« 224 minutes de swing et de félicité céleste » par Paris Move

« Décidément, chaque année vers la même période, le spécialiste français du Genius, Joël Dufour, semble tenir à nous gratifier de time-capsules plus roboratives les unes que les autres. Alternant blues depuis le fond du trou (“Danger Zone”, “Careless Love” ou l’inédit – et manifestement improvisé “on the spot” “Untitled Blues”), jazz échevelé à la frontière du swing et du bop (“Marie”, “Alexander’s Ragtime Band”) où étincellent les cuivres de son rutilant big band (avec pour solistes tueurs Hank Crawford et David ‘Fathead’ Newman), hits encore tout frais (“Hallelujah I Love her So”, “Unchain My Heart”, “Hit The Road, Jack”) et réminiscences gospel à tomber à genoux (“Georgia On My Mind”, “I Believe To My Soul”, “Drown In My Own Tears”), ce coffret triple CD déploie en 60 plages un panégyrique des dix récitals que Ray Charles offrit à la réputée plus belle ville du monde, du 17 au 25 mai 1962, tout en annonçant l’un de ses crossovers ultimes (l’alors imminent LP “Modern Sounds In Country & Western Music”), avec ses épatantes adaptations du “‘I Can’t Stop Loving You” de Don Gibson et du “Bye Bye Love” du couple Felice et Boudleaux Bryant (dont les Everly Brothers avaient déjà fait leurs choux gras). Si les Raelets historiques étaient manifestement du voyage, et si chacun de ses sets s’achevait déjà par le triomphal “What I’d Say” de rigueur, cette collection (qui le restitue au zénith de sa forme et de son talent) s’avèrera d’autant plus précieuse aux yeux (et aux tympans) de ses admirateurs qu’elle s’enrichit d’une vingtaine de prises inédites, ainsi que de cinq plages captées en studio, où le piano de Ray se met au service de deux de ses héros, Louis Jordan et Percy Mayfield. Pour couronner le tout, y figure également l’un des très rares enregistrements recensés de l’instrumental jazzy “Blue Stone” (signé Hank Crawford), où le Genius s’illustre en personne au saxophone alto (il en existe un autre sur le “Live At Newport 1960”, que la maison Frémeaux & Associés nous avait déjà proposé il y a cinq ans). Faut-il spécifier quel soin fut apporté au mastering, ainsi qu’à l’iconographie du livret copieusement détaillé ? 224 minutes de swing et de félicité céleste, yes indeed. »Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE