« Vivement recommandé ! » par Jazz Dixie Swing

Voila déjà plus de trente ans qu’Emmanuel Hussenot charme et réjouit nos oreilles avec les joyeuses prestations de son « Orphéon », petit groupe dans lequel ont défilé au cours des ans un bon nombre de jazzmen de tous horizons, venus apporter leur contribution à une musique avant tout distractive mais, ne nous y trompons pas, interprétée par des instrumentistes de talent pour lesquels jazz et humour sont censés coexister, même si l’humour surpasse souvent la notion de jazz. Mais on a tout de même bien le droit de s’amuser un peu, non ? Surtout quand la qualité des prestations reste toujours au dessus de tout éloge, ce qui est le cas pour cet album enregistré en 2014, et qui comprend, comme d’habitude, la participation de personnages multi- instrumentistes (parfois difficiles à distinguer…) comme le leader Emmanuel qui joue du sax alto, de la flûte à bec, de la trompinette, du kazoo, du pipeau (et l’on serait tenté de dire « et cetera »). A ses cotés, le toujours fidèle Christian Ponard est au banjo, à la guitare, au cornet, au kazoo… Patrick Perrin joue du souba, du jug, du kazzo et le jeune Romain Ponard brille à la batterie, au washboard, aux percussions diverses. Mais ce n’est pas tout, nos quatre musiciens chantent et scattent de belle manière dans presque tous les morceaux, pour éviter aux auditeurs d’éprouver la moindre tentation d’endormissement. Voici donc ce qui vous attend si vous décidez d’acquérir ce recueil (vivement recommandé !) : d’abord des compositions d’Emmanuel Hussenot chantées par lui-même : « Flic flac faut d’eau » (paroles loufoques à souhait, avec un bon chorus d’alto) ; « Sleepy Crooner » (allusion à un chanteur mal réveillé aux paroles confuses), « The Stompers » (mâtiné d’un rap d’un ravissant mauvais goût), « L’asile » (allusion exotique à un aliéné de la pire espèce), « Les fleurs sont moches » (chanson délicieusement saugrenue), « Quand j’ai bu » (agrémenté de glou-glous et de hoquets bienvenus), « Tapis rouge » (avec Christian Ponard au cornet dans un thème déjanté avec un scat étrange…), « Chat bada » (évocation surréaliste de la vie des chats avec chœurs faussement tendres), « Mirliton » (avec paroles joyeusement stupides et un bon chorus de banjo). Si vous comprenez pas bien les paroles bizarres de tous ces chefs-d’œuvres, pas de panique ! Elles figurent toutes dans le livret bien documenté de Frémeaux. Les autres compositions d’auteurs divers ne manquent pas de pittoresque : « La Marche Turque » démontre la belle virtuosité de chacun, avec un scat étonnant d’Emmanuel, « L’Internationale », sur un rythme très vif tournerait volontiers en dérision le militantisme politique, avec encore un scat désopilant, et des chorus extra de washboard et d’alto. « Pocket Basie », en dépit de son aspect extravagant, se rapproche beaucoup du jazz pur, avec des solos inspirés de banjo et de souba, « Duelin’pipeau » : instrumental qui met en valeur un duel très réussi entre pipeau et banjo ; « La chorale des oiseaux » : valse hors jazz, mais concert fort amusant de cris de divers volatiles ; « Une chanson douce », le succès d’Henri Salvador, chanté d’une voix avinée et traînante, particulièrement réjouissante ; « Funky tuba » fait bien ressortir le talent de Patrick au tuba (avec scat) et « Tour de fin » termine en beauté cet album plein de trouvailles aussi drôles les unes que les autres. Evidemment, il nous manque hélas le coté visuel de toutes ces prestations. Je ne sais s’il existe un DVD de l’Orphéon, mais s’il y en un, je suis preneur, pour compléter ma collection des Spike Jones et autres Haricots Rouges et me distraire de toutes les horreurs que l’actualité nous réserve chaque jour…
Par François BALZER – JAZZ DIXIE SWING