin. Ils sont là à dire : «  C’est le châtiment, c’est le châtiment ! ». C’est un luxe de riches. A Copenhague, l’idée que nous allions réguler le développement des Indiens et des Chinois était à hurler de rire. Ce n’est pas avec ça qu’on va s’en tirer.

P.G. :
Merci Luc Ferry. Si je devais n’emporter qu’un seul de vos trente livres en vacances, je choisirais « La Mythologie ».
L.F. : Vous avez raison, d’ailleurs « La Mythologie » reste mon propre livre de chevet. D’abord parce que la mythologie grecque est d’une invention et d’une imagination sans limite, tout en étant la matrice de la philosophie occidentale. Ensuite parce que nous vivons dans un monde d’addiction à la consommation. Nous sommes tous, et nos enfants encore plus que les adultes, plongés dans un univers qui est extraordinairement séduisant, ludique : un univers d’objet, un univers de loisir, un univers de plaisir. Le seul moyen d’accepter ce monde de tentation généralisée, que j’aime, et si on veut armer nos enfant pour qu’ils ne deviennent pas des drogués de la consommation, il faut leur donner le sentiment réel d’un autre monde, ce qu’offrent plus précisément les grandes œuvres. La première d’entre elles, c’est la mythologie grecque. Au fond, aux enfants, il faut raconter des contes de fée, parce que cela les entraîne ailleurs.

P.G. :
Merci Luc Ferry.
Par Philippe Gildas —  © BRAND’S

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