« La belle œuvre » par Chant Songs

« Avec Les Poètes en chansons, les Editions Frémeaux & Associés offrent une anthologie de ces grands poèmes mis en musique et servis par des interprètes, et parfois compositeurs, qui ont fait de la belle œuvre. Et popularisé ses classiques auprès d’un large public.
Selon une légende répandue, Victor Hugo aurait écrit : « Défense de déposer de la musique le long de mes vers » (il semblerait que ce soit une création de Leconte de Lisle). Les compositeurs ont eu raison de braver « l’interdit » et de mettre en musique certains poèmes. On peut se demander qui connaîtrait par exemple Rutebeuf, sans le savant collage que fit Léo Ferré de plusieurs poèmes de l’auteur du Moyen-Âge avec son Pauvre Rutebeuf. Ferré qui déclarait comme le signale le livret accompagnant le coffret : « J’ai mis en musique Rutebeuf. Il a vécu il y a 700 ans. Aragon vit en 1961 ; c’est assez dire que le vers français a un potentiel de musicalité.« S’il y avait un doute sur l’importance de cette mise en musique de la poésie qui fit découvrir notamment Rimbaud (dans le cas de Ferré) à un large public, l’écoute des « chansons » de ce coffret le lèverait. On y retrouve avec bonheur la sensualité et l’humour d’un Prévert, mis en bouche par Yves Montand et son célèbre vibrato, dans Sanguine, joli fruit comme dans le très jazzy En sortant de l’école. Ou son cri antimilitariste de Barbara et cette « connerie de guerre » qui garde, malheureusement, toute son actualité à l’heure de l’Ukraine et de la guerre au Moyen-Orient.
Les femmes ont aussi donné de la voix sur les vers des poètes. Que ce soit Juliette Gréco (Les Enfants qui s’aiment) ou Germaine Montero dans l’interprétation d’un réalisme profond du poème de Pierre Mac Orlan, La Chanson de Margaret. Sans oublier la grande Marianne Oswald et son interprétation chanté-parlé de Le Dernier poème de Desnos.
Si Ferré, Brassens, Gainsbourg (et sa version marquante de Nuit d’automne, de Musset), Trénet ont signé des versions célèbres de poèmes de Villon, Hugo ou Aragon, ce coffret a le mérite de rendre public les mélodies moins médiatiques d’un Henri Duparc portée par la voix du baryton Gérard Souzay avec par exemple La Vie antérieure ou L’Invitation au voyage, de Baudelaire. Sans oublier celles d’un Francis Poulenc comme l’émouvant Le Disparu, de Desnos, mis en onde par le baryton Pierre Bernac.
Autant de compositeurs qui ont permis à la poésie de « descendre dans la rue » et d’échapper ainsi aux manuels scolaires. Braver les interdits a donc du bon. »
Par François CARDINALI – CHANT SONGS