« L’un des grands disques de 2023 » par Jazz Magazine

Quarante ans après « Lumière », le premier album de son Big Band, Laurent Cugny a assemblé un Tentet qui mêle plusieurs générations de musiciens pour graver un disque qui fera date. Si l’on se délecte des deux compositions originales du leader – la subtile et crépusculaire « Liviore » habitée par le saxophone soprano de Martin Guerpin et la dansante « Salamore » où le fluide solo de Manu Codjia nous rappelle au bon souvenir du regretté Lionel Benhamou, qui occupait naguère sa place dans le Big Band Lumière -, c’est la manière dont est transcendée la musique des autres qui transporte l’auditeur. Tout en restant dans l’esprit du temps – « zeitgeist » -, des époques et des esthétiques liées à ce répertoire qui reflète l’éclectisme de sa culture musicale, Laurent Cugny affirme sa maestria d’arrangeur et s’élève au niveau des plus grands. De Miles Davis (« Mr. Foster », que le trompettiste avait offert, comme son titre l’indique, à son batteur Al Foster) à Duke Ellington (« Mood Indigo », somptueusement resongé entre tradition et modernité) en passant par Pat Martino (« Pyramidal Vision », extrait du chef-d’œuvre de 1976 du guitariste, « Joyous Lake », et composé, tiens donc, par un ancien membre du Gil Evans Orchestra, Delmar Brown), Weather Report (« Boogie Woogie Waltz », Joni Mitchell (« Woodstock »), Michel Jonasz (« L’air que l’on respire ») et les Beatles (« I Want You »), son Tentet à l’instrumentation singulière – foisonnant triumvirat de claviéristes, batteries doublées comme chez Frank Zappa ou King Crimson – est un écrin kaléidoscope où chaque soliste n’a nul autre choix que de donner le meilleur de lui-même. D’ores et déjà l’un des grands disques de 2023.

Par Fred GOATY – JAZZ MAGAZINE