« Une anthologie variée, bien équilibrée » par Répertoire

La voici cette anthologie de fado qu’on était en droit d’attendre de la part d’un éditeur français. Voici, en un double CD formule Frémeaux, les débuts enregistrés de ce chant et de cette musique que le Portugal tente tant bien que mal de continuer à exploiter en lui attribuant un cachet indélébile marqué du saut de la saudade, cette mélancolie typique de l’âme lusitanienne.
Cette musique née dans les villes, à Lisbonne d’abord, puis à Coimbra, a eu ses heures de gloire – entendez par là ses meilleurs moments où l’expression du fado correspondait à un contexte social. On le chantait dans les cafés, dans les brasseries, il est né sur les lèvres des prostituées et des classes désoeuvrées. Le fado est une plainte, un chant de douleur, d’émotion, de résignation. Petit à petit, il se fera roi de la vie nocturne, rebondissant de créateur en créateur, de chanteuse en chanteuse. A Coimbra, plus proche de l’université, il sera plus intellectuel.
L’avantage de ce coffret, outre son livret clair et détaillé, est de nous emmener au cœur des premiers enregistrements réalisés par Columbia, HMV, Odeon, Polydor, Parlophone, Brunswick, etc, et de nous y balader avec forces détails, à la découverte de voix parois très connues comme Maria Silva, Maria Alice, Maria do Carmo ou José Porfirio. La viola, cette magnifique guitare portugaise, aux cordes groupées comme celles d’un cistre, est très présente également et l’on découvre, notamment, Artur Paredes, membre d’une célèbre famille de guitaristes et père du désormais très connu Carlos Paredes.
Cette anthologie variée, bien équilibrée, est un point de départ idéal pour écouter le fado et ce qu’il fut à cette époque importante. Les plus grands noms qui suivront immédiatement dans les années 30 et 40 en seront d’autant plus facilement reconnaissable et appréciable et viendront assez naturellement compléter le discothèque de celui qui aura apprécié la simplicité et la franchise de ce fado de début de siècle qui ne sentait par encore l’exploitation outrancière d’un style larmoyant.
Étienne BOURS – RÉPERTOIRE