« Le métissage des musiques » par Marianne

Au bastingage du navire espagnol rudimentaire qui part de Cadix, en 1941, pour Rio de Janeiro se penche une formation célébrissime. Ray Ventura et ses Collégiens se connaissent depuis le collège (Janson-de-Sailly, à Paris). Ils ont commencé par animer les surprises-parties du XVIe, et quinze ans après, aucune oreille hexagonale n’est passée à côté de leur Tout va très bien madame la marquise, ou des Trois Mandarins. Ce 20 novembre 1941, pour la plupart d’origine juive, ils fuient la propagande antisémite. Au Brésil, désagréable surprise, l’accueil se montre plus que réservé. Les carioca ne les ont pas entendus pour découvrir les grandes formations. Leur guitariste, un inconnu nommé Henri Salvador, a une idée. Il entre en scène avec une imitation de Popeye the Sailorman. Tabac immédiat. Le swing style années 30 du groupe s‘équipe de maracas et s’enrichit des rythmes exotiques du pays. La fusion s’opère. L’arrangeur, Paul Misraki, compose le sémillant Rio de Janeiro. Les refrains seront en portugais et en espagnol. Un triomphe attend les Collégiens. Dans l’Uruguay ébranlé par la fureur du tango, la concurrence se révèle plus rude. Le groupe s’adaptera et mélange à son répertoire des titres de samba, comme le romance Carioca. Les chansons annoncent le métissage des musiques. Elles seront reprises pour la tournée nord-américaine qui précède leur retour vers la France libérée. Puis abandonnées. Elles paraissent aujourd’hui un peu rétro. Sans doute le lot des pionniers. B.PF - MARIANNE