« La plus parfaite élégance » par Classica

Bien qu’il s’inscrive résolument dans l’idiome du jazz, plutôt modal, relativement éloigné du blues, ce disque du quintette du pianiste Guillaume de de Chassy devrait tout autant séduire les amateurs de musique du monde et de classique. Peut-être parce que les premiers se retrouveront dans l’importance donnée aux percussions, dans cet instrument étrange que demeure l’harmonica, dans les ostinatos sur lesquels la musique repose, dans ce morceau au rythme boiteux évoquant l’Europe Centrale, La Gigue. Peut être parce que les seconds y apprécieront la reprise d’un thème de Prokofiev, d’un chant liturgique, d’une comptine, mais surtout le raffinement, la liquidité, si l’on peut dire, de la musique. Un morceau, qui ne manque ni de tristesse ni d’éclat, est intitulé Mélisande. Plutôt contemplative, la musique joue beaucoup sur les répétitions, sur l’expression des énonciations. Si elle s’inscrit bien dans le nouveau courant nocturne qui semble de plus en plus important dans la musique improvisée d’aujourd’hui, elle ne joue pas ici avec le silence : c’est une musique du plein, aux sonorités rondes. Le titre de l’album n’a pas été choisi par hasard. On y entend bien la mer, son roulis, ses rumeurs, ses humeurs, qui ne sont pas toujours tempétueuses. Elle nous parle du banal, du quotidien, triste ou ensoleillé, de la nostalgie, du rêve, du désir d’évasion, peut-être aussi la peur de ce qui nous dépasse. De cathédrales englouties ? Tout cela avec un abandon qui fait peur lorsqu’il ne réjouit pas. Les musiciens, excellents, ne se départissent jamais de la plus parfaite élégance, dans ces morceaux aux thèmes souvent simples, mais possédant une véritable force émotionnelle.
Stéphan VINCENT-LARCIN - CLASSICA