« Cette rencontre appartient au domaine du sublime » par Jazz Magazine

[…] Sans ambages ni circonlocutions, disons que cette rencontre appartient au domaine du sublime. Elle procède de la théorie de l'Aleph borgésien, point de l'espace où se trouvent tous les lieux de l'univers vus de tous les angles. Pour cela, il fallait deux personnalités peu communes, l'une venant des mondes du jazz, l'autre des musiques mandingues ouest-africaines. Depuis le début des années 1970, Olivier Hutman a rayonné dans la gloire de Clark Terry, Art Farmer, Clifford Jordan, Roy Hargrove, Christian Escoudé ou Barney Wilen. Lamine Cissokho, natif de la Casamance dans une famille de djelis (griots), a été formé à l'héréditaire charge de louer ses héros fondateurs, puis à la kora dès l'âge de 10 ans. Transmetteur à son tour d'une culture savante et sacrée, il illumine la kora auprès d'Alain Oyono, d'Eric Bibb notamment, inscrit son nom sur l'inévitable "Pakao". L'un est passeur de musique klezmer (pas que), I'autre animateur de l'afro-jazz (pas que). Ces repères sont bien trop succincts pour saisir l'étendue de l'alliance qui a produit ce disque. Et d'abord une alliance de sensibilités sur un programme de compositions signées par chacun d'eux, mais augmentées par le goût du passage de l'instrument et de l'humain. Cette attention et connaissance profonde qui révèle la géomancie de l'Aleph, centre de l'émotion et du vertige, provoque le bonheur de l'écoute, sans préférence ni restriction. Car enfin ce disque est une pyramide d'alchimie, tissage et métissage de l'accord idéal, preuve que la pierre philosophale n'est pas un mythe. Jaillie encore une fois du jazz et par conséquent de l'Afrique, d'un duo de devins en premier lieu.

Guy Darol - Jazz Magazine