« Boîtes à souvenir» par l’Express

Paru en deux volumes chez Frémeaux & Associés, les spécialistes de la réédition de luxe, Biguine (FA 007 et FA027/Distribution SRI) documente la rencontre magique entre la musique des îles - Guadeloupe et Martinique, encore une fois - et le cadre fertile de la métropole. Ville d’accueil, donc de métissage Paris s’est toujours vantée de cultiver – et d’afficher – un certain goût de l’exotisme. C’est sans doute ce qui lui a valu de devenir, durant les années 20 et 30, la capitale en exil du tango (grâce à Carlos Gardel, notamment), mais aussi de la biguine, qui fleurissait alors sous les doigts du légendaire clarinettiste Alexandre Stellio, sous l’archet de Roger Fanfan, et dans les voix de Crémas Orphélien ou Léona Gabriel. Le public du Bal Nègre et des autres cabarets créoles de Paris était remarquable pour sa mixité, ce qui contraste avec une Amérique où, à la même époque, on vous tabassait pour moins que ça. Mais à bien y penser, cette fraternité était le corollaire naturel d’une musique elle-même née du métissage, qui puisait à parts égales dans les danses empruntées à l’héritage européen (valse, mazurka) et dans le jaz naissant. Si le genre trouve encore des apôtres aujourd’hui (Malavoi s’y replonge à l’occasion), le son de la biguine classique, comme le son du Hot Five de Louis Armstrong, n’est pas près de revoir le jour. Raison de plus pour se ressourcer dans ces deux exceptionnelles boîtes à souvenirs.
EXPRESS