« Franck Médioni est journaliste, écrivain, producteur. On lui doit des livres d’entretiens, des biographies, la direction de livres collectifs…
Encore ici il n’invente rien, il révèle ; il ne commente pas la musique, il l’épouse ; il n’encombre pas mais laisse la place, au point de ne pas citer les questions pour ne garder que les réponses ; il dit ce que Portal joue, et aussi ce qu’il tait.
José Artur a appelé Michel « Le comanche du saxophone qui n’a jamais voulu marcher en file indienne « , Michel s’en souvient, il ne joue pas, il vit la musique. Il rencontre, il s’amuse, il s’étonne, il cherche, surtout il doute, ses propos sont perpétuellement ( quasiment une fois par page) ponctués de « Je ne sais pas ». Il est « intranquille » dit Guy le Querrec.
Picasso : « Je ne cherche pas, je trouve ! », Michel portal : « Je ne trouve pas, je ne fais que chercher ! ».
Musique chercheuse, qui ‘turbule’, qui bouleverse. Il a ébranlé la maison jazz, comme les beboppers qui se sont révoltés dans les ‘40 en renversant les fondamentaux, lui, pionnier d’un free jazz européen, a aidé à s’affranchir du modèle noir américain pour inventer sa propre musique depuis le fameux concert de Châteauvallon (23 août 1972).
Acteur de l’instant, il a eu longtemps peur de ce livre, peur de la stèle, du caveau, du cénotaphe, peur de l’immobilisme. Au final, ce beau bouquin ( papier épais, lecture confortable) s’impose comme une mémoire vive où il se souvient, raconte, s’interroge : il parle comme il joue, c’est spontané, rieur, indocile, espiègle, vif… Libre !
(…)
Michel Portal… écoutez le encore nous parler de son attachement pour un autre inévitable, le chercheur permanent, John Coltrane. Et son admiration de celui qui trouvait dans l’air du temps, avant qu’il ne soit temps, le son, Miles Davis. Parler du swing, qui est partout, chez Mozart aussi…, de la couleur, l’oreille, la confiance donnée aux musiciens avec lesquels il partage l’espace de jeu.
Malgré que les disques « c’est pas mon truc », il raconte ses premiers, sous son nom : ‘Dejarme solo’, ‘turbulence’, et puis ‘Mineapois’, ‘Baïlador’.
L’impact Ornette Coleman, Albert Ayler, Archie Shepp, l’Art Ensemble, Don Cherry, les compagnons de ‘65 qui (se) prépare à ‘68, cri de liberté. Le Unit en ‘72, sensation de donner…
L’impro, l’écoute, être ensemble. Il faut s’aimer, beaucoup ! Faire famille… comme aimait s’entourer Mozart, qui l’a influencé, plus que le jazz.
Les rencontres importantes, sans égo. Comme avec Barbara, Nougaro, Gainsbourg…
Les musiques de film, ‘Paris Blues’ avec le ‘Duke’ ; Nagisa Oshima, Alain Jessua…
La musique contemporaine, Xenakis, Boulez…
Les duos avec, et avant tout : Bernard Lubat (qui le traite de ‘Fou Artistique’, puis Louis Sclavis, Martial Solal, Max Roach et tant d’autres rencontres, amitiés…
Un désordre qui ne le quitte pas, l’angoisse sauvage, résolus par l’impro, dans la joyeuse Anarchie de l’instant qui s’invente, où sont dissous les doutes.
Michel ‘Je n’sais pas, je n’sais pas, je n’sais pas’… Nous on sait : T’es l’meilleur Michel, on t’aime ! »
Par Alain FLECHE – ACTION JAZZ