« Frémeaux rend une vraie justice à Bob Azzam » par Sefronia-Médiapart

« La France coloniale du début des sixties, dirigée par un militaire, corsetée dans sa dictature morale, fit un triomphe à des chansons dédiées au couscous et à un gars nommé Mustapha ! Pour le plus grand bonheur de Bob Azzam, un ingénieur égyptien d'origine libanaise (qui parlait donc français) dont la lubie était de chanter. "Mustapha" (1959) et "Fais moi du couscous chéri" (1960) furent ses premiers succès, suivis de "Viens à Juan les Pins" et "C'est écrit dans le ciel", cette même année 60. Cette anthologie Frémeaux rend cependant une vraie justice à Bob Azzam. Car il fut probablement, au-delà des succès faciles et drôles précurseurs du Salvador de 65, le seul représentant en langue française de l'exotica, style inventé aux États-Unis au début des années cinquante par les compositeurs Les Baxter et Martin Denny, mêlant jazz cool, orchestrations colorées et sonorités exotiques. Ces chansons sont nombreuses ici : le très jazzy "Amen twist", "Cha cha mambo" (d'après Tito Puente), "Habibi rock", "La pachanga", "Ali Baba twist", "Dracula cha cha cha"... Encore dans la veine Salvador, il fait le pitre avec "Le Marsupilami" (hooba hooba !) ou le crooner ("Les Papous"). Bob Azzam reprend aussi des originaux en anglais, et il est juste parfait : "You are my destiny" de Paul Anka (1958), "Kisses are sweeter than wine" des Weavers (1951), "Love" des Jamaïcains Lord Flea & the Calypsonians (1957). Une curiosité cependant, "Auf dem Weg nach Marrakesh" (sur le chemin de Marrakech) en traduction allemande de "Fais-moi du couscous chéri". Mais qui a eu une telle idée ! Et aussi, réécoutez "Mustapha" : c'est sa compatriote égyptienne Dalida qui est aux percussions ! »
Par FRANCOIS BRANCHON – SEFRONIA-MEDIAPART