« Pierre Henri Tavoillot donne des conseils à l’usage de tous » Par le Blog Ministère de la Culture

Qu’on se rappelle Œdipe, l’homme qui avait brouillé les âges, qui les avait mélangés… Figure de l’épouvante, celle d’une époque, la nôtre, engluée elle-même dans le brouillage des âges.  Pourquoi vieillir ? Quand aujourd’hui partout on nous affirme qu’il est possible, sinon souhaitable, de rester jeune…Faire ou ne pas faire son âge… L’impératif contemporain nous enjoint de faire jeune, à défaut de le rester. Curieuse existence que celle de parents qui ne souhaitent rien tant que leurs enfants soient en avance sur leur âge, quand dans le même temps ils égrènent le leur à reculons. Curieux âges de la vie professionnelle aussi, décortique Pierre-Henri Tavoillot, où Junior c’est trop tôt et Sénior trop tard… Qui plus est quand une récente étude révèle qu’on est Junior jusqu’à 30 ans, mais qu’on bascule dans le monde des Séniors dès 35 ans… Nos vies s’allongent, mais se raccourcissent horriblement.
L’âge d’homme, c’est quoi ? Non sans malice, Pierre-Henri Tavoillot observe que dans les sociétés coutumières, l’adolescence durait trois jours. On était enfant et puis le lendemain on se réveillait homme. Quand dans nos sociétés, l’adolescence commence à douze ans et s’achève à trente… (…) Dans cette conférence très ajustée, Pierre-Henri Tavoillot s’est mis en tête d’étudier la crise contemporaine des âges. Une crise qui, selon lui, est au fond celle d’un seul âge de la vie qui concentre tout le poids des contradictions sociales : celui de l’âge adulte. L’âge d’homme... D’où vient que nous ne sachions plus comment l’assumer ? D’avoir voulu si longtemps l’incarner seul, ayant retranché une moitié de l’humanité (les femmes), de son horizon ? Avec justesse, Pierre-Henri Tavoillot observe la reconfiguration des âges de la vie dans nos sociétés contemporaines. Avant, les choses étaient simples : il y avait l’enfance, l’âge adulte qui dirigeait le monde, et la vieillesse. Mais aujourd’hui, on a rajouté l’adolescence interminable,  et rabougri l’âge adulte à sa portion congrue. Un âge qui rétrécit jour après jour comme une peau de chagrin face à l’élargissement phénoménal de la jeunesse, tout comme celui de la vieillesse. Rogné aux deux extrémités, déstabilisé, avec une vie de couple de plus en plus compliquée, une activité au travail de plus en plus restreinte. Un âge où personne n’a plus le temps de vivre pour soi, devenu celui des crises à répétition. Il serait même l’épicentre de la crise de l’homme contemporain, dans une société structurée par l’avenir, qui appartient à la jeunesse… Les âges de la vie se sont ainsi reconfigurés sans que l’on sache désormais comment conduire sa vie, de la vie au berceau. Les réponses du passé ne valent plus : il fallait jadis de la sagesse pour que la vie prenne du poids, mais il n’y a plus de sagesse nulle part. L’adulte est un salaud. La phrase sent son Sartre, qui haïssait le monde des adultes, cet âge bourgeois… Reste la question de l’identité narrative, si âprement vécue désormais. Qu’est-ce que raconter sa vie ? Cela a-t-il encore un sens ? Autre que le vide dans lequel le récit de soi tombe le plus souvent, s'il n'est porté par la peoplelisation des curées autofictives… Peut-on alors reconfigurer les âges de la vie ? Pierre-Henri Tavoillot en fait le pari, qui donne des conseils à l’usage de tous : plutôt que de sombrer dans le culte de l’enfant, protégeons l’enfance : aidons-les à grandir (…). »
Par Joel JEGOUZO - BLOG MINISTERE DE LA CULTURE