« Une intensité comme on ne saurait jamais ni la trouver ni la lire. » par L’Echo Magazine

« Si le centenaire de la naissance d’Albert Camus a été l’occasion d’hommages et d’articles nombreux et passionnants, il n’y a toutefois rien de plus émouvant, à vrai dire bouleversant, que de pouvoir aujourd’hui réentendre la voix d’Albert Camus lui-même lisant deux de ses livres auxquels il attachait une importance toute particulière : le récit de L’Etranger et la pièce de théâtre Caligula. Enregistrés en live par France 4 Haute Fidélité en avril 1954, soit trois ans avant de recevoir le prix Nobel et six ans avant l’accident mortel dont il fut victime, la lecture de ces deux ouvrages révèle non seulement une écriture incomparable par sa limpidité, mais aussi l’importance d’un patrimoine sonore permettant l’écoute de la pensée des grands intellectuels de l’histoire contemporaine. En s’expliquant sur le personnage de Meursault, Camus dit simplement ceci : « il refuse de mentir. Mentir n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi, c’est surtout dire plus que ce qui est et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on ne sent. C’est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. (…) On ne se tromperait donc pas beaucoup en lisant dans L’Etranger l’histoire d’un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité ». Quant à Caligula, dont il affirme dans une lettre à son amie Christiane Galindo qu’ « il est capital que cela soit une réussite, il constitue, dit-il encore, avec l’Etranger, le premier stade de ce que maintenant je n’ai pas peur d’appeler mon œuvre. Stade négatif et difficile à réussir mais décidera de tout le reste. » L’on comprend ainsi la raison essentielle pour laquelle il a désiré enregistrer lui-même ces deux œuvres fondamentales auxquels il pouvait lui seul, et lui seulement, donner le ton qu’il voulait. Et le timbre de sa voix, si particulier et percutant, y ajoute une intensité comme on ne saurait jamais ni la trouver ni la lire. Sont ajoutés deux interviews, datant de 1955 et 1958, dans lesquels Camus répond aux questions de Jean Mogin et Jacques Marcerou. »
Par Jean BOREL – L’ECHO MAGAZINE