Alain Pailler, Auteur de « Plaisir d’Ellington » et « Ko-Ko » chez Frémeaux

«  A la parution de Plaisir d’Ellington, il y a 25 ans de cela, Claude m’avait envoyé une lettre très touchante. Lors d’une tournée aux Antilles, quelqu’un (J.C. De Thandt) lui avait offert mon bouquin et il l’avait lu aussitôt. Sa lettre m’était allée droit au coeur. Ce que Claude disait de mon livre et ce qu’il m’apprenait de sa relation avec la musique d’Ellington m’avaient procuré un très grand plaisir. D’évidence, son enthousiasme de jeune homme n’avait pas connu le moindre fléchissement. Un peu plus tard, en 2002, j’ai eu l’occasion de rencontrer Claude. Il m’avait invité à déjeuner, dans un restaurant au premier étage de la Gare de Lyon. A cette occasion, il avait apporté un press book assez volumineux. Des photos, assez nombreuses, sur lesquelles on pouvait le voir en compagnie de jazzmen illustres (Lionel Hampton, Dizzy Gillespie, Duke en personne…) et de quelques célébrités (Brigitte Bardot, Alain Delon…), des lettres d’Ellington également (Duke signait sa correspondance de son vrai prénom : Edward) et même des fragments de partitions de la main du maître. Par la suite, nous sommes restés en contact. Par téléphone le plus souvent. Vers la fin de sa vie, c’était sa secrétaire (Manuelle) qui m'écrivait de sa part. Je me souviens avec une réelle émotion du jour où je lui avais demandé, par téléphone, de m’expliquer en quoi consistait le voicing qui ouvre Blue Serge (j’avais du mal à identifier les instruments utilisés). Non seulement il m’avait répondu du tac au tac (un cornet et deux clarinettes) mais de plus il s’était mis au piano pour m’en faire la démonstration. Je l’entendais jouer Blue Serge sur mon récepteur et j’avoue en avoir profité pour lui demander de me jouer également l’intro de Swamp Fire. Ce qu’il avait fait aussitôt, allant jusqu’à reprendre note pour note non seulement la partie de piano du Duke mais également celle du contrebassiste Oscar Pettiford. Il connaissait par coeur les différentes parties de l'orchestration, le tempo exact… Le moindre morceau d’Ellington gravé dans sa mémoire. Impressionnant. »