« L'intégralité de la vie du Zydeco » Par Le Cri du coyote

« Difficile de commenter un tel monument, pour une première chronique. Songez donc, un pavé de 48 titres retraçant l'intégralité de la vie du Zydeco, de la préhistoire à son affirmation de style complet et à part. Pour avoir dans ma jolie collection la plupart des titres présents, que j'ai mis largement plus de deux décennies à me procurer et ce, malgré mon acharnement frisant la maltraitance à autrui, j'ai quand même fait quelques heureuses découvertes dans ce double album. Dans le cas ou vous ne connaissiez pas bien cet "idiome", vous trouverez ici les bases solides pour vous y intéresser de plus près. Si vous êtes amateurs de Zydeco "contemporain" vous serez surpris par les hétéroclites racines de celui-ci. Mais si, comme moi, vous êtes un féru de longue date, qui de manière unilatérale pense avoir une grande culture sur le sujet, vous remercierez quand même les divinités vaudouesque du bayou d'avoir bien voulu regrouper sur une seule compilation tous les trucs glanés sur de vieux microsillons bien usés, tout en y rajoutant le truc improbable que vous n'avez jamais réussi à dégoter ou même pire, dont vous n'osiez espérer l'existence. Bref, à consommer sans aucune modération au niveau des oreilles. Mais cerise, sur le gâteau, Frémeaux est une maison sérieuse que ne se contente pas de faire des disques sérieux, elle a aussi la prétention de "culturer" ses adeptes, et pour ce faire, elle glisse a l'intérieur de ce pur régal un livret de 40 pages, hyper documenté, qui malheureusement, pour moi, démonte de manière éhontée et fondée certaines idées fausses que j'avais sur l'historique de ma musique préférée (c'est toujours dur de s'apercevoir qu'on n'a pas forcément fait le tour d'un sujet), l'avantage de se livret est de nous laisser sur notre faim tout en nous donnant les nouvelles pistes à suivre. En effet l'histoire, de ce double disque, s'arrête en 1972 , age d'or du zydeco symbolisé par l'incontournable Clifton Chenier.
Pour en finir on ne peut pas ne pas parler du choix des musiciens et des morceaux. La proximité de la "cousine" Cajun des origines est bien marquée par Amédée Ardoin suivi de près par le trop méconnu Bellard, agrémentée d'autres artiste plus anonymes qui nous offre la palette des origines où se mêlent à l'acadien, l'Afrique et les (je dis bien les) blues. Puis viens la période d'incubation avec des gens qui a priori ne font pas du zydeco, genre C. Garlow, mais dont l'absence sonore n'aurait pas permis l'émergence de ce style, et là nous arrivons à Chenier... Je ne dirai rien, tous est dit dans le livret, sinon que le choix des plages très diverses du King of Zydeco est plus que judicieux, là non plus ne sont pas oubliées les talentueuses victimes colatérale de l'effet Chenier. La deuxième bonne surprise est le fait que le Zydeco rural de l'époque n'est pas occulté avec la présence, entre autres, de l'ineffable Boozoo Chavis, ainsi que quelques enregistrements valant leur pesant de cacahuettes comme Bee et Freeman Fontenot, collectés at home et parus chez Expression spontanée dans les années soixante dix, dont c'est malheureusement le seul enregistrement et qui n'avait jamais été réédité. Pour finir quelques plages de Bois Sec Ardoin et son inséparable alter ego, Conray Fontenot qui à eux deux on fait découvrir au monde qu'il existait, à côté de la forme urbaine de zydeco à la Chenier, une autre branche de la musique Créole de Louisiane, plus roots encore. Si vous ne devez acheter qu'un seul album de zydeco dans votre vie et bien c'est celui-là. »
Par Roger MORAND – LE CRI DU COYOTE