« La trilogie marseillaise » par Lire

« Fanny et César, qui forment avec Marius la trilogie dite « marseillaise », peuvent être lus comme le récit des étapes du châtiment de Marius qui doit payer pour ses rêves d’exotisme et pour avoir fui celle qu’il aime. Il s’en faut cependant que Pagnol ait eu, dès le début, le projet de composer un tel ensemble. Lorsqu’il a écrit Marius, Pagnol avait en tête une pièce qui se suffisait à elle-même et, malgré le succès, il était réticent à l’idée même d’écrire une suite : « Un auteur qui écrit une suite risque de donner l’impression qu’il est à bout de souffle, qu’il tire sur une même ficelle d’imagination » lui aurait déclaré le directeur du Figaro, Pierre Brisson. Ayant surmonté ses réticences, il sut montrer qu’il ne manquait pas d’imagination pour tirer parti avec bonheur d’un fil dramatique assez solide pour porter l’intrigue d’une suite qui se maintienne au niveau de son commencement. Dans Fanny (crée le 5 décembre 1931), Marius, omniprésent dans les conversations des autres personnages, a quelque chose de l’Arlésienne, à ceci près qu’il apparaît au dernier acte : de passage à Marseille, il vient faire comprendre à Fanny que , deux ans après, il l’aime toujours. Mais elle est devenue entre-temps la femme de Panisse et la mère d’un futur héritier dont « la vie est toute prête ». Marius a beau dire que la folie des voyages l’a quitté et tenter de se justifier auprès d’elle : « Ce qui se passe dans notre tête, on ne le comprend pas toujours …Je veux dire pas tout de suite…. Avec Piquoiseau qui me racontait ces histoires et ces sirènes de bateau qui m’appelaient dix fois par jour, et même qui me réveillent la nuit… je m’étais fait des imaginations… » . Nouvel échec. Au désespoir, Marius, comprenant qu’il a « gâché [sa] vie », se voit signifier par son père qu’il a perdu tout droit sur un fils désormais devenu celui d’Honoré Panisse. La pièce se termine, comme la première, sur l’échec des amours de Marius et de Fanny, sacrifiés non plus au rêve d’évasion mais à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le dernier volet du triptyque fut directement écrit pour le cinéma, tant était pressant le désir du public de revoir la même distribution des personnages. Réalisé en cinq semaines en 1935 et 1936, Pagnol en tira une comédie parue en 1937 et crée en 1940. Vingt ans après, Panisse est mort et son fils, Césariot, est devenu un brillant polytechnicien. Dans la version écrite, le curé Elzéar pousse Fanny à révéler à Césariot la véritable identité de son père : « d’abord, pour qu’il ne l’apprenne pas par d’autres et pour qu’il sache que tu n’as pas menti à ton mari », enfin pas dans l’au-delà de son « mensonge quotidien » .Césariot retrouve Marius, qui, loin des rêves d’évasion, n’est plus qu’un simple ouvrier mécanicien à Toulon. Après quelques quiproquos, on solde les comptes des pièces antérieures, le tout débouchant sur une sorte de happy end, Fanny déclarant à Marius, alors qu’il lui parlait mécanique et moteurs de bateaux, qu’il « n’y a rien d’irréparable ». Mais la philosophie de l’ensemble serai mieux résumé par une formule que l’on trouve dans Le Château de ma mère : « Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants »
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