Les Gitans de Paris 1938-1956
Les Gitans de Paris 1938-1956
Ref.: FA5247

LES FRERES FERRET (BARO, SARANE, MATELO)

Ref.: FA5247

Direction Artistique : PIERRE LAFARGUE & BENJAMIN GOLDENSTEIN

Label : Frémeaux & Associés

Durée totale de l'œuvre : 2 heures 57 minutes

Nbre. CD : 3

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Présentation

Croire que l’on connaît l’histoire du swing manouche parce que l’on a écouté Django Reinhardt, c’est oublier - et méconnaître - l’héritage fondamental des frères Ferret, qui développèrent une véritable saga parallèlement à la geste Reinhardtienne. Pierre Lafargue nous propose de découvrir cette épopée en 3 Cds accompagnés d’un livret de 48 pages.
Patrick Frémeaux
To think you know gypsy swing history just because you’ve heard Django Reinhardt is to forget - and underrate - the essential legacy of the Ferret brothers, whose own authentic saga unfolded in parallel with Reinhardt’s contribution. Pierre Lafargue allows us to discover this history in a 3 CD set with a 48 pages booklet.
Patrick Frémeaux
CD1: Le Trio Ferret : 1. Ma Théo - 2. Gin Gin - 3. La Valse des Niglos - 4. Ti-pi-tin - Albert Ferreri et le Trio Ferret : 5. Exactly Like You - 6. Wind and Strings (Andalousie) - Gus Viseur’s Music : 7. Wind and Strings (Andalousie) - Gus Viseur et son orchestre : 8. Swing Valse - Sarane Ferret et le Swing Quintette de Paris : 9. Miami - 10. Septembre - 11. Blue Guitare - 12. Swing Star - 13. Swing 39 - 14. Cocktail-Swing - 15. Deux Guitares - 16. Tiger Rag - Sarane Ferret et le Quintette de Paris : 17. Royal Blue - 18. Surprise-Party - 19. Daphné - 20. Hungaria - 21. Lucky -
CD2: Sarane Ferret et le Quintette de Paris : 1. Studio 28 - 2. Folies-Bergère - 3. Sex-Appeal - André Ekyan et son Swingtette : 4. Standard Swing - 5. Etude Rythmique - Jean “Matelo” Ferret et son Sixtette : 6. Swing Guitare (Swing Guitars) - 7. La Vipère du trottoir - 8. Le Rapide - 9. Swing 42 (Swing Rêverie) - Sarane Ferret et son Quartette : 10. J’en ai marre - 11. I Can’t Give You Anything But Love - Sarane Ferret et son Quintette de Paris : 12. Folie Douce - 13. Swing 47 - 14. Pacific Boogie - 15. I Should Care - Pierre “Baro” Ferret et son Ensemble : 16. Panique - 17. La Folle - Jean “Matelo” Ferret et son Ensemble : 18. Guitare Boogie - Jean “Matelo” Ferret et son Quartette : 19. I Surrender Dear - 20. Out of Nowhere - 21. Djoungalo - 22. Pennies From Heaven -
CD 3: Tony Murena et son Ensemble Swing : 1. Madam’s - 2. Tout n’est pas perdu - Tony Murena et son Ensemble Swing : 3. Avenir - Tony Murena et son Ensemble Swing : 4. Pacific - André Ekyan et son Swingtette : 5. Tcha–Tcha - Pierre “Baro” Ferret et son Ensemble : 6. Dinalie Mineure - 7. Turbulente Zoë - Jean “Matelo” Ferret et son Ensemble : 8. Roule ta bosse - 9. Dors, dors, dors - Sarane Ferret et le Quintette de Paris : 10. Royal Blue - 11. Au temps de la Cour - 12. Nuages - 13. Minor Swing - 14. Viper Drink (Viper’s Dream) - 15. White Christmas - 16. Mon Rancho - 17. Nuits d’Italie - Sarane Ferret et son orchestre : 18. Le Rock ça chauffe - 19. L’Homme du bar - 20. Studio 28 - 21. Miami - Bonus Track : Gus Viseur’s Music (Gus Viseur et le Trio Ferret) : 22. Swing Cocktail
Droits : Frémeaux & Associés



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Presse
« En trois CD, le parcours de l’autre grande famille qui, parallèlement à Django, contribue à l’éclosion du jazz gitan. Trois frères guitaristes, trois personnalités. Pierre « Baro » virtouose étourdissant et « mec à la redresse », Etienne « Sarane » roi de la valse swing et, meilleur des trois,  le « gillespien » Jean « Matelo », décalé, complexe et audacieux. »Par Jazz news
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« Pour souligner le 14 Juillet, fête nationale de nos cousins français, pourquoi ne pas redécouvrir ces magiciens que furent les frères Ferret. Dans la mouvance du génial Django Reinhardt, dont tout un chacun souligne le centième anniversaire de naissance, il ne faut pas oublier les petits maîtres. Du swing manouche dans tout ce qu’il y a de plus classique, mais avec, un petit brin de Paris qui sent la fête foraine et les bals musette. Une fois de plus, saluons le dévouement de Patrick Frémeaux et ses confrères qui font un véritable travail d’historien en sauvant de l’oubli ces musiciens géniaux, trop rapidement oubliés. »Par LE JOURNAL DE MONTREAL
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«... L’ensemble est bouleversant et est porteur de grandes émotions grâce à Gérard Herzhaft qui a fait un travail  remarquable et signe un excellent livret. Une très belle réalisation Frémeaux. » Michel PLISSON – TRAD MAG. A reçu la distinction “Bravos !!!” Trad Mag
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« Encore une très intéressante compilation à mettre au crédit de Frémeaux & Associés et dont Gérard Herzhaft est le maître d’œuvre. Il s’agit là d’interprétations plutôt destinées à l’amateur confirmé, au collectionneur, plus que d’une sorte de "best of" qui présenterait des morceaux connus et estampillés. Cela n’empêche pas ces deux CDs de contenir quelques fort belles pièces. Et, dans l’ensemble, peu (voire pas) de déchet… » André FANELLI – JAZZ HOT. A reçu la distinction « Indispensable » Jazz Hot
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Liste des titres
  • Piste
    Titre
    Artiste principal
    Auteur
    Durée
    Enregistré en
  • 1
    Ma Theo
    Les Frères Ferret
    00:03:04
    1939
  • 2
    Gin Gin
    Les Frères Ferret
    00:03:08
    1939
  • 3
    La Valse des Niglos
    Les Frères Ferret
    00:03:12
    1939
  • 4
    Ti Pi Tin
    Les Frères Ferret
    00:02:43
    1939
  • 5
    Exactly Like You
    Les Frères Ferret
    00:02:41
    1939
  • 6
    Wind And Strings
    Les Frères Ferret
    00:02:42
    1938
  • 7
    Wind And Strings
    Les Frères Ferret
    00:03:14
    1938
  • 8
    Swing Valse
    Les Frères Ferret
    00:02:34
    1939
  • 9
    Miami
    Les Frères Ferret
    00:02:40
    1939
  • 10
    Septembre
    Les Frères Ferret
    00:02:53
    1941
  • 11
    Blue Guitare
    Les Frères Ferret
    00:02:34
    1941
  • 12
    Swing Star
    Les Frères Ferret
    00:02:53
    1941
  • 13
    Swing 39
    Les Frères Ferret
    00:02:57
    1941
  • 14
    Cocktail Swing
    Les Frères Ferret
    00:02:45
    1941
  • 15
    Deux Guitares
    Les Frères Ferret
    00:02:27
    1941
  • 16
    Tiger Rag
    Les Frères Ferret
    00:02:22
    1941
  • 17
    Royal Blue
    Les Frères Ferret
    00:03:11
    1942
  • 18
    Surprise Party
    Les Frères Ferret
    00:03:03
    1942
  • 19
    Daphné
    Les Frères Ferret
    00:02:39
    1942
  • 20
    Hungaria
    Les Frères Ferret
    00:02:55
    1942
  • 21
    Lucky
    Les Frères Ferret
    00:02:36
    1942
  • Piste
    Titre
    Artiste principal
    Auteur
    Durée
    Enregistré en
  • 1
    Studio 28
    Les Frères Ferret
    00:02:51
    1942
  • 2
    Folies Bergères
    Les Frères Ferret
    00:03:08
    1942
  • 3
    Sex Appeal
    Les Frères Ferret
    00:03:07
    1942
  • 4
    Standard Swing
    Les Frères Ferret
    00:02:24
    1942
  • 5
    Etude Rythmique
    Les Frères Ferret
    00:02:54
    1942
  • 6
    Swing Guitare
    Les Frères Ferret
    00:02:44
    1942
  • 7
    La vipère du trottoir
    Les Frères Ferret
    00:02:33
    1943
  • 8
    Le rapide
    Les Frères Ferret
    00:02:50
    1943
  • 9
    Swing 42
    Les Frères Ferret
    00:02:52
    1943
  • 10
    J'en ai marre
    Les Frères Ferret
    00:02:57
    1944
  • 11
    I Can'T Give You Anything But Love
    Les Frères Ferret
    00:03:04
    1944
  • 12
    Folie douce
    Les Frères Ferret
    00:02:19
    1947
  • 13
    Swing 47
    Les Frères Ferret
    00:02:24
    1947
  • 14
    Pacific Boogie
    Les Frères Ferret
    00:02:22
    1947
  • 15
    I Should Care
    Les Frères Ferret
    00:02:37
    1947
  • 16
    Panique
    Les Frères Ferret
    00:02:32
    1949
  • 17
    La Folle
    Les Frères Ferret
    00:02:11
    1949
  • 18
    Guitare Boogie
    Les Frères Ferret
    00:03:04
    1952
  • 19
    I Surrender Dear
    Les Frères Ferret
    00:02:58
    1955
  • 20
    Out Of Nowhere
    Les Frères Ferret
    00:02:58
    1955
  • 21
    Djoungalo
    Les Frères Ferret
    00:02:12
    1955
  • 22
    Pennies From Heaven
    Les Frères Ferret
    00:02:05
    1955
  • Piste
    Titre
    Artiste principal
    Auteur
    Durée
    Enregistré en
  • 1
    Madam's
    Les Frères Ferret
    00:02:43
    1939
  • 2
    Tout n'est pas perdu
    Les Frères Ferret
    00:02:42
    1939
  • 3
    Avenir
    Les Frères Ferret
    00:02:53
    1941
  • 4
    Pacific
    Les Frères Ferret
    00:02:33
    1942
  • 5
    Tcha Tcha
    Les Frères Ferret
    00:02:16
    1942
  • 6
    Dinalie Mineure
    Les Frères Ferret
    00:02:17
    1949
  • 7
    Turbulente Zoe
    Les Frères Ferret
    00:02:38
    1949
  • 8
    Roule ta bosse
    Les Frères Ferret
    00:03:01
    1953
  • 9
    Dors, Dors, Dors
    Les Frères Ferret
    00:02:49
    1953
  • 10
    Royal Blue
    Les Frères Ferret
    00:02:53
    1953
  • 11
    Au temps de la cour
    Les Frères Ferret
    00:01:59
    1955
  • 12
    Nuages
    Les Frères Ferret
    00:03:00
    1955
  • 13
    Minor Swing
    Les Frères Ferret
    00:02:24
    1955
  • 14
    Viper Drink
    Les Frères Ferret
    00:02:37
    1955
  • 15
    White Christmas
    Les Frères Ferret
    00:02:24
    1955
  • 16
    Mon Rancho
    Les Frères Ferret
    00:02:38
    1955
  • 17
    Nuits d'Italie
    Les Frères Ferret
    00:02:29
    1955
  • 18
    Le rock, ça Chauffe!
    Les Frères Ferret
    00:03:07
    1956
  • 19
    L'homme du bar
    Les Frères Ferret
    00:03:24
    1956
  • 20
    Studio 28
    Les Frères Ferret
    00:02:20
    1956
  • 21
    Miami
    Les Frères Ferret
    00:02:56
    1956
  • 22
    Swing Cocktail
    Les Freres Ferret
    00:03:05
    1938
Livret

FRERES FERRET

Les Frères Ferret
Les Gitans de Paris

1938-1956


« Toutefois, c’est en vertu de la mémoire que les sortilèges opèrent à la manière de promesses sur le plan pathétique d’une unique réalité. » Tristan Tzara (“Grains et Issues” - 1935)

DJANGOMANIA
« Django fut un personnage exceptionnel. Dès son plus jeune âge, il se distinguait de ses frères de race par une beauté et une noblesse naturelles qui lui valurent de la part des siens le respect et la vénération qui sont l’apanage des chefs. » (Charles Delaunay - “Django mon Frère”).
A partir des années 30, un phénomène surgi de la nuit des temps ne tarde pas à faire sa place au soleil du monde. L’influence de Django Reinhardt fut désormais prépondérante dans l’univers du jazz et sa personnalité fascinante subjugua nombre d’instrumentistes à travers les continents, remettant en question bien des acquis et des techniques en vigueur, notables surtout aux Etats-Unis où jusqu’alors Eddie Lang, Lonnie Johnson, George Van Eps, Dick McDonough, Carl Kress, Al Casey, Teddy Bunn, Carmen Mastren, Allan Reuss, Bernard Addison tenaient le haut du pavé, et dont les conceptions faisaient largement école ici et là. Révision déchirante. Les disques du Quintette du Hot-Club de France distribués un peu partout propagèrent une manière d’envisager le jazz à l’européenne où le swing en folie se mêlait harmonieusement à la tradition de la musique de chambre. Ils n’en vécurent pas tous, mais tous en furent frappés ! Avant d’être happée par “l’amazing” Charlie Christian, la grande Mary Osborne, alors “teenageuse”, dans un patelin perdu au fin fond du Dakota du Nord, découvrit un jour des enregistrements du Quintette du Hot-Club de France dans la discothèque de son guitariste de père. Elle fut conquise par les solos de guitare dus, ni à Dupin, ni à Martin, ni à Lebrun, ni à Boivin, ni à Gabin, à un certain Django Reinhardt, drôle de nom pour un Frenchie d’un décidément si lointain et si petit pays. Ils sont fous ces Froggies ! Charlie Christian lui-même, gamin texan poussé en graine, au cours d’une séance notoire pour Blue Note avec Edmund Hall, Meade Lux Lewis (au célesta) et Israel Crosby, délaissa l’amplification afin de jouer de la guitare purement acoustique, en hommage aux héros bluesmen sans doute, mais aussi « pour faire comme Django ».
Aussitôt arrivé à Paris en 1944, le GI Floyd Smith, qui connut le succès chez Andy Kirk, alla voir Django Reinhardt dans son logement de Pigalle ; l’un alignant trois ou quatre mots de français, l’autre quatre ou cinq mots d’anglais, Django passa une guitare à Floyd, se saisit de sa préférée, et le restant de la journée s’écoula en duos sur des thèmes d’hier et sur ceux que le Manouche accueillant ne connaissait pas encore (coupure de la guerre). Fumant, buvant, improvisant, ne voyant pas le temps s’étirer, les deux guitaristes, ravis de cette rencontre impromptue, laissèrent fuser les notes comme autant de mots alimentant une conversation. Musique éloquente. Durant ses années de formation, Jim Hall décortiquait les chorus de Django Reinhardt pour savoir comment cela fonctionnait ; plus tard, soumis à l’interview par Don Gold dans « Down Beat » (28 novembre 1957, p. 19), il déclarera dans sa langue natale « He covered aIl facets, rhythm chord solos, single line solos, harmonies, tremolos, many things guitarists fear. He used the entire guitar. » Hall of fame. Un guitariste émérite comme Joe Pass, l’un de ceux qui ont donné à la guitare ses lettres de noblesse, n’a jamais caché la dette qu’il devait à Django Reinhardt ; d’ailleurs, il participa à un quintette à cordes dans son jeune temps. Et un bluesman renommé comme B.B. King collectionne avec passion les disques du grand Manouche. Et combien d’autres ! C’est magique... La guitare, c’est bien ; la guitare avec Django, c’est mieux. « Django, il n’avait pas conscience de ce qui se faisait ou de ce qui ne se faisait pas, il le faisait, c’est tout », disait l’un de ses compagnons. Et, bien sûr, c’était toujours génial. Laissons les derniers mots à Christian Escoudé sur l’aboutissement de l’œuvre de Django Reinhardt : « Quand un musicien possède autant de recul et d’expérience, son art est sublimé. » (Jazz Hot n°625 - Novembre 2005).

EVENING STAR AND CLOUDS
Ils jouaient de la guitare tous les deux, et tous les deux étaient compositeurs. Mais l’un fut plus connu comme compositeur qu’en tant que guitariste et l’autre fut plus connu en tant que guitariste que comme compositeur. La gent aquatique ne les laissa pas indifférents puisque le premier écrivit un lied consacré à La Truite (Die Forelle) et le second composa un morceau dévolu à la Pêche à la Mouche. Le compositeur était né à Lichtenhal (en Autriche), un faubourg de Vienne, le 31 janvier 1797, le guitariste naquit à Liberchies (en Belgique), dans une roulotte, le 23 janvier 1910. Tous les deux sont donc placés sous le signe astral du Verseau et Euterpe, muse et fée de la Musique, s’est penchée avec bienveillance sur leur berceau. Précoces, ils s’adonnèrent à l’art des sons sans tarder, délivrant ce qu’ils avaient à exprimer en un minimum de temps, car celui-ci leur était mesuré, comme si les dieux étaient pressés de les rappeler auprès d’eux afin d’agrémenter davantage leur félicité céleste. Est-ce pour cela que l’un composa Étoile du Soir (Abendstern) et l’autre, Nuages ? Franz Schubert mourut à 31 ans et Django Reinhardt à 43 ans, leur carrière de musiciens bien remplie. Mais ils avaient encore tellement à dire, tant de musique(s) à libérer ; ils auraient pu encore offrir au monde, en progressant, en s’améliorant sans cesse, en bouleversant les données, en apportant de nouveaux développements, des œuvres favorables à l’éclosion de ce plaisir esthétique qui éclaire, qui enrichit la vie du commun des mortels, ceux qui ne sont pas des créateurs et pour lesquels les artistes hors norme font figure de magiciens révélateurs de miracles et de merveilles. Rien n’était jamais acquis pour Franz et pour Django, leur ouvrage était sans trêve remis sur le métier ; pour eux, il était toujours possible de perfectionner, d’essayer de toucher à la réussite absolue... jusqu’à la prochaine fois ! Ainsi Schubert décida-t-il d’ajouter un second violoncelle au classique quatuor à cordes 1er violon-2ème violon-alto-violoncelle pour donner plus d’ampleur (vive l’ampleur !) aux interprétations (Mozart, lui, avait introduit un second alto, tandis que Boccherini utilisait les deux formules dans sa profusion de quintettes). Ainsi Reinhardt décida-t-il d’ajouter une seconde guitare d’accompagnement au primitif quartette à cordes violon-guitare solo-guitare rythmique-contrebasse pour procurer plus d’homogénéité aux improvisations. Cela a dévoilé l’incomparable Quintette en do majeur op. 163 (1828) et l’inégalable Quintette du Hot-Club de France (1934).


CEINTURE VERTE
Bals musette des faubourgs, guinches des barrières, sauteries banlieusardes, javas vachement périphériques de la main aux fesses et valses roturières sentimentalement frottantes, il s’en passe des vertes et des mûres à point du côté des fortifs. Rendez-vous des aminches et des gisquettes, des hommes de peine en goguette et des filles de joie en chasse, des gavroches à gapette de traviole et des pousseuses de goualantes cafardeuses, des caïds à la redresse et des alcoolos invétérés, des artistes de la “boîte à frissons” et des musicos n’ayant fait que le Conservatoire du paveton parisien, tout un univers interlope qui interloque le vulgaire pékin. L’entrechat, c’est connu, conduit à d’autres ébats, ça se roule des pelloches, on se pelote et on se lime à qui mieux mieux dans l’accueillante herbe folle des redans, barbacanes et glacis d’hier. Les Prussiens sont loin, désormais les corps à corps sont pacifiques et les feux de l’amour ne font que des victimes consentantes. La nuit est une vieille complice de l’union des sexes. Qui a pensé à faire une thèse sur l’utilisation de la fortification dans l’accomplissement de la fornication ? En ville, on soignait davantage le décorum et des bars de l’illusion apportaient aux habitants des artères laborieuses un faste facile et la fête vite faite qui n’étaient que la réplique atténuée des éclats bourgeois des quartiers “comme il faut”, fief des rupins pour qui l’accordéon ne pouvait être autre chose que le piano du pauvre, le pis-aller de l’économiquement faible et du mentalement sous-développé. « Des plantes vertes stérilisées, des glaces fixées au mur par leurs agrafes dorées, trop lourdes, trop apparentes, un éclairage d’ampoules et de vasques dépolies prêtaient à ce bar montmartrois une apparence de faux luxe et de pacotille. Sur une estrade, ornée de fleurs en porcelaine, l’orchestre - accordéon, banjo, batterie de jazz - rompait de six heures du soir à minuit, et la charmait, l’oreille des habitués. Tout vibrait, tout brillait dans ces lieux magnifiques et jusqu’à l’incongrue couleur rouge capucine dont le comptoir, les barreaux de chaises, l’encadrement des portes et des fenêtres - sans oublier les stylobates - étaient ripolinés, vous plongeait dans une sorte d’hébétude et de jubilation. Ce bar s’intitulait “A l’Amitié” et, en effet, on y entretenait avec le personnel, les musiciens, le patron et les “petites dames”, des relations d’une cordialité réconfortante. Maintes idylles d’un moment ou d’une nuit s’y ébauchaient à la cadence allègre d’un blue, d’une java et les “belles manières” qu’y avait instaurées, une fois pour toutes, la caissière aux mains pâles et soignées et au monocle fiché dans l’oeil, relevaient agréablement, au dire même du plus difficile, cet élégant établissement. »
(Francis Carco - “La Rue” - 1930).
Les accordéonistes, virtuoses locaux des soufflets ravageurs, souvent issus de l’émigration italienne, aimaient prendre comme accompagnateurs ces Gitans et Manouches des verdines campées dans la zone, aux portes d’un Paris où les touristes ne mettaient jamais les pieds. « Là finit Paris. Derrière l’ultime trottoir se trouve une sorte de jungle, moitié glaise, moitié talus pelés, à l’abandon. Une population de sans-logis, Gitans, Arabes, clodos, la foule des indésirables s’y est installée : voici les fortifs. Au-delà, la banlieue... Pour les gosses du coin, en ce temps-là, c’est le Far-West. » (Eddy Mitchell - “P’tit Claude” - 1994). Les banjos sonores et inspirés donnaient des ailes aux gros bras du piano à bretelles, et surtout faisaient retentir derrière eux, avec le tambour pétaradant, le tam-tam opiniâtre de la batterie, des accords joués avec puissance dans ces lieux bruyants en un temps où le mot « sonorisation » était aussi inconnu que les congés payés et le vote des femmes. Le tout jeune Jean-Baptiste Reinhardt, gamin prodige chez les Manouches, fut de ceux-là ; les siens l’appelaient Django (“Je réveille”). Quelques Gitans venaient de même prêter main-forte à ces as du bal musette (les Péguri, Vacher, Guérino, Vaissade, Gardoni, Baldi, Prud’homme, Alexander et autres Carrara), en particulier Gusti Malha et Mattéo Garcia, deux guitaristes de légende, oncles des frères Ferret (Ferré, variante hispanique). En effet, comme dans le jazz, on finit par repasser du banjo intermédiaire à la guitare primitive, beaucoup plus souple, plus apte à assurer un soutien riche en nuances. Il n’est jamais trop guitare pour bien faire. Sans vraiment les abandonner, Django Reinhardt, les frères Baro, Sarane, Matelo Ferret et leur cousin Challain Ferret, dorénavant équipés d’une guitare, délaissent quelque peu les héros des bals populaires pour aller voir ce qui se trame au sein de ces bandes d’instrumentistes souffleurs, gratteurs, tapeurs et cogneurs débarqués d’une Amérique mirifique excitant toujours le rêve. Ciao les valses, les mazurkas, les javas, les tangos et les pasodobles, bonjour le jazz ! Bien sûr, Django est le plus grand, mais ceux qu’il a inspirés ont aussi leur mot à dire, ont certes le droit de se faire connaître - voire de se faire reconnaître. Cependant, durant trop longtemps, une certaine condescendance à la limite du mépris sévit à l’encontre de la fratrie Ferret de la part de critiques et férus de jazz à l’oreille trop peu attentive, insensible aux fluctuations du langage des cordes, considérant ces frères de la côte ibérique, de même que Joseph Reinhardt et Roger Chaput le gadjo, dans le meilleur des cas comme d’honnêtes imitateurs du Manouche à la main mutilée, eux qui avaient leurs dix doigts. Ces émules du pape de la guitare possédaient pourtant, c’est certain aujourd’hui (enfin !), des trésors personnels à offrir aux auditeurs dénués de préjugés, des ressources instinctives propres à provoquer le challenge. Heureusement, Michel-Claude Jalard vint et la face du monde du jazz tsigane en fut changée. Au cours du quatrième trimestre 1959 paraissait “Django et l’Ecole tsigane du Jazz” dans le premier numéro des “Cahiers du Jazz” et à la même époque était publié “Une belle Famille de Guitaristes” dans la revue bimestrielle “Guitare et Musique” n° 24. Le sagace Michel-Claude Jalard, auteur de ces articles défricheurs, analysait avec une rare compétence ce qui faisait leur attrait et leur charme, leurs caractéristiques et leurs particularités, leur manière libre de s’exprimer en divers contextes - un vrai travail de prospecteur dans cette contrée si peu explorée des disciples immédiats du roi Django. Une cause passion-nante défendue avec talent et pertinence par l’avocat idéal. « (...) le paradoxe des Ferret, c’est que le Jean-Sébastien Bach de la famille, le fort en thème, la figure de proue qui entraîne tout l’esquif n’est justement pas de la famille, que c’est un manouche du nom de Django Reinhardt. Certes ils appartiennent tous à la grande race des tziganes, mais Django vient de l’Est alors que quelque chose d’espagnol imprègne la sensibilité des Ferret. Et si l’art de ceux-ci procède en droite ligne de Django, il n’en conserve pas le romantisme si particulier : la musique des Ferret, à partir d’une conception fort parente du discours et de l’instrument, manifeste au contraire des types de sensibilité très personnels. »
(M.-C. Jalard - “Guitare et Musique” - déc. 1959 - janv. 1960).
Baro Ferret (1908-1976) se prénommait primitivement Joseph, mais ce prénom biblique ne lui plaisant guère, il piqua celui de son petit frère Pierre pour se l’adjuger. Aussi, Matelo Ferret (1918-1989) se trouva-t-il reprénommé Jean, ce qui ne fut pas sans apporter quelque confusion, notamment dans les bureaux des maisons de disques où l’on établit les fiches de paye des séances d’enregistrement d’après les pièces d’identité. C’est la raison pour laquelle des disques de la firme EMI/Pathé-Marconi furent édités sous le nom de Pierre-Jean Ferret ! Etienne “Sarane” Ferret (1912-1970), lui, ne jugea pas utile de transformer son prénom chrétien en Stéphane, plus bon chic bon genre. Quant au cousin Challain (parfois orthographié Challin ou Challun) Ferret, guitariste gaucher jouant de son instrument à l’envers, souvent sollicité pour se joindre aux frangins, on le prénomma René.


BARO DE PARIS
Pierre “Baro” Ferret, que ses potes appelaient “Camembert”, joua donc de la banduria espagnole puis du banjo avec les accordéonistes musette. Accompagné de son frère Sarane, il fut du reste l’un des premiers à enregistrer avec l’un d’eux, Guérino Vétese, et ses brefs solos étaient si réussis que, par la suite, les biographes/ discographes de Django Reinhardt n’hésitèrent pas à les attribuer à leur idole ! Le style de Baro se forma au cours de ces années 20, conjointement avec celui de Django, et le contact entre les deux hommes, qui avaient une estime mutuelle, favorisa grandement les échanges, les découvertes, les innovations. Quoi donc a fait celui-ci ? Et celui-là a fait quoi ? L’Histoire a gardé que la rivière Baro s’est jetée dans le fleuve Django, de même que l’Yonne se jette dans la Seine à Montereau. Des hydrographes avancent le contraire, expériences pointues à l’appui. Mais les jazzographes restent cois, muets comme des carpes (de Seine). Durant l’Age d’Or du Bateau Lavoir, Picasso et Braque aussi ont pratiqué entre eux le libre échange ; aujourd’hui Pablo Picasso est une super-star et la renommée de Georges Braque s’est estompée peu à peu. A tel point qu’à Paris existe un superbe musée Picasso, mais qui peut indiquer l’adresse d’un musée Braque installé dans un hôtel historique au sein d’un quartier qui vit passer les rois ? Il faut reconnaître, objectivement, que malgré sa vie fantasque et ses vagabondages typiquement manouches, Django Reinhardt a toujours assuré une carrière professionnelle, toute dévouée à la musique en dépit des incartades, épisodique absentéisme, de ses escapades intermittentes. Affirmation de la différence : Django était un homme de cœur tandis que Baro n’était pas un enfant de chœur. Baro Ferret, lui, tellement à l’aise au milieu du « mitan » où il évoluait comme un poisson dans l’eau, délaissa fréquemment sa Selmer-Maccaferri pour des activités extra-musicales sur lesquelles il vaut mieux tendre un voile de discrétion. Comment dites-vous ? Truand... “Hey man, you talk too much !”, et ce n’est pas bon pour ses vieux jours. Un malheur est si vite arrivé. Gaffe, mec ! En retrait, l’oubli vous enveloppe très rapidement dans son sombre manteau et, ses cordes trop silencieuses, le chef de file des Ferret n’y échappa point. Heureusement, l’amitié qui liait Django et Baro se manifesta de façon concrète puisque le second devint l’accompagnateur régulier du premier dans le Quintette du Hot-Club de France nouvellement formé et avec la Django’s Music, formation à géométrie variable. De la sorte, mauvais garçon mais bon musicien, son soutien efficace gravé dans la cire des 78 tours fut gardé intact pour les éternels lendemains. Alain Antonietto, qui s’y connaît et qui a eu la constance de les dénombrer, nous dit que près de quatre-vingts titres furent ainsi préservés des trous de mémoire par les deux guitaristes réunis, de 1935 à 1939, assortis de leurs compagnons d’aventure(s), Stéphane Grappelli en tête, bien entendu.


ACCORD(ÉON) ET DÉSACCORD
Baro Ferret avait conservé l’oreille des accordéonistes se produisant dans les dancings où les garçons s’appelaient plus communément Marcel que Gontran et où les filles se prénommaient plus facilement Paulette que Marie-Dorothée. Gus Viseur, Tony Murena, Jo Privat le virent s’installer dans leurs groupes avec son “drive” habituel, eux qui avaient les esgourdes tendues vers ce Swing dévastateur qui, après avoir affolé les populations d’Amérique du Nord, balançait ses assauts sur le Continent européen. “Dis donc, y manque pas d’ère, ce sacré Swing !” Tout ça sans négliger la musique faubourienne qui avait propulsé leur succès. Les musiciens ont la chance insigne de pouvoir courir plusieurs lièvres à la fois. Durant leur jeunesse passée au son de la “boîte à punaises”, Baro le Loup et Django le Renard composèrent “espontaneamente” des valses que l’on qualifiera plus tard de “gitanes” (c’est si facile), valses qui s’intégraient parfaitement dans le cadre de ce que l’on leur demandait. Toutefois, par rapport au répertoire usuel, celles-ci révélaient plus de richesse harmonique dans leur contenu et rompaient quelque peu avec le train-train des baloches. L’une d’elles, Montagne Sainte-Geneviève, mise au point par le jeune Manouche en ces temps lointains, a franchi les décennies ; mais pas plus que Chez Jacquet (A la petite chaumière), alias Gin Gin, ou que ses valses tziganes (Choti, Gagoug), leur auteur ne les a enregistrées (il n’enregistrera jamais de valses avec ses différents ensembles - hélas !), le jazz l’ayant définitivement conquis. Il faudra attendre que Matelo Ferret s’en mêle pour que ces valses d’hier connaissent enfin l’actualité du vinyle au début des années 60. En vérité, le moteur principal de cette petite révolution à l’échelon local fut bel et bien Pierre “Baro” Ferret, un artisan doué dont le travail n’attira guère l’attention alors, perdu dans la masse, dont les trouvailles méritent de figurer dans les histoires (du jazz) de nos jours. La valse musette, à ras du bitume, pouvait-eIle être transcendée ? « Considérant qu’un profond enrichissement pouvait être apporté à cette spécialité, notre musicien avait conçu de nouvelles structures harmoniques infiniment plus subtiles et par là même introduisant une gamme mélodique illimitée. De plus, il introduisait en filigrane dans le rythme à trois temps de la valse toute la variété rythmique du jazz américain : la “valse swing” était née. » (Charles Delaunay). Bien qu’ayant pris la regrettable habitude de ne jouer que tous les 36 du mois, Baro Ferret fut de tout temps le propagateur de cette valse swingante dont il partagea initialement avec Gus Viseur la franche accoutumance auprès du public hétérogène - de la guinguette des bords de Marne au jazztette du Moulin Rouge. Cela lui joua d’ailleurs de vilains tours : auteur du fameux et profitable “hit” Swing Valse (ainsi qu’en témoigne la partition d’origine), c’est Gus Viseur qui signa sans vergogne ce modèle du genre et en toucha les droits. Par surcroît, il enregistra ce morceau en 1940 pour Columbia en laissant Baro en dehors du coup. Le dur à cuire Baro, qui ne permettait pas qu’on lui marche sur les pieds, démolit-il le portrait du très indélicat Gustave pour venger cette saloperie ? En 2008, qui pourrait le dire ? C’est loin tout ça et les tombes sont muettes, nul ne l’ignore. De toute façon, quand l’accordéoniste d’outre-Quiévrain réalisa un album pour Vogue en 1971, standards et originaux au répertoire, c’est Pierre “Baro” Ferret qui prenait les solos de guitare aux côtés de son cadet (“Le double Disque d’Or de Gus “Tatave” Viseur”). Entretemps, Gus et Baro avaient dû se réconcilier devant un bon gueuleton bien arrosé, ces zigotos n’ayant pas la réputation de sucer de la glace. En tout cas, pendant l’Occupation, si l’on vit I’aîné des Ferret avec Tony Murena, Joseph Reinhardt, le Swing Quintette de Paris et d’autres, ce sont ses frères qui accompagnèrent Gus Viseur. Climat conflictuel ? Ce n’est quand même pas pour des prunes que le Belge à cheveux plats mit Soir de dispute à son catalogue... Un indice, peut-être ?

SHADOW WALTZ
Dans le texte de présentation du microsillon Vogue enregistré en 1966 par Pierre “Baro” Ferret, “Swing Valses d’Hier et d’Aujourd’hui”, Charles Delaunay raconte qu’à l’époque où il faisait enregistrer Django Reinhardt pour la marque Swing fraîchement créée, il avait aussi mené Baro au studio d’enregistrement d’une grande firme française, en 1938, afin qu’il puisse spiraler quelques-unes des valses swinguées de sa connaissance. Malheureusement, d’après le grand chef Oeil-de-Launay (surnom que lui donna amicalement Boris Vian), ladite firme ne fut pas intéressée par l’originalité pourtant flagrante de ces trois temps bien balancés et ne sortit point les fruits éclos lors de la séance. Plus précisément et en prise plus directe avec la réalité, c’est l’année suivante, le 2 mars 1939 (élection de Pie XII à Rome), que cette séance fut enregistrée pour Pathé-Marconi et que si deux titres restèrent effectivement inédits, Ma Théo (La Minch) et Gin Gin (Chez Jacquet) de Django Reinhardt (publiés des lustres plus tard), en revanche La valse des niglos (dédiée aux hérissons) et Ti-pi-tin furent délivrés sur le disque Columbia DF2663, de façon fort confidentielle il est vrai et au moment où allait se déclencher un conflit meurtrier, ce qui n’arrangea rien. Delaunay, bientôt en tenue kaki, avait d’autres pensées en tête. « Comment ne pas rester stupéfait devant la version implacable de La valse des niglos par le trio Ferret (Baro, Matelo, Challain), accompagné de Maurice Speilleux à la contrebasse ? » écrira-t-on dans la presse soixante-quatre ans après. La valse des niglos de Gusti Malha et les trois morceaux complémentaires inaugurèrent la discographie des frères Ferret qui s’étoffera au fil des ans ; ensemble ou chacun de son côté, ils contribueront à prouver que dans le jazz gitano-manouche, dans le proche entourage d’un Dieu descendu du Ciel, il y avait également des disciples inspirés capables de répandre ici et là la bonne parole des Fils du Vent et d’en sceller l’essentiel dans les sillons (fertiles) d’une gravure précieuse.
Le trio des frères Ferret, c’étaient Pierre “Baro” Ferret en tant que guitariste soliste et comme accompagnateurs son jeune frère Jean “Matelo” Ferret (20 ans) et le cousin René “Challain” Ferret appelé en renfort pour remplacer Sarane Ferret parti exercer ses talents chez Antonio “Tony” Murena, le concurrent direct de Gus Viseur. Suivant la formule habituelle, les trois mousquetaires étaient quatre, puisque le contrebassiste de Viseur, Maurice “Momo” Speilleux, leur prêtait volontiers main-forte. Justement, ces quatre musiciens forment la section rythmique du groupe de Gustave Viseur, accordéoniste de renom, pile dans le musette et face au jazz. On remarquera que l’instrumentation de ce quintette cordes et lames correspond à celle du Quintette du Hot-Club de France, l’accordéon swing de Viseur se substituant au violon hot de Grappelli. « Viseur, c’était le coup de fusil ! » disaient les uns, « Un drôle de pistolet ! » prétendaient les autres. Au cours de la séance enregistrée pour Swing le 28 septembre 1938 sous la supervision de Charles Delaunay, insensible aux sarcasmes des puristes jeteurs d’anathème sur le “piano à bretelles” (André Hodeir en tête - l’harmonica n’était pas mieux loti avec lui), la “Gus Viseur’s Music” (ainsi le combo était-il présenté) confie à la cire un intrigant Wind And Strings (Andalousia), signé Pierre Ferret et Gustave Viseur, où, comme l’on s’en doute, affleurent des racines d’outre-Pyrénées. A la fin de la séance suivante, le 20 octobre 1938, Gus Viseur s’éclipse et laisse sa place à Albert Ferreri, clarinettiste occasionnel de l’ensemble, ici muni d’un saxophone ténor ; il enregistre les deux ultimes morceaux de ce jour (OSW49-1/OSW 50-1) dont sa propre version de Wind And Strings (Andalousia) qui a décidément tapé dans l’oreille des musicos. Grand collectionneur de disques, Ferreri n’ignorait sans doute pas que Count Basie et Jimmy Rushing avaient gravé Exactly Like You l’année précédente ; devant le microphone il en profite pour donner à ce thème bienvenu un coup de pouce de “jazz-fan” enthousiaste. Exactement comme... Hawkins et Combelle, les maîtres à penser des ténors français en un temps où Charles Trenet triomphe à l’A.B.C avec Boum ! et La route enchantée. Malencontreusement victimes des oubliettes de l’Histoire des musiques, ces deux titres d’avant-guerre de l’association Ferreri-Ferret ne furent délivrés que sur le tard, quand les batailles auront abandonné leurs traces sanglantes derrière elles.


THERE’LL BE A HOT TlME lN THE OLD TOWN TONlGHT
... comme chantait Bessie Smith, une impératrice des temps anciens. La Libération, l’après-guerre... Un nouveau départ, une vie différente... Pierre “Baro” Ferret devient le guitariste de Jo Privat, valeur montante de l’accordéon, caïd de l’orchestre du “Balajo” de la rue de Lappe (du sieur Girard de Lappe, propriétaire des terrains au XVIIème siècle), où les soirées hautes en couleur (locale) ont l’air de célébrer sempiternellement la prise de la Bastille et l’accès du populo au pouvoir de l’imagination. Si tu t’imagines, fillette, fillette... Au répertoire de l’orchestre du “Balajo”, naturellement des valses et des javas, c’est incontournable, et puis du paso, du tango, du typique, tout ce qui frotte, qui fricote, qui crapote, qui tripote, qui gigote, y a pas de mal à se faire du bien. En même temps Jo Privat prête aussi une oreille attentive au jazz, c’est dans l’air de l’époque avec tous ces Ricains baguenaudeurs, picoleurs, bambocheurs, dragueurs, emballeurs... Il n’hésite pas à lâcher ses loustics sur du slow corps à corps et du fox chahuteur pour rameuter les amateurs de gambille swingante en quête d’aventures chatières. Ça joue les succès de l’heure ; fraternisation oblige avant la guerre froide, on jazze sur Plaine, ma Plaine et Kalinka, ou on appelle Reinhardt à la rescousse avec Minor Swing et Douce Ambiance alors que “l’atmosphère” est plutôt agitée (Rue de Lappe, un Lapon serait très vite dégelé). « C’est venu au contact de la guitare. Je transposais certaines positions d’accords sur mon accordéon et, de fil en aiguille, j’ai joué du swing » (Interview de Jo Privat par Didier “Dédé” Roussin - “Histoires de l’Accordéon” - Climats-I.N.A. - 1991). Si Privas est le chef-lieu de l’Ardèche (art-dèche, disent les bourgeois vénaux), Georges “Jo” Privat, lui, fut bel et bien le chef-lieu de la Bastoche.


VALSE RÉVOLUTIONNAIRE ET BE-BOP À TROIS TEMPS
1949. Toujours le séant entre deux sièges, celui de la légalité (l’influence de la musique) et celui du hors-la-loi (le trafic d’influence), à l’instar de la “star” italo-américaine Frank Sinatra, grand chanteur et mafioso notoire, à Paris le guitariste gitan Pierre “Baro” Ferret, sujet contestable mais complément probant, se retrouve dans un studio de la vénérable marque Odéon, le 20 janvier 1949 (1), pour enregistrer une séance sous son nom cette fois, la première, alors que ses frères plus jeunes que lui l’ont déjà précédé dans ce domaine, Sarane surtout, dès 1941, et Matelo en 1943. On ne peut pas être à la foire (le négoce) et aux champs (la culture). Baro Ferret est venu avec son acolyte Jo Privat. Dans un rade proche de la rue de Lappe, l’accordéoniste en verve avait l’habitude de demander régulièrement à la patronne du troquet, pas du genre dame patronnesse : « Simone, recharge les pièces ! » Quelques bons canons, ça n’a jamais fait de mal à personne, et avec Jo, il fallait suivre, les pièces étaient souvent rechargées, l’on avait intérêt à se montrer à la hauteur et à savoir écluser dans les grandes largeurs. Au fond du bar, jouant aux cartes ou devisant en aparté, tirés à quatre épingles, sapés comme des milords, des messieurs entre deux âges, très polis, très courtois, avaient l’air de sortir d’un tournage de film noir ; mais là c’était de l’authentique ! Avec eux, mieux valait ne pas trop évoquer le passé. Balèze à l’aise, Jo Privat, lui, racontait des histoires qui faisaient rigoler tout le bistrot.
Les accompagnateurs de la coalition Baro-Jo étaient Sarane Ferret et son partenaire familier, Jacques Montagne (Malha), et le dénommé Jérémie Graind’son (?), l’un de ces artisans obscurs qui apportent leur pierre à l’édification de l’ouvrage dans l’indifférence la plus complète. Un sans-grade sans doute, mais qui pourra relater plus tard cette péripétie des “Valses be-bop” de Baro Ferret et dire : « J’y étais ! » Valse be-bop, l’expression est lâchée ; hier c’était de valse swing qu’il s’agissait, en 1949 l’air du temps, la rénovation sont symbolisés par ce terme “up-to-date” qui sert de laisser-passer à la marche en avant. Le nouveau jazz imprime sa marque, affiche sans détour et sans concession sa liberté d’expression. Valse be-bop, afin que nul n’en ignore, c’est l’indication précisée (dit-on) sur les étiquettes des 78 tours Odéon 282.044 (Panique / La Folle) et 282.045 (Dinalie mineure / Turbulente Zoë), et ce sont les trois temps de la Bastille subissant la répercussion de la révolution américaine. Du coup, le compositeur/interprète Pierre “Baro” Ferret fait figure de défricheur et de précurseur, pionnier d’un genre musical restant à explorer. « Depuis, de Waltzing The Blues d’Eddie Shu (paru en 1951 sur l’un des premiers microsillons Vogue délivrés en France) à Bluesette, le fameux “hit” de “Toots” Thielemans, en passant par Valse Hot de Sonny Rollins, Waltz For Debby de Bill Evans, This Here de Bobby Timmons, Three To Get Ready de Dave Brubeck, Jazz Waltz de Shorty Rogers, pour ne mentionner que quelques jalons importants dont Jitterbug Waltz de “Fats” Waller reste le point de départ, la valse-jazz a fait son chemin, elle est passée dans les mœurs, interprétée couramment par les jazzmen modernes, acceptée de bon gré par les amateurs, louée généreusement par les critiques. » (A propos de “Swing Valses d’Hier et d’Aujourd’hui” P. “Baro” Ferret - Vogue CLVLX 90 30). La Folle et ses trois sœurs waltzinzins seraient-elles à la valse (noble et sentimentale), par leur côté iconoclaste, dérangeant, perturbateur, ce que furent au be-bop WeIl You Needn’t, Off Minor, Epistrophy, Misterioso et autres thèmes “panique à bord” de Thelonious Monk, le Ben Laden du piano ayant plus d’un tour dans son sac d’harmonies explosives ? Sacrebleu ! Nom d’un moine ! Le grand gourou newyorkais et l’affranchi coriace de Pantruche, même combat ? Décoiffant ! En tout cas, même méfiance au premier chef chez les férus d’un jazz bien net, bien dans la ligne conforme, bien propre sur lui. « (...) Compositions à la courbe mélodique intrigante, aux lignes de basses et aux harmonies insolites - où notre guitariste intégrait dès 1946 (...) des rythmes impairs à la métrique du jazz. Musique atypique à la coupe déconcertante, heurtée même parfois, mais non sans charme (...). Œuvres d’un visionnaire dont les imprévisibles sautes d’atmosphère au chromatisme violent laissent comme une part d’ombre menaçante derrière le masque désinvolte du brillant instrumentiste. Univers trop spécifique pour avoir eu une quelconque postérité à vrai dire. » (Alain Antonietto « Gipsy Jazz School - Django’ s Legacy » - Iris Music, 2002). Touche pas à Ma Zaza, sinon Règlement de compte au Baro Bar, t’es prévenu, et ma lame dans le bide ne sera pas L’inattendue ! (“Swing Valses d’Hier et d’Aujourd’hui”). Vingt ans après... comme disait Dumas père. On ne parle plus guère du guitariste jusqu’en 1966, ses activités musicales ayant été effacées par des affaires probablement plus rémunératrices que la “zizique” avancée. Cependant, Charles DeIaunay reprend contact avec lui, décidé à préserver de l’oubli un patrimoine qui en vaut la peine. Tournez manèges, valsez jolies gosses ! De février à mai 1966, Baro Ferret enregistre donc plusieurs séances pour Vogue de manière à constituer un microsillon 30 cm, une face étant consacrée aux valses anciennes (dont sa Swing Valse, Chez Jacquet de Django Reinhardt et La Valse à Péguri de Charles Péguri, l’ancêtre du musette), l’autre aux valses nouvelles (dont La Folle devenue La Folie, Départ de Zorro et La Jungle). Après tout, deux décennies écoulées, Pierre “Baro” Ferret n’était-il pas capable d’assummer lui-même cette postérité dont parle A. Antonietto, avant de passer le relais à une parentèle qui a su faire fructifier l’héritage à sa façon, avec un emmagasinage de connaissances, de données, d’influences diverses propre à cette génération. Synthèse, priez pour nous qui avons recours à vous.

(1) Contrairement aux approches passées sur l’époque de leur réalisation, dues essentiellement aux enquêtes d’Alain Antonietto et au témoignage (quelque peu flou) de Jo Privat, en définitive il s’est avéré que les quatre valses dites « be-bop », enregistrées pour la marque Odéon par Pierre “Baro” Ferret, ne furent pas gravées en 1946, même si elles furent conçues dès le milieu des années 40. Grâce aux recherches opiniâtres, et aux trouvailles inespérées, du paléo-discographe Daniel Nevers, qui a retrouvé des feuilles de studio et des feuilles de vente dans les archives d’Odéon, on sait maintenant de source sûre que les disques en question ont été enregistrés au début de l’année 1949, le 20 janvier très précisément. “La Vie et rien d’autre”, comme disait l’homme des Tavernes.
NOSTALGIE DANS L’ENCLOS TEMPOREL

« Adieu maison et ses toitures bleues
Où tant d’amis, dans toutes les saisons,
Pour nous revoir avaient fait quelques lieues,
Adieu maison. »
Max Jacob

Il serait étonnant, anormal que quelqu’un franchissant inexorablement le cours du temps ne soit pas atteint de nostalgie en son automne. Charles Delaunay, deus ex machina du disque, était sans doute nostalgique de cette séance Swing d’avril 1939 qui vit l’accord parfait entre Rex Stewart et Django Reinhardt (avec Barney Bigard et Billy Taylor) (A), peut-être jaloux de son rival Eddie Barclay qui a fait enregistrer Rex et Django en décembre 1947 pour sa nouvelle marque Blue Star (avec Hubert Rostaing, Ladislas Czabanyck et Ted Curry) (B). Aussi, sur la lancée des séances valseuses, fit-il venir dans un studio Vogue en septembre 1966 Rex Stewart de passage à Paris et Pierre “Baro” Ferret dans le rôle (ingrat) d’un substitut de Django Reinhardt (avec Karl-Heinz Schafer, Ron Matthewson et Michel Palay) (C). Les miracles peuvent avoir lieu une fois, parfois deux (rarement), mais la troisième un miracle a tendance à renâcler et à se faire tirer l’oreille. En septembre, la nostalgie a du mal à retrouver le parfum des fleurs du printemps. Fraîcheur, richesse musicale, sensibilité, cœur, charme, tels sont quelques-uns des termes nés sous la plume de Charles Delaunay, présentateur du LP qui servira de testament à Joseph-Pierre “Baro” Ferret, dix ans avant sa disparition. Devant leur justesse il n’y a pas grand-chose à ajouter, sinon le mot originalité, mot-clef pour entrer de plain-pied dans ce jazz qui ne saurait être plus français. La “French touch” a franchi les frontières européennes pour conquérir l’Ancien Continent avant d’essaimer au-delà des océans vers les Amériques et même du côté des îles nippones. A Oslo, Buenos Aires, San Francisco ou Tokyo, les cordes manouches, l’accordéon parigot, le swing vin rouge et le jazz nappe à carreaux ont touché le cœur de cible. Baro de Paris : un avocat éloquent pour défendre avec pugnacité la cause de la valse à qui le jazz a fait un enfant.

(A) Cf. Intégrale Django Reinhardt Vol. 9 - “H.C.Q. Strut” (Frémeaux & Associés FA 309)
(B) Cf. Intégrale Django Reinhardt Vol. 16 “Festival 48” (Frémeaux & Associés FA 316)
(C) Cf. Rex Stewart Memorial (Vogue CLVLX 104)


« Bien que nos renseignements soient faux, nous ne les garantissons pas. » Erik Satie

BLUE GUITAR
Des trois frères Ferret c’est Sarane qui a le plus enregistré (de jazz) nominalement, et de loin ! Si l’on veut bien se donner la peine de dénombrer les morceaux qu’il a mis sur disques au cours de sa carrière, et seulement sous son nom, on en arrive à une cinquantaine, ce qui est plutôt impressionnant pour un musicien que certains, à tort, considèrent avec dédain. Plus, bien sûr, sa participation aux disques des autres (Michel Warlop, Louis Richardet, Gus Viseur, Tony Murena, Charley Bazin, Dany Kane, Yvonne Blanc, Matelo Ferret). « Le plus connu est, sans conteste, Sarane Ferret, ce qui s’explique aisément : de caractère indépendant, soucieux de ne s’écarter du jazz que le moins possible, il a mené carrière pour son propre compte et l’on a pu penser parfois, sans y mettre de nuance péjorative, qu’il était une manière de “Django le petit”. De fait, il offre du Django classique - celui qui a dépassé le lyrisme parfois “tzigane” du premier quintette mais qui n’a pas encore été requis par l’effervescence du be-bop - une image assez complète, recomposée selon un tempérament d’une austérité un peu âpre, plus attentif à la coupe de la phrase qu’à son envolée. “Le vrai jazzman”, dit volontiers Sarane, “ce n’est pas celui qui fait beaucoup de notes”. D’où ses mérites, une concision que vient relever çà et là une pointe de sensualité, et le danger aussi d’une certaine sécheresse. » (Michel-Claude Jalard “Une belle Famille de Guitaristes” - “Guitare et Musique” n° 24, Décembre 1959/Janvier 1960). A l’époque où le pertinent Jalard écrivait ces lignes, Etienne “Sarane” Ferret (1912-1970) jouait avec l’orchestre de Fabiano au “Jimmy’s Bar” de Montparnasse où Django Reinhardt se produisait à la tête de son groupe une vingtaine d’années plus tôt (Django’s Music - At The Jimmy’s Bar - 22/3/40).
Au cours des années 60, jusqu’à sa mort à la fin de la décennie à 58 ans, on pouvait entendre le deuxième frère Ferret en direct et se faire sur le vif une idée précise du style de Sarane, de son approche du jazz, de la manière dont ce mal-aimé se servait d’une guitare dans le cadre des diverses formations qui entourent l’existence d’un jazzman, de faire le point sur son attaque, ses inflexions, son allant, son swing, son imagination, son autorité, toutes qualités qui ne sont pas toujours évidentes dans le laps fatidique des trois minutes (et des poussières) d’un disque 78 tours, et même ensuite sur les microsillons au minutage aussi serré. Tout dépend de la personnalité du musicien ; certains s’adaptent facilement à la concentration exigée et à l’atmosphère terne du studio, d’autres ont quelque peine à prendre en compte cette situation étrangère à la décontraction du cabaret, de la boîte à jazz, du concert, du “bœuf” rôti par l’enthousiasme, où le public apporte sa chaleur, sa compréhension et la motivation à donner le meilleur de soi-même au protagoniste en action. Le musicien disparu, nous n’avons plus que les disques, nombreux ou restreints, pour juger des vertus d’un artiste et, faute de mieux, ce sont des témoignages aléatoires en vérité qui servent souvent à bâtir des réputations ou à les annihiler. L’entrée (par la grande porte ou par celle de service) dans n’importe quel dictionnaire du jazz pour un musicien d’hier doit-elle être cautionnée par la réussite de ses anciens disques réédités dans de bonnes conditions ? Dans le cas contraire, l’éventuel impétrant passe à la trappe et disparaît de la mémoire collective. Le paradoxe pour les trois frères Ferret, Baro, Sarane et Matelo, c’est qu’ils n’ont eu droit à cet honneur insigne qu’à cause de l’impact médiatique de la progéniture de l’un d’eux, abondamment enregistrée, qui s’est signalée à l’attention en enrichissant un pactole laissé par des parents qu’ignorent la plupart des zélateurs de la jeune garde ! Mieux vaut en rire plutôt que de pester contre la connerie ordinaire. La guitare s’identifie à l’homme qui en joue ; les coups qu’il reçoit injustement font affleurer en elle des bleus à l’âme.

COCKTAIL SWING
« Tous ceux qui suivent leur nez sont guidés par leurs yeux, excepté les aveugles » commentait Shakespeare. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Big Will aurait pu aussi parler des sourds, de ceux qui ne veulent point entendre l’évidence, les sourdingues qui n’entendent rien à rien, les obstinés de la surdité. « Au secours ! les cons nous cernent » s’écriait Henri Jeanson. Heureusement, il y a des îles, des archipels, des promontoires, des caps, des péninsules inaccessibles aux cons. Des refuges, la sauvegarde de l’intelligence et du discernement, de la perception et de la pensée. Des havres de salut. Bienvenue à Sarane Ferret en ces lieux, il y sera fêté comme il le mérite. En pleine “défense passive”... Dites-moi, cher ami, êtes-vous occupé en ce moment ? En avril 1941 Sarane Ferret et le Swing Quintette de Paris occupent un studio Odéon pour enregistrer leur première séance. Les Etats-Unis ne sont pas encore en guerre, les militaires de la base de Pearl Harbor vivent dans le calme et “Citizen Kane” d’Orson Welles commence sa carrière sur les écrans de l’état de New York. C’est peut-être en pensant, en rêvant à cette Amérique lointaine et inabordable que Sarane a composé son Miami (nom de boîte également) qui inaugure ladite séance ; la Floride, le soleil, l’océan, les plages, les jolies filles dénudées, les palmiers, le whisky on the rocks et le paquet de Camel à portée de main sous un parasol accueillant, le Swing à gogo pour le plaisir des oreilles, la belle vie, quoi ! Autre chose que ce Paris sombre et inquiétant où vient d’arriver, au retour de captivité, le journaliste Robert Brasillach qui s’empresse d’écrire son premier article dans “Je suis partout”, intitulé “Vive le Maréchal !”. Fidèle à la nouvelle formule de Django Reinhardt (avec Rostaing et Combelle), le leader débutant Sarane Ferret a adopté l’instrumentation du Quintette du Hot-Club de France des années d’Occupation, à deux clarinettes. Pas de clerc ou essai insatisfaisant, trop marqué à la culotte ou cul-de-sac, le quintette (sextette en réalité) claribolé est vite abandonné. Sarane expérimentera différents types d’ensembles au fil du temps, mais dès la deuxième séance enregistrée pour Odéon, en juin 1941, il aura recours au bon vieux quintette à cordes sensibles, l’idéal pour exprimer le pur jus du jazz gitano-manouche, groupe encordé aux racines que le guitariste voué à Saint-Etienne fera s’épanouir en plus d’une occasion.
Néanmoins, Alain Antonietto a raison lorsqu’il écrit: « Pour ce qui est de l’instrumentation de son quintette, il est curieux d’observer que par un jeu de miroirs inversés, Sarane commence par la formule à deux clarinettes inspirée du second Quintette du H.C.F. (1940), avant d’opter pour les seules cordes originelles. Mais si André Lluis et Sylvio Siobud se réfèrent inévitablement au style goodmanien cher au Django de cette époque, leurs contre-chants à deux voix procèdent d’un esprit tout différent puisqu’ils visent moins à des effets de riffs qu’à l’instauration d’un climat poétique particulier (Septembre). » (“Jazz Gitan” CBS 26924, 1986). En outre, on remarquera que si toutes les compositions étaient dues à Sarane Ferret la première fois, la deuxième séance n’en comporte qu’une, Cocktail-Swing, les trois autres puisant dans les trésors reinhardtiens (Swing 39), la musique tzigane (Deux Guitares, arrangé par Sarane), souvenir des orchestres de cabarets russes, et le jazz sans âge (Tiger Rag ou La Rage du Tigre). Pour les séances suivantes, Sarane reprend le dessus tout en continuant à honorer Django (Daphné) et les musiques de l’Est (Hungaria, revu et arrangé par le goupil manouche). Constatation : en 1942 à Paris réprimé (déprimé), la langue parlée par les Anglais et les Américains résiste effrontément dans les titres des morceaux (Lucky, Sex-Appeal !).

CORDES EN CAPITALE
L’amateur de jazz éclairé (comme aurait dit Ampère) connaît des clarinettistes/saxophonistes qui jouent du violon (Darnell Howard, Edgar Sampson, Juice Wilson, Ray Perry, Michel Hubert, René Lekeu, Michal Urbaniak, Zbigniew Seifert), des guitaristes qui jouent du violon (Ray Biondi, Claude Williams, Django Reinhardt, Bertalan Bujka, Francis Darizcuren, Dorado Schmitt), et même des trompettistes qui jouent du violon (Ray Nance, Stanley Andrews, Noël Chiboust), mais les batteurs qui jouent du violon ne courent pas les rues et n’émargent pas souvent au budget des firmes phonographiques. En France, Teddy Martin est l’un des rares (Cf. ses disques avec Dany Doriz, Gérard Badini, Michel Hausser, Eddie “Lockjaw” Davis, Lou Bennett), précédé sur ce terrain peu fréquenté par Robert Bermoser, pionnier du jazz alsacien avec T. “Coco” Kiehn (cI, ts) et Jean-Pierre Richert (p). Il fut le premier violoniste du Swing Quintette de Paris et son jeu impressionniste aux contours mouvants s’accorda avec la guitare dépouillée de Sarane Ferret, le dépouillement d’un film de Melville, l’ascèse jubilante d’une sculpture de Brâncusi. Le successeur de Rob Bermoser fut Georges Effrosse, un habitué de la section de cordes des “Collégiens” prolongés de Ray Ventura. Violoniste exceptionnel, avec moins d’infortune il aurait pu égaler les grands de l’instrument, Michel Warlop, Stéphane Grappelly, Svend Asmussen, Helmut Zacharias, Emil Iwring, Hasse Kahn, Arild Iversen, si un “bon Français” pétainiste ne l’avait dénoncé aux Allemands hitlérisés, qui s’empressèrent d’envoyer ce fils d’Israël à l’infernale usine souterraine de Dora où les esclaves résurgents du XXème siècle, facile main-d’œuvre corvéable à merci, contribuaient dans le dénuement et le désespoir à la fabrication des V-l et des V-2 du savant fou à la Jules Verne, du docteur ès fusées Werner von Braun ; les armes nouvelles du IIIème Reich, les arguments frappants de la dernière chance (1). Von Braun, criminel de guerre (non jugé à Nuremberg), fut récupéré après le conflit par les Américains, à la barbe des Soviétiques ; devenu citoyen des USA, le transfuge créera des engins spaciaux pour son pays d’adoption. Les Etatsuniens ont toujours su utiliser les compétences, quelles qu’elles fussent. A bout de forces, Georges Effrosse mourut du typhus à Dora en 1944. Que d’artistes hors du commun ont péri dans ces abominables camps de la mort, leur œuvre étouffée à tout jamais. Le saccage programmé des neurones de tout un peuple. « Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres / D’être cent fois plus ombre que l’ombre/ D’être l’ombre qui viendra et reviendra / Dans ta vie ensoleillée. » (Robert Desnos « Le dernier Poème » Buchenwald, 1945).
Technicien de premier plan, la maîtrise de Georges Effrosse s’affirmait sans ostentation, étant mise au service d’une inspiration qui savait faire la part du flux dans l’équilibre des soli. Jamais de démonstration, toujours de l’efficacité. Une perle prisée. L’archet virevoltant, les cordes brûlot, les idées généreuses, le lyrisme contrôlé, le panache d’Effrosse font de lui le violoniste particulièrement adéquat pour n’importe quel quintette à cordes, à plus forte raison pour ce quintette à la parisienne de Sarane Ferret, qui évite de tirer à lui la couverture du leader inconditionnel (du genre “c’est moi le patron”) ; grâces lui en soient rendues. « Au contact de l’extraordinaire (et combien oublié!) Georges Effrosse, la musique de Sarane prend toute sa dimension. A la venue d’Effrosse, Sarane abandonne même l’appellation “Swing Quintette”, comme s’il n’était plus la peine d’invoquer le swing avec un soliste d’une telle classe. Il faut dire qu’à côté de l’émotion contenue et du jeu très intériorisé du guitariste, l’expressionnisme ébouriffant du violoniste fait merveille (Royal Blue). » (Alain Antonietto “Jazz Gitan” CBS 26924, 1986). Par bonheur, la “tziganité” enthousiaste de Georges Effrosse a malgré tout laissé quelques traces.


ÉTRANGES ÉTRANGERS
Studio 28 n’est pas là par hasard ; il arrivait à Sarane Ferret et à ses musiciens de passer en attraction dans cette salle de cinéma montmartroise (10 rue Tholozé, 18ème), située à proximité du domicile du guitariste. En 1942, le Quintette de Paris, qu’il dirige depuis l’année précédente et bénéficiant désormais de la présence de Georges Effrosse, est au programme du “Chalet” (43 rue du Faubourg Montmartre, 9ème). Puis le silence s’installe... De Sex-Appeal de décembre 1942 sur Odéon à l Can’t Give You Anything But Love pour ABC-Jazz Club Français de février 1944, une séance longtemps cloîtrée, rien. Si l’on excepte un partenariat avec l’harmoniciste Dany Kane en avril, pas le moindre élément discographique de la part de Sarane Ferret pendant toute l’année 1943. En mille comme en cent, Sarane est aux abonnés absents ; Etienne fait-il des siennes ? Quand un Vicomte... Tirant leur inspiration de ce qui est plaisant, Mireille et Jean “Jaboune” Nohain n’avaient certes pas prévu les dictateurs dans leur chanson conviviale. “Quand un tyran rencontre un autre tyran, qu’est-ce qu’ i’ s’ racontent ? Des histoires de tyrans !”. La dictature, la négation des droits de l’homme et du citoyen, le racisme, les diktats imposés, la répression, les lois iniques et les crimes contre l’humanité érigés en règles de vie et de mort pour Adolf Hitler et Benito Mussolini, potentats tragiques au pouvoir absolu dans leurs pays et dans ceux qu’ils envahissaient et privaient de la liberté la plus élémentaire. Les dirigeants des forces de l’Axe, forces du mal déchaînées, conclurent des accords au cours de rencontres où chacun tenait à affirmer sa prépondérance, sa suprématie, conférences au sommet de la bêtise malfaisante tournées en dérision, ridiculisées avec un rare courage par Charlie Chaplin en 1940 dans “Le Dictateur” (“The Great Dictator”), Hynkel et Napaloni métamorphosant le nazi et le fasciste en pitres dangereux et néfastes. Les accords entre l’Allemagne et l’Italie prévoyaient même des échanges artistiques et culturels ! A ce titre, des musiciens italiens, habitués des jazz-bands et orchestres de danse, allèrent jouer à Berlin, Nino Impallomeni, Alfredo Marzaroli (tp), Mario Balbo, Francesco Paolo Ricci (cI, ts), Tullio Mobiglia (ts), Primo Angeli, Ernesto Romanoni (p), Alfio Grasso (g), Cesare Cavaion (b), etc. La plupart s’intégrèrent à un moment ou à un autre à “Charlie and his Orchestra” (Nazi Propaganda Swing), orchestre dirigé par Lutz Templin où le chanteur Karl “Charlie” Schwedler faisait de la propagande anti-anglo-américaine sur les succès de la “Swing Era” (2) ; de 1940 à 1944, des dizaines de morceaux furent ainsi enregistrés avec des instrumentistes allemands, autrichiens, italiens, belges, hollandais... mais pas un seul Français ! Ouf, on a eu chaud ! L’honneur est sauf... Des “collabos” ? Reconnaissons que le sort de ces musiciens italiens était malgré tout plus enviable que celui des soldats d’au delà des Alpes envoyés sur le front de l’Est par le Duce pour prêter main-forte aux troupes de son ami le Führer, bidasses transalpins venus parfois de contrées ensoleillées, complètement paumés dans l’hiver russe ; funeste destin relaté talentueusement par Mario Rigoni Stern dans son beau récit “Le Sergent dans la neige”, un poignant témoignage personnel (Ed. Denoël, 1954 - Ed. 10/18, 1995). Bien plus tard, au cours d’interviews, certains des jazzmen de la Botte, des “repentis”, confièrent à l’historien du jazz italien Adriano Mazzoletti, journaliste particulièrement crédule, qu’ils avaient vu et entendu Django Reinhardt dans la capitale allemande, vedette d’une boîte de nuit où allaient se distraire les officiers de l’armée germanique et les hauts fonctionnaires du régime. Grossière erreur, Messieurs les ex-mussoliniens ! « Au contraire, Django a tout fait pour ne pas aller en Allemagne, courant de graves ennuis, voire au péril de sa vie, échappant de peu aux camps d’internement grâce à l’intervention en sa faveur de l’un de ses fervents admirateurs, un officier influent de la Wehrmacht ! » (“Jazz à la Gitane” Vol.1 - Sagajazz 066 479-2, 2003). Par on ne sait quel concours de circonstance, un épisode malencontreux et peu glorieux faut-il dire, c’est Sarane Ferret qui se trouvait en 1943 à Berlin, en compagnie notamment de Jacques “Montagne” Malha (g) et de André-Baptiste Reilles, plus connu sous le sobriquet de “Mac Kac” (d). Les Italiens ont confondu Django et Sarane, une confusion plutôt à l’honneur du second. Là encore, il faut noter qu’il valait mieux pour des Gitans jouer de la musique de danse et de distraction pour ces … de Fritz que d’être envoyés, comme d’autres malheureux du peuple tzigane, dans des camps de concentration qui étaient souvent des camps d’extermination. Les Tziganes à l’égal des Juifs (honnis par les aryens de la “race des seigneurs”), maudits, vilipendés, humiliés, pourchassés, arrêtés, déportés, ont payé de leur vie, un lourd tribut, les infâmies commises à leur égard par les Nazis, ce répugnant régime national-socialiste d’Adolf Hitler. « L’orchestre se forme et voilà les gueux, minables, hâves, crasseux, agoniques, les doigts gourds, qui jouent à la demande, pendant que les officiers S.S. boivent, gueulent, rient grassement. Le contraste dépasse tout ce que le cinéma expressionniste allemand a pu inventer. C’est un spectacle de désolation que la musique, quand elle est gaie, dramatise plus encore ! » (Cf. Christian Bernadac “L’Holocauste oublié - Le Massacre des Tsiganes” Ed. France-Empire, 1979).
Malheureusement, les blagues irresponsables du jeune Mac Kac (sortant alors de l’adolescence), déjà déconneur à pleins tubes, perturbèrent quelque peu le séjour berlinois des Gitanos. Tours pendables joués par le batteur détonnant au détriment de son entourage, dans un premier temps ; par exemple, ses partenaires retrouvèrent un soir le pantalon de leur tenue de scène transformé en short grâce aux ciseaux de ce drôle de zigoto ! Cela devint plus grave quand les Allemands subirent à leur tour les conséquences des inqualifiables facéties de “l’artiste”. A tel point que les musiciens, dorénavant mal vus de leurs hôtes suspicieux, faillirent eux aussi prendre le chemin d’un camp d’internement et échappèrent à la vindicte germanique de justesse. Les autorités régnantes renvoyèrent dare-dare en France ces perturbateurs de l’ordre établi ! De retour à Paris à la fin de l’année 1943 ou au début de l’année 1944, Sarane Ferret, selon toute vraisemblance toujours avec Jacques Montagne et “Mac Kac” Reilles (francisation de l’espagnol Reyes = Rois, d’où l’appellation du groupe des frères Reyes, les Gipsy Kings), se retrouve dans un studio d’enregistrement à la mi-février. Des titres sont “mis en boîte” pour ABC-Jazz Club Français, la marque de la pianiste et “leadeuse” Yvonne Blanc, également organisatrice de concerts et d’émissions de radio. Hélas ! lesdits morceaux ne verront jamais le jour et ce n’est que cinquante-neuf ans après (un bail !) que J’en ai marre et l Can’t Give You Anything But Love seront enfin édités (Cf. “Jazz à la Gitane” Vol. 1 & 2 - Sagajazz 066 479-2 & 9810 63-7, 2003). Le contrebassiste est peut-être Lucien Simoens, quant au clarinettiste, le nom d’Hubert Rostaing a été avancé, mais son impeccable technique n’étant pas au rendez-vous, il vaudrait mieux envisager quelqu’un comme André Lluis, Pierre Delhoumeau ou Gérard Levecque. Rappelons que de chaque côté de l’Atlantique deux fortes personnalités du spectacle avaient profondément marqué ces deux chansons inaltérables, Mistinguett et Ethel Waters.

PACIFIC MOOD
It’s Been A Long, Long Time... Sarane Ferret reprend ses activités nationales en conservant toujours le jazz en tant que point de mire ; toutefois, il faudra attendre 1947 pour trouver des gages discographiques de sa carrière d’après-guerre. Il enregistre une séance pour Pacific, une jeune marque créée dans la seconde partie des années 40 s’intéressant de près aux jazzmen (Claude Luter, Graeme Bell, Claude Bolling, Rex Stewart, Janine Rotante, Léo Chauliac-Henri Crolla, Jo Privat-Didi Duprat, Jack Diéval, Jean-Claude Fohrenbach, etc.). Une de ces séances qui font dorénavant place aux découvertes liées à la Libération et à la révélation de nouveaux thèmes et de nouvelles manières de présenter la “Swing Music” (Pacific Boogie, Paper Doll, un succès des Mills Brothers, l Should Care, popularisé par Tommy Dorsey). L’ouverture décisive sur la destinée, les lendemains qui enchantent, au cœur de la vérité première. « J’écoute et j’entends, en effet, sans le concours d’un autre univers que celui du réel. J’écoute de préférence des choses charmantes et bienveillantes et je désire écouter et voir ce qui peut évoquer leur mystère. » (René Magritte). On retrouve là la double influence du Quintette du H.C.F. sur Sarane Ferret (Swing 47), d’une part celle du quintette à cordes d’avant les hostilités, d’autre part celle du quintette des années de guerre ; du premier il favorise le violon partenaire et du second il supprime l’un des guitaristes rythmiques au profit d’une batterie. Devant les microphones dernier cri, d’une capacité maximale de captation (c’est du moins ce qu’affirme la publicité) : 1) Roger Godet (vIn), issu des sections de cordes des orchestres de danse et des formations de variétés d’alors, un monde où le jazz n’est qu’un passant fugitif ; 2) Jean Maille (g), fidèle soutien du clan Ferret et également guitariste rythmique dans le Jazz de Paris (seconde mouture), le Quintette Rythmique de Paris (comportant Pierre Delhoumeau et Yvonne Blanc) et les sextette/septette de Jerry Mengo ; 3) Roger “Toto” Grasset (b), l’un des contrebassistes du Quintette du H.C.F., mais aussi instrumentiste chez Ray Ventura, Michel Warlop (et Germaine Sablon), accompagnateur de Larry Adler, Eddie Brunner et Bill Coleman ; 4) Georges Marion (d), à ce moment batteur du novateur Jack Diéval quartet propageant la “nouvelle chose” qui excitait l’intérêt des partisans de la Folie Douce. Chez Pacific, Sarane Ferret et ses musiciens venus d’ailleurs : une bande à part qui joue en paix avec elle-même. Paix aux hommes de bonne volonté.
Qu’est-ce qui fait courir Sarane ? Le deuxième de la fratrie Ferret se produit à gauche et à droite, là où l’on veut bien l’engager pour faire retentir les accents gitans de sa guitare bleue, le bleu du fond de l’âme, le bleu de la veine qui court à fleur de peau. Sarane Ferret joue au “Palata” (1 rue des Colonels-Renard, 17ème), une boîte russe où se manifestent Ben Horrys et Simon Voltys, “A la Romance” (11 rue Monsieur-le-Prince, 6ème), qu’il ne faut pas confondre avec “La Romance” (54 rue Pigalle, 9ème) qui accueille aussi Sarane. Le guitariste et son trio animent le fameux “Bar Vert” (14 rue Jacob, 6ème), succédant au frère Matelo, un haut lieu fréquenté par l’élite germanopratine. Le prestigieux restaurant-cabaret russe (encore !) “Dinarzade” (16 rue de la Tour, 16ème), fief de Toscano et son orchestre, privilégie Sarane Ferret au cours de ses soirées. Le “Don Camilo” (10 rue des Saints-Pères, 7ème) est un autre cabaret qui valorise Sarane Ferret et ses Gitans ; là, c’est Matelo Ferret qui prendra le relais avec le violoniste Pierre Vedrie. Sarane est devenu une vedette, “Les Gitans de Paris” (11 rue Jean-Mermoz, 8ème), nouveau club de nuit à la mode, porte également l’enseigne de “Chez Sarane Ferret”, mais le programme annonce “Pierre Ferret présente Sarane et Jean Ferret et leur orchestre de guitaristes” ! La famille Ferret au grand complet triomphe aux Champs-Elysées... Baro Ferret, lui, s’occupera de deux bars, “La Lanterne” à la Porte de Champerret (17ème) et le “Baro Bar” de la rue Mouffetard (5ème). La nuit complice porte chance aux frères Ferret. “A night life is a good night, a good life is a night life”.
Au début des années 50 Sarane Ferret enregistre de nouveau quelques morceaux, pour Gramophone/La Voix de son Maître cette fois, Dumbell, Fantômes, Chicago, Cheek To Cheek ; par malheur, ces morceaux seront dispersés dans des disques dits de “surprise-parties” au milieu desquels, mêlés à des interprétations d’autres formations, il est presque sûr qu’ils échapperont à l’attention des amateurs de guitare rabouine. Heureusement, le mélange est loin d’être dégradant : figurent là Hubert Rostaing, Gérard “Dave” Pochonet, François Vermeille, les Trois du Rythme... (“Surprise-Partie Aux Baléares” La Voix de son Maître FELP 105, etc.). Notre guitariste passe en attraction à “La Montagne Pelée” (13 rue Tournefort, 5ème) et l’un de ses accompagnateurs n’est autre qu’un certain... Alain Antonietto ; seront présents aussi Francis Moerman, Laro Sollero ou René Mailhes, et un juvénile violoniste, très « grappellien », qui aimait “faire le bœuf” régulièrement avec les guitaristes de ce restaurant antillais, un nommé Jean-Luc Ponty. Habitant sur les pentes de Montmartre, Sarane Ferret vient parfois égrener quelques chorus, offrir quelques improvisations aux petits concerts du samedi après-midi dans la cave du Hot-Club de Paris (14 rue Chaptal, 9ème) ; ainsi, un jour, fut-il accompagné au pied levé par la jeune pianiste Martine Morel, qui tenait habituellement le clavier dans le High Society Jazz Band de Mowgli Jospin ! Extrapolation fugitive vers le firmament, imaginatif vagabondage dans les nuées : lors de jam-sessions applaudies par les anges, au paradis des “créateurs du jazz”, peut-être Jelly Roll accompagne-t-il Django ? Le Créole et le Manouche avaient tout pour s’entendre : le jeu, les femmes, le voyage, le goût des belles choses, le flux et le reflux de la gloire... et forcément la musique, sa force intérieure, son raffinement, son emprise, son plaisir.

ROCKY SARANE
Baro Ferret n’enregistre plus, Matelo Ferret enregistre peu, fort peu, et pas forcément du jazz (La Matchiche, Tire, tire l’Aiguille, Le petit Tacot de Mexico, La Saint-Bonheur, Bambina, Ton Mariage, A t’regarder, Lettre à Virginie, C’est magnifique...). Etienne Ferret pour l’état civil, Sarane pour les siens, lui, est plus favorisé. Il signe un contrat avec la filiale française de l’importante firme américaine RCA lui garantissant un disque par an. Quoi qu’il advienne, c’est tout bénéfice ! Pendant trois ans, Sarane Ferret en profitera pour concilier intelligemment tradition et modernité au su, vu et entendu de tout le monde. Un bel exemple de plein accomplissement. Le 21 janvier 1955, il a recours au classique quintette à cordes qu’il s’empresse de baptiser Quintette de Paris - on ne va quand même pas dire “comme au bon vieux temps”, ce serait incongru ! Manque de pot, malgré la bonne tenue des archives de RCA, une fois de plus l’on ne saura jamais quels furent les violoniste, guitaristes et contrebassiste qui entourèrent le héros de ce jour de la Sainte-Agnès. Tant pis ! (Minor Swing, Royal Blues, Au Temps de la Cour, Nuages/Viper Drink, White Christmas, Mon Rancho, Nuits d’Italie - RCA 130.020). Fidèle à ses principes, à sa liberté d’expression, à sa déontologie, à ses options personnelles mûrement réfléchies, Sarane Ferret, au sommet de son art, ne distille qu’un minimum de notes dans ses soli, choisies, sélectionnées spontanément, des fruits de l’expérience vécue, naturellement détachées de la grappe avec un soin minutieux ; point n’est besoin de prolixité pour faire comprendre ce que l’on a à dire - Sarane est l’antithèse absolue de ces jeunes guitaristes contemporains “mitraillette” à la logorrhée si encombrante (ça se bouscule au portillon !) ; on a l’impression qu’ils s’expriment en envoyant une foultitude de postillons... Ne pas se trouver dans la trajectoire. A l’alto, le Lapin et le Cannibale n’avaient pas la même conception du raout. La mise en place rigoureuse de Sarane Ferret est le reflet d’une sensibilité s’extériorisant pudiquement par le truchement des cordes pincées, avec le charme discret d’une poésie contemplative. Un visage grave d’enfant derrière des vitres au long desquelles s’écoulent capricieusement, en un réseau serré, de fines rigoles un jour de pluie.
Quand Sarane Ferret enregistre son deuxième disque pour RCA le 19 décembre 1956, c’est très simple, pas de prise de tête ; pour se mettre dans l’ambiance de l’époque, il démarre avec un morceau intitulé Le Rock ça chauffe, on ne saurait mieux dire, c’est une évidence flagrante - chaud devant ! Le guitariste reprend ses succès des années 40, Studio 28 et Miami et les met au goût du jour, en y joignant L’Homme du Bar, qui est peut-être un coup de chapeau à son frère Baro dont il est préférable de ne pas savoir ce qui se trame derrière la façade de son établissement nocturne. Un coup d’eustache est si vite arrivé ! (45t.EP RCA 76.071). Dans “Les Cahiers du Jazz” n°l (1959), à propos de “Django et l’Ecole Tsigane de Jazz”, Michel-Claude Jalard écrit que, par rapport au disque 25cm.LP précédent avec le quintette cordé, celui-ci « (...) se déroule au contraire dans une atmosphère très hamptonienne : Sarane y pratique un jeu sobre et carré, fait de segments de phrases très courts et bien posés sur le temps. » Pour l’occasion, Sarane Ferret a monté un groupe avec vibraphone et section rythmique orthodoxe. Matelo Ferret avait déjà utilisé un vibraphoniste (Camille Martens) dans son ensemble dès 1943 et le fera encore des années plus tard (Michel Terrioux - Cf. 45t.EP Typic/Garzon G 385 LD). Quant à René Mailhes et Laro Sollero, à l’époque où ils jouaient côte à côte au “Narcy’s Club” de la rue Quinault (15ème), en 1958, ils avaient fait appel à un jeune féru de vibraphone, André Bordas. Chez Sarane Ferret il s’agit de Roby Poitevin, transfuge du piano souvent sollicité par Hubert Rostaing (Cf. disques Swing, 1948-1949). Poitevin fut l’un des premiers à s’intéresser au jeu évolutif du bopper Milt Jackson dans ses sillons avec Dizzy Gillespie, tout en gardant la flamme et la fougue d’un Lionel Hampton. Il fut une espèce de trait d’union entre Geo Daly et Michel Hausser, l’un attaché à Hampton, l’autre lié à Jackson. Bis repetita... Les mélodiques et les rythmiciens, derechef, n’ont pu être identifiés. L’année suivante, le 7 octobre 1957, Sarane Ferret récidive et se retrouve dans les mêmes conditions d’enregistrement. Un troisième disque consacré aux standards, Body And Soul, Coquette et The Man l Love, auxquels est adjointe une chanson popularisée par Ella Fitzgerald, Tender Trap (Tendre Piège) (45t.EP RCA 76.124). Ce serait en quelque sorte le testament musical de Sarane Ferret avant sa disparition trop tôt survenue si des extraits d’un concert à la Maison de l’ORTF le 16 avril 1967 n’avaient pas été édités sur un disque où se faisait remarquer également son frère Matelo (France’s Concert FCD 124/Esoldun-INA FC 124). “Concert de Jazz Gitan” annonçait l’affiche, partagée entre Joseph Reinhardt, Vivian Villerstein, Babik Reinhardt, Challain Ferret, Boulou Ferret, René Mailhes, etc. - et même un “Gitan” d’Afrique... Manu Dibango ! Sarane apparut sur la scène du Studio 104 avec Jean Tordo (cl), Auguste Malha (g), Alf Masselier (b) et Roger Paraboschi (d), soit une fois encore avec ce type de quintette que Django Reinhardt mit en valeur à partir de 1940. Les morceaux interprétés furent Swing 42, Confessin’, Les Yeux noirs, Blues ln The Closet et Au Temps de la Cour, un menuet swingué (gravé dès 1941 avec Tony Murena), à la manière d’un arrangement de Raymond Scott, Minuet In Jazz (1937). Une belle conclusion pour une discographie où l’amateur des chatoiements de la musique gitane trouvera certainement maints sujets de satisfaction.


NOTES PRÉCIEUSES
Les voies romaines en étaient pavées ; les pierres on en trouve partout, c’est commun le long des routes, des chemins, des allées, des laies et des pistes ; il fut même un temps fort lointain où l’on ne trouvait que ça, on le nomma l’âge de pierre. Les pierres précieuses, elles, c’est plus rare, cela ne roule pas au milieu des rues, pas du tout. Avec Sarane Ferret, les notes cailloux ne sont pas lancées en jets précipités, l’auditeur ne risque pas la lapidation. Les notes sont tamisées, triées, pesées. Sarane l’économe manipule des notes perlées avec discernement, il les évalue, y portant son attention constante, comme autant de pierres de la plus haute préciosité, comme autant de diamants ; les diamants ne sont-ils pas éternels ? Entre ses doigts, le rouge du rubis et du grenat, le jaune de la topaze, le vert du jade et de l’émeraude, le violet de l’améthyste, le bleu de l’aigue-marine, de la turquoise, du saphir et du lapis-lazuli, les marbrures de l’agate et de l’onyx jettent des éclats de palette musicale. Peintre de la note minérale. Orfèvre en la matière. Sarane Ferret ou le bijoutier du clair de lune.

« Je regrette que notre monde moderne ne soit pas plus gourmand de ces confrontations entre le sérieux et le trivial, le classique et le populaire. »
Jean Rochefort

QUELQU'UN DE BIEN
« Juste quelqu'un de bien », comme dans la chanson d'Enzo Enzo... Un bon gars, un chic type, un mec sympa, c'est ce qu'était Pierre-Jean “Matelo” Ferret, tout le monde est d'accord là-dessus. Matelo Ferret était d'une rare gentillesse, c'était la crème des hommes, mais le droit d'aînesse le faisait considérer par Baro et Sarane, non pas comme un souffre-douleur, plutôt comme un petit frère taillable et corvéable à merci ; ce n'est pas toujours facile d'être le minot d'une fratrie. Ils pouvaient tout s'autoriser avec lui dans leur travail commun. Quand Matelo trouvait une “bonne affaire” ici ou là qui lui permettait de faire du jazz dans de bonnes conditions, et ce n'était pas tous les jours, Sarane intervenait afin de la récupérer pour son compte personnel sous prétexte qu'il était son aîné, la préséance devant lui être accordée. Et Matelo s'inclinait... Au cours des séances enregistrées pour l'album “Swing Valses d'Hier et d'Aujourd'hui” chez Vogue, Baro interpellait vertement son jeune frère et se mettait à l'engueuler : « Dis donc p'tit con, t'as entendu comment tu m'accompagnais ? » Et Matelo, sous les reproches, de se tasser sur sa guitare. C'est parfois dur d'avoir des frangins devant soi... Rappelons que Baro avait dix ans de plus que Matelo, et Sarane, six. La modestie (trop de modestie), provoquée par l'aplomb de ses prédécesseurs, était ainsi l'une des caractéristiques essentielles de Matelo Ferret, et cela lui joua des tours néfastes, le conduisant à un effacement similaire à celui d'Henri Crolla, né d'une réserve éprouvée vis-à-vis du tout-venant - Crolla n'était réellement à l'aise qu'avec ses proches. Pourtant, Matelo était le plus doué et le plus imaginatif des trois, le plus moderne et le plus novateur. “Avoir la pêche” est une expression qui convenait on ne peut mieux à Matelo. Au fil d'une trajectoire ascendante à travers l'univers des sons de toutes saisons, de tous climats et de toutes époques, Matelo Ferret a sans cesse été “dans le coup”, dans l'air du temps présent, dans le roulé-boulé d'une évolution inéluctable. Oublie ce que tu as construit hier, pense à ce que tu bâtiras dans le futur, mais surtout garde le contrôle de ce que tu inventes en ce moment. Sans rien abdiquer de ses atomes crochus avec l'œuvre de ses pères, avec l'art de ses pairs, Pierre-Jean de la Ferreterie, divin marquis de la guitare enchantée, ose s'aventurer dans la pratique de la magie blanche des mystères du Be (le dogme de l'oo-shoo-be-doo-bisme) et de la magie noire des secrets du Bop (les rites de l'oo-moo-gloo-bopisme). A l'instar de n'importe quel impétrant hardi, l'avenant swing-troubadour Matelo n'en sortira pas intact. Il en sera irradié pour le restant de ses jours, pour le séjour d'un reste en plans d'avenir, mordu qui croque à belles dents dans la vie qui va - à demain si vous le voulez bien, à deux mains si la guitare n'est pas en retard.


CHPILE T'CHAVO
“Joue, mon gars”... Jouer, Matelo Ferret n'a fait que ça durant toute son existence, une soixantaine d'années de bons et loyaux services envers Euterpe, derrière ses frères certes, mais selon Michel-Claude Jalard, sur le devant de la scène d'un jazz nouvellement éclos dans la splendeur d'un lever de soleil sur des terres vierges. Django Reinhardt bien sûr, incontournable, et puis Charlie Parker et Dizzy Gillespie (Ciel ! les Nuages, l'Oiseau et la Fusée), avec les guitaristes intégrés à leurs groupes, ou à ceux de leurs émules, enthousiasmés par les conceptions révolutionnaires des leaders, Chuck Wayne, Remo Palmieri, Bill DeArango, Arvin Garrison, Barney Kessel, Billy Bauer, Barry Galbraith, John Collins, Connie Wrainwright, apportant dans leur façon d'accompagner des innovations qui seront autant d'encouragements à suivre la piste au trésor. « Il y avait du Parker dans la souveraineté du dernier Django. C'est du Gillespie que nous allons retrouver dans les chorus du plus brillant de ses jeunes disciples, le Gitan Jean “Matelo” Ferret. Alors que l'on ressent chez Parker et Django comme une sorte de descente en soi-même, comme une quête intérieure, fiévreuse chez le premier, plus sereine chez le second, Dizzy et Matelo se lancent à une exploration enthousiaste du monde sonore à partir de leur étonnante maîtrise instrumentale. Le jeu de Matelo est d'une extrême variété d'invention : traits complexes et fulgurants, phrases décalées, pointes et audaces harmoniques qui renouvellent les thèmes les plus usés, phrases par accords, le tout mis en valeur par une attaque très vigoureuse. Frère cadet de Sarane, il semble en être le complément : tous deux ont en commun le même contrôle instrumental et un certain sens un peu espagnol du “drapé”. Mais tandis que chez l'aîné ce type de tempérament se traduit par un univers mélodique un peu sévère, le plus jeune s'abandonne à un baroquisme d'une intensité parfois furieuse. On voit donc pourquoi Gillespie, avec sa verve et ses défis, peut légitimement être invoqué à propos de ce guitariste. » (M. C. Jalard, “Django et l'Ecole Tsigane du Jazz” - “Les Cahiers du Jazz” n° 1, 4ème trimestre 1959).
Pierre (pour l'état civil) Jean (pour la commodité) “Matelo” (pour les familiers) Ferret est né à Rouen (alors en Seine-Inférieure) le 1er décembre 1918. L'Armistice mettant enfin un terme à la Première Guerre mondiale a été signé vingt jours plus tôt à Rethondes (Oise). Chez les Ferret tout ce qui concerne la musique en général et la guitare en particulier est une affaire de famille. La guitare et ses cousins et cousines - encore une histoire de parenté. Banduria, banjo, guitare, l'espagnole ou la russe, mandoline, tous les instruments à plectre sont invités à se manifester au banquet familial lors des épousailles du Fils du Vent et de la Fille de l'Air, de l'amour et de la musique, du plaisir et de la danse. Sur une vieille photo datant du temps où les roulottes étaient encore tirées par des chevaux, on voit assis en pleine rue Matelo tout gosse, son visage poupin empreint d'une gravité que l'on ne peut avoir qu'à cet âge-là (le destin veille au grain), les menottes potelées posées fermement sur une banduria, côte à côte avec son frère Baro, un beau jeune homme esquissant un sourire discret, le chef coiffé d'un feutre mou, muni d'une précieuse guitare dont jouaient naguère les Tziganes de ces orchestres qu'appréciaient tant les anciens colonels de l'ex-armée du Tsar de toutes les Russies, une guitare (si nostalgique !) que l'on ne pouvait écouter qu'en buvant, cela va sans dire, force verres de vodka et en pleurant sur le sort funeste de la famille impériale massacrée sans aucune pitié par ces monstres de Rouges à Iekaterinbourg en juillet 1918. Le grand Baro et le petit Matelo, une photographie émouvante plus qu'aucune autre. Le teenager Matelo Ferret suivit la filière fraternelle, fréquentant à son tour les accordéonistes qui faisaient la joie des samedis soir et des dimanches après-midi parmi les travailleurs en rupture de turbin, et puis aussi parmi ceux qui se la coulaient douce, des tire-au-flanc, des dégoûtés du boulot qui vivaient d'expédients et n'en avaient point honte. Le travail c'est la santé, ne rien faire, la conserver. Bals musette et Casque d'Or, argent vide-poches et valse des prolos. Plus tard, Matelo apportera sa contribution régulière aux orchestres pimpants des accordéonistes à voiles (celles du musette) et à vapeur (celle du jazz) en renom, Gus Viseur et Jo Privat principalement, et fera d'abord ses preuves avec Louis Richardet le 5 décembre 1935 chez Gramophone, un as du “piano à bretelles” qui avait pas mal d'accointances avec le jazz-hot. L'année précédente, le Quintette du Hot-Club de France avait pris son essor et les adeptes de ce jazz d'un nouveau genre, moins voyou et plus BCBG, une façon de “jazz de chambre”, ne tardèrent pas à montrer le bout de leurs improvisations, sans tambour(s) ni trompette. Avec Louis Richardet (américanisé quelquefois en Richard Day), qui tenait à donner un certificat de vertu à son accordéon, s'ébrouaient donc Michel Warlop (vln), le leader, Sarane et Matelo Ferret, Jean Maille (g) et Jean Storne (b). Matelo venait juste de fêter ses 17 ans ! Strange Harmony, Double Trouble (Ça me tracasse), Sérénade et l'inédit Chasing Shadows (Mirage) sont enregistrés. Matelo Ferret inaugure ainsi son arrivée officielle dans l'Ere du Swing qui va suivre, tous fastes déployés. En France, il en sera un élément représentatif, mais pas que cela, le jeune Gitan a d'autres cordes à son arc... ou plutôt à sa guitare ! Si sa rencontre avec Django Reinhardt (ils habitaient le même hôtel) fut déterminante pour son avenir de jazzman, auparavant le violoniste roumain Ionel Bajâc l'avait déjà engagé dans son orchestre tzigane au “Casanova” où le virtuose du cymbalum Nitza Codolban l'initia aux trésors musicaux du folklore de l'Europe centrale. « Désormais Matelo côtoiera les plus prestigieux violonistes tziganes de l'époque, à commencer par le “violoniste du Tsar” Jean Gulesco, des concertistes comme Valadarsky ou Zarate et, plus près de nous, Pali-Gesztross, Gyula Kokas, Sava Neagu, Tata Mirando et bien sûr Yoska Nemeth. Vite recherché pour sa musicalité et sa parfaite connaissance du répertoire, Matelo, en bon nomade, sillonnera Paris, voyageant ainsi d'un cabaret russe à l'autre, du “Shéhérazade” au “Tokay” et du “Monseigneur” au “Dinarzade” en passant par le “Tsarevitch” ou “L'Etoile de Moscou”... autant de lieux légendaires... » (Alain Antonietto, “Matelo Ferret - Tziganskaïa and other rare recordings 1960-1978”, Vintage Guitar Series Volume 6 - Hot Club Records HCR CD 46). Matelo déambule à travers la capitale, ceinturée par ces boulevards des maréchaux dont certains (Davout, Ney, Poniatowski) se trouvèrent face à face avec les troupes d'Alexandre Ier commandées par le maréchal Koutouzov (Mikhaïl Illarionovitch Golenichtchev) pendant la campagne de Russie.


DJALAMICHTO
“Ça va très bien”. Ça va fort bien pour Matelo Ferret en dépit des temps difficiles, particulièrement difficiles, terriblement difficiles, dramatiquement difficiles, tragiquement difficiles. « ... l'incroyable brièveté de la vie au regard de la mort. Le temps de la vie était infime, le temps de la mort infini. » (Henning Mankell, “Les Chiens de Riga”, Ed. du Seuil, 2003). Dans les périodes troublées, hérissées de difficultés, où la vie et la mort sont à couteaux tirés, le musicien est là pour essayer d'apporter un peu d'apaisement, de réconfort, de chaleur humaine par son art. Sa présence sur scène, ses disques, son univers au-dessus de la mêlée sont autant de messages d'espoir, de raisons de ne pas succomber au découragement. La musique panse les plaies, c'est un baume bienfaisant. Ça va bien pour Matelo puisque le 15 décembre 1943, au cours d'un rude automne, il réalise la première séance d'enregistrement sous son nom avec un “sixtette” où le Manouche royal et le monarque du Swing font ami-ami. Dans le fond c'est du Django (Reinhardt), dans la forme c'est du (Benny) Goodman. Union dans la tourmente : un Gitan (Matelo), un Belge (Martens), deux Antillais (Siobud et Bourgarel), un Parigot (Duchossoir) et un Méridional (Fabre). Clarinette, vibraphone, guitare solo, guitare d'accompagnement, contrebasse, batterie, les fameuses galettes du Benny Goodman sextet ont quand même dû être entendues par Matelo Ferret malgré le blocus des disques “made in USA” ! Toutefois, l'on peut considérer cet intrigant “sixtette” comme une extension délibérée, un élargissement électrifié de la nouvelle mouture du Quintette du Hot-Club de France, le vibraphone, dernier instrument à la mode synonyme de progrès, délivrant sa part de modernisme au milieu de la tradition bien établie. Jeannot le Gitan n'avait rien contre le remue-ménage s'il donnait un bon coup de balai dans la poussière des habitudes. « Red Norvo, Lionel Hampton et les “small combinations” goodmaniennes sont passés par là et c'est dorénavant une acquisition qui fera tache d'huile, surtout chez les Scandinaves et les Néerlandais. » (“Jazz à la Gitane” Vol. 2 - Sagajazz 981 063-7, 2003). Effectivement, ça commence à bouger sérieusement du côté du vibraphone chez les jazzmen européens et les nouveaux adeptes de l'instrument cristallin se font connaître ici et là dès la fin des années 30 et durant toutes les années 40, s'activant dans les meilleurs orchestres de chaque pays.
En France, c'est Willy Kett qui tient d'abord le haut du pavé dans le domaine du vibraphone. Il joue au sein du grand orchestre de Raymond Legrand et dans ses petites formations (Jazz-Dixit, Michel Warlop, Guy Paquinet), ainsi qu'avec Raymond Wraskoff, Christian Wagner, Dany Kane et d'autres. Camille Martens (parfois orthographié Martins ou Martin) était un vibraphoniste/pianiste belge qui fit partie notamment des orchestres de Marcel Bianchi et de Fred Adison. Avec un “swingtette” extrait de l'ensemble d'Adison, comprenant Jack Raymond (tp), Tony Rainaud (cl) et André Calviera (g), il enregistre en Suisse quatre « classiques du jazz » pour Elite Special vers 1942. Prélude à l'après-midi d'un vibraphone, auquel la lumineuse fée Electricidad a donné l'éclat de sa baguette magique. Hop, skip and jump ! Magic Matelo at his best...

QUATRE QUARTS POUR MATELO
 « Heureusement qu'il n'y avait pas la paire » commentera ironiquement Jean Cocteau. En ce mois de décembre 1943 qui voit la création au Théâtre-Français du “Soulier de Satin” de Paul Claudel mis en scène par Jean- Louis Barrault, le “sixtette” de Pierre-Jean Ferret rend hommage à Django Reinhardt avec deux de ses compositions, Swing Guitars et Swing 42 (Swing Rêverie), fait un sort à La Vipère du Trottoir de Vincent Scotto (attention ! une “vipère du trottoir” peut vous faire avaler bien des couleuvres) et agite son mouchoir en regardant s'ébranler Le Rapide ; un thème de Matelo qui apporte sa pierre à l'entrepôt abritant les amours locomobiles de la voie ferrée et du jazz-hot, dont les rejetons voyageurs ont essaimé un peu partout en sifflant allégrement le chant du départ (Cf. “Hot Trains - Daybreak Express and other Swing Tracks”, 1925-1946 - Sagajazz 066 482-2, 2003). “Bourlinguer”... Comme Cendrars, Matelo Ferret a emprunté maints itinéraires. Tantôt par ici, tantôt par là. Tout au long de sa vie, Matelo a toujours travaillé dans quatre directions différentes, pratiquant quatre genres de musiques pas forcément complémentaires, point antagonistes non plus, mais bien pratiques pour assurer la matérielle. Un artiste, ça peut créer, c'est le mieux qu'il puisse faire ; cependant l'artiste doit manger aussi, c'est indispensable. Le mythe de l'artiste créatif et crève-la-faim a fait long feu. Un peu arbitrairement, d'accord, utilisons pour des raisons de facilité les quatre points cardinaux : à l'ouest, le jazz ; au nord, les accordéonistes (musette ou swing) ; à l'est, la musique tzigane ; et au sud, l'accompagnement de chanteurs, chanteuses et artistes de music-hall. La rose des vents pour un fils du vent, quoi de plus logique !
Matelo Ferret a trempé dans le bain du jazz en toutes occasions. Dès l'avant-guerre, quand la musique de Harlem faisait swinguer les nuits montmartroises et montparnassiennes, on le remarquait déjà dans les hauts lieux du moment, le “Jimmy's” par exemple, boîte jazzante qui fit le bonheur de Django Reinhardt, où le “bœuf” ne se dégustait que braisé, rythmes “hot” de la danse des allumés, feu roulant des “jam-sessions” qui voyaient se mesurer aux “Frenchies” les visiteurs venus de cette Amérique étonnante provoquant encore le rêve, Bill Coleman, Big Boy Goodie, Harry Cooper, Eddie South, Benny Carter... Michel Warlop tenait Matelo en haute estime et il l'avait engagé comme rythmicien dans le fameux septuor à cordes, flanqué de son acolyte Gaston Durand (Harmoniques, Kermesse, Aisément, Tempête sur les Cordes - Swing, 1941). Ces deux-là se retrouveront quelque temps plus tard chez André Ekyan avec la même verve rythmique (Standard Swing, Etude rythmique, Tcha-tcha, Ekyanologie - Odéon, 1942). A l'instar de son aîné Baro dans les années d'avant la débâcle, Matelo Ferret fait partie du Quintette du Hot-Club de France quand celui-ci se reforme en 1947 après les retrouvailles des deux principaux protagonistes. 2 + 3 = 5, le célèbre quintette enregistre pour Swing sous la supervision de Charles Delaunay dans le studio de la rue Pelouze, près des quartiers chauds, un studio que l'on imagine, la nuit venue, et pour honorer la rime, livré au stupre d'excitantes partouzes (R-26, How High The Moon, Lover Man, Blue Lou, Django's Blues). Pour Matelo l'observateur objectif, le jazz est une belle histoire sans fin au cours de laquelle il se plaît à tracer quelques lignes de son cru quand il juge que ça en vaut la peine... et le plaisir.
En dehors des historiens de l'accordéon qui les rappellent le temps d'une évocation, les noms de Guérino Vétese, Jean Vaissade, Emile Vacher, Maurice Alexander, Fredo Gardoni, Emile Prud'homme, Augusto Baldi (et tutti quanti), vedettes de la “boîte à frissons” des années folles du musette, ont chu inexorablement dans l'oubli au début du siècle suivant. Les soufflets sont retombés. Pourtant, les Gitans Gusti Malha et Poulette Castro, et leurs suiveurs Baro, Sarane, Matelo, Challain Ferret et Django Reinhardt, le génie en herbe, ne seraient peut-être pas devenus ce qu'ils furent si, dès leur adolescence, ils n'avaient pas été confrontés, dans l'exercice de leur métier de musicien, à ces accordéonistes flambeurs de notes auxquels il était nécessaire de donner, pour ne pas déchoir, une réplique musclée sur son banjo incendiaire ou sa guitare pétroleuse dans une ambiance où l'aménité n'était pas du tout une règle de conduite. Plongé très tôt dans la vague populaire de l'accordéon canaille, Matelo Ferret a toujours eu ensuite des affinités avec les plus grands serviteurs de l'instrument qui étaient capables, présents sur le terrain de la compétition, de lever le doigt un jour en disant au musette : « J'suis là ! », et la nuit d'après de le relever en annonçant au jazz : « l'm yours ! ». Pour eux désormais, la Marne ne se jetait plus dans la Seine, mais dans l'Hudson. Matelo a vite été un partenaire privilégié de Gus(tave) Viseur (1915-1977). Si l'on consulte la discographie de Gus Viseur établie par le regretté Robert Pernet, on s'aperçoit, non sans surprise, qu'ils ont enregistré ensemble environ 200 morceaux, et peut-être même davantage si l'on tient compte des personnels incertains. De 1938 pour Swing à 1971 pour Vogue (ultimes sillons), les séances se sont multipliées, dans tous les genres possibIes et, bien sûr, en devant se plier quelquefois aux impératifs commerciaux exigés par les maisons de production. Par bonheur le jazz a offert en plus d'une occasion la concrétisation du talent hors norme d'un sacré défricheur de l'accordéon-swing. Comme on l'a vu précédemment, Baro Ferret, guitariste soliste avec Viseur, en s'éloignant de Gustave le Belge a laissé sa place d'intervenant à son jeune frère, jusque-là accompagnateur fidèle et efficace. Ainsi, apparaît-il en tant que soliste dans la version “princeps” de la composition historique Swing Valse, morceau-symbole de l'envol de tout un mouvement (tournant). Chez Viseur, “Tatave” pour les poteaux, Matelo côtoiera Sarane Ferret (partageant les solos avec son frérot), Challain Ferret, Gaston Durand, Joseph Sollero... L'accordéoniste aimait s'entourer de guitaristes issus de la mouvance gitano-manouche, une habitude prise hier et qui perdurera longtemps, pour la plus grande satisfaction de tous.
Pareil à Baro et Sarane, Matelo Ferret participera aux aventures musicales de l'Italien de Nogent-sur-Marne, Antoine “Tony” Murena (à la “Boule Noire” exemplairement), bien que la discographie dudit n'en livre qu'un faible reflet. Après les années fastes au lendemain de la Libération où le jazz des GI's avait le vent en poupe (Murena faillit être engagé dans l'orchestre Glenn Miller !), l'accordéon retombe dans l'ornière de la zizique à guincher et Antonio dans la routine. Adieu les beaux rêves du voyage aux Amériques ! Le plus intéressant dans la seconde partie de la carrière de Matelo Ferret “accordéonistique”, c'est sa collaboration suivie autant que vivifiante auprès de Jo Privat, un sans-culotte qui a pris la Bastille dans les fouilles de son futal et n'a jamais consenti à la rendre, ni à la noblesse, ni au clergé, ni au tiers état. D'ailleurs, ils en auraient donné leur tête à couper, ce malotru n'était pas fréquentable ! Sous contrat avec la firme Pathé-Marconi/EMI qui édite ses disques sur la marque Columbia, en 1960 Jo Privat en a marre d'accumuler les “Danse du balai”, “Musette à Nogent” et autres “Allez roulez !”. Il apprécierait d'enregistrer autre chose, d'autres musiques, surtout la musique de ses copains gitans, manouches et tsiganes, celle faisant bourgeonner les boutons de son accordéon printanier ; ça le démange dans les doigts. En haut lieu, ça rechigne (ça va pas s'vendre), mais on finit quand même par lui donner satisfaction, vu son impact, et il a carte blanche (à moins que ce ne soit le feu vert) pour enregistrer une dizaine de morceaux le 3 novembre 1960 avec le concours des musicos de son choix. Ce sera le fameux “Manouche Partie” qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive, ce qu'il est maintenant convenu d'appeler un disque culte (“c'est culte” comme disent de nos jours les animateurs benêts de la téloche). Dame, n'est pas “culte” qui veut ! Sont réunis dans le studio pour la circonstance avec le Jojo de la Bastoche : Matelo Ferret (g solo), Jacques Montagne (g d'accomp.), un certain Dubois (b) dont on a perdu le prénom (peut-être René?) et “Mac Kac” Reilles (d) qui en a deux (des prénoms), André et Baptiste - plus un violoniste probablement austro-hongrois (qui jouait dans un cabaret russe dit-on), “hot fiddler” à éclipses dont le nom ne passera jamais à la postérité, une espèce de soldat inconnu du front de l'Est musical sous l'Arc de Triomphe du jazz manouche. Un heureux et “exciting” répertoire : Valse des Niglos, Les Yeux noirs, Nuages, Les deux guitares, Minor Swing, Chez Jacquet, Tamboo, Rêve bohémien, Java manouche, Kalinka (Columbia FP 26009). A l'aise Gervaise sur des morceaux ayant l'agrément des héros de la fête, la guitare hardie de l'un et l'accordéon gavroche de l'autre font merveille dans un contexte qu'ils contribuent par leur ardeur à démarginaliser. Ce microsillon 25 cm aura une belle réception d'honneur(s), à un point tel que six ans plus tard, le 16 décembre 1966 exactement, on fera enregistrer dans le studio PM de Boulogne-Billancourt quatre titres supplémentaires pour la réédition en grand format : Songe d'Automne, Crépuscule, La Zingara et Rythmes gitans (Columbia/EMI CTX 40396). Le personnel (sans violon) sera légèrement différent, Jo Privat Jr. (le fiston) remplaçant Montagne Malha et René Motta prenant la place de Mac Kac ; quant au bassiste, s'agit-il encore du nommé Dubois ? Mystère... Le clarinettiste Jean Tordo s'exprime tardivement ; dommage, Tordo étant l'un des meilleurs Français sur son instrument avec Rostaing et Meunier. Le groupe de Jo Privat avec Matelo Ferret dans “Manouche Partie” est en quelque sorte au Jazz alla Zingarese ce que fut au “cool jazz” le quartet de Gerry Mulligan avec Chet Baker au “Haig”, ce que fut au “bop civilisé” le Modern Jazz Quartet de John Lewis avec Milt Jackson sur les scènes mondiales : une réussite, la symbiose de deux fortes personnalités, la complémentarité dans leurs contradictions, une manière bien particulière de présenter les choses de la vie instrumentale (réflexion et approfondissement sur le baryton, le piano et la guitare, instinct et sentiment chez le trompettiste, le vibraphoniste et l'accordéoniste), la maturation aboutie, une formation-clef ouvrant la voie vers de futurs développements et un orchestre marqué par la symbolique d'un emblème.
Mes jeunes années... Depuis ses jeunes années, découverte et séduction, Matelo Ferret a entretenu des rapports fréquents et quasiment passionnels avec les musiques de “l'Eastern Europe” que décrit si bien Claudio Magris dans ses livres (Cf. “Danube” Ed. Gallimard, 1988 - “Le Mythe et l'Empire” Ed. Gallimard, 1991), une Europe aux nombreuses frontières, féconde en brassage des peuples. On l'a vu plus haut, Matelo a passé une grande partie de sa vie dans des orchestres “à la Tzigane”, pour des raisons pécuniaires certes, mais pas seulement pour cela puisqu'il y trouvait un intérêt n'étant point que lucratif - une forme de fascination et l'accomplissement de ses élans. Pour un guitariste pratiquant cet art séculaire, tel que Matelo, transmis d'une génération à la suivante, jouer avec Yoska Nemeth, un maître exemplaire, c'était comme pour Diz Disley, Denny Wright, Ike Isaacs, Marc Fosset, John Etheridge, Philip Catherine, Martin Taylor, jouer avec Stéphane Grappelli. Le summum. En 1978, Matelo Ferret fait la somme de toutes ces décennies employées au service de musiques parangons de lyrisme exaltant, de ses expériences multiples chez les Tziganes, lesquelles ont en un certain sens façonné la manière d'envisager le jeu de guitare qui lui est propre. “Tziganskaïa” (Vogue DY 21001 - réédité sur Hot Club-Records HCR CD 46), enregistré avec “Boulou” Ferret (g), Michel Villach (cymbalum) et Ernst Pseffer (b), est le résumé en même temps que le point d'arrivée de l'existence d'un homme qui a beaucoup engrangé et, la soixantaine venue, tient à faire partager à tout un chacun ses acquisitions. De Cher Ami et Sombre Dimanche à Route des Acacias et Valse des Officiers en passant par Gagoug, Choti (de Django Reinhardt) et Caractère slave (du pianiste Gaby Wagenheim), tout un patrimoine, où les compositions personnelles de Matelo ne sont pas rares (Mademoiselle de Bucarest, Tchoucar Valsarie, Pouro Rom, Kleine Harmonika) et les “classiques” du genre en bonne place (Fascination, Ne te presse pas, Amoureuse). C'est tout un monde en voie de disparition, un cercle de poètes disparus corps et biens, résistant à l'érosion du temps impitoyable sous les doigts agiles d'un gardien du bonheur.
Dans un univers complètement différent du précédent, Matelo Ferret s'est de même impliqué pendant longtemps, atteignant là derechef une maîtrise enviable dans une spécialité des plus subtiles, des plus délicates, des plus ingrates aussi (toujours le second plan), mais pas à la portée du premier venu : l'accompagnement de chanteuses et chanteurs de la veine populaire, poétique, réaliste, sociale, “intello”, voire politique au fil du temps. Des chanteuses des faubourgs et de l'amour déçu aux chanteurs du doute existentiel des boîtes germanopratines, Matelo a accompagné ainsi maints artistes de grande ou de plus modeste envergure. On chante dans mon quartier... Déjà, en 1936, à dix-sept ans, il accompagne avec le pianiste Walter Joseph une jeune chanteuse d'une vingtaine de printemps qui fait ses premiers pas dans un studio d'enregistrement (mais pas les derniers !), Giovanna Gassion, alors connue sous le nom de “la môme Piaf”, un moineau du pavé de Pantruche, qui deviendra vite sur les affiches et au fronton des music-halls réputés Edith Piaf (La Julie jolie / Va danser - 24 mars 1936, 78t. Polydor 524.185). Les ans déroulant leur succession et notre guitariste, par ses qualités reconnues, se trouvant embarqué sur la scène du spectacle, les vedettes d'un moment ou de plus longue durée, pour leur tour de chant, leurs galas, leurs émissions de radio, leurs disques, bénéficieront de son soutien nuancé et compétent : Léo Marjane, Charles Trenet, Jean Tranchant, Germaine Sablon, Yves Montand, Georges Ulmer, Marcel Mouloudji, Georges Brassens et son presque homonyme Jean Ferrat... A titre d'exemple, soulignons l'une de ces séances qui voient Matelo Ferret faire de discrètes prouesses dans son coin, apportant sans avoir l'air d'y toucher son coup de patte de velours. Dans un studio Vogue, le 30 avril 1955 (19 ans après la séance avec Piaf), le chanteur et guitariste Robert Ripa enregistre quatre chansons pour un 45t.EP accampagné par Louis Corchia (acc), Matelo Ferret, Harry Kett (g) et Jean Bouchety (b, arr) (Le Jour, Le Pain de Joie, La Fleur m'a dit, Dédé débrouille-toi - Vogue EPL 7136). Comme son nom le laisse supposer, Ripa n'est pas un type particulièrement marrant, avec lui on ne rigole pas tous les jours, il n'est pas là pour faire s'esclaffer les touristes en goguette venus à Paris pour visiter le Salon de l'Agriculture. C'est un auteur-compositeur-interprète qui travaille dans la mouvance de ce que d'aucuns ont appelé la “chanson rive gauche”, textes à faire réfléchir et écriture à faire méditer. Toute une époque de voix neuves et de nouvelles voies. Après la poésie de la fleur de macadam, celle des caves où s'épanouit la pensée. Chantons sous la pluie... Pourquoi pas ? En tout cas, quand on a la chance de chanter accompagné par la guitare embellissante de Matelo Ferret, les cordes calorifères sont autant de rayons de soleil qui illuminent les chansons et réchauffent les cœurs.  Aux quatre vents de la musique, Matelo Ferret a déployé les voiles du swing pour fendre les flots de notes et entreprendre des périples illimités avec sa guitare comme boussole et son médiator pour sextant.


ESCALES
 « Il n'y a pas de forme sans logique, il n'y a pas de logique sans unité. »
Arnold Schönberg

 Où sont-ils donc ?... Sans tempête, cyclone, typhon, raz de marée, maelström ou inondation, sans tremblement de terre, séisme, secousse sismique, mouvement de terrain, sol se dérobant, gouffre ouvert et glissement de plaques tectoniques, sans le moindre cataclysme apocalyptique, bien des morceaux (standards ou compositions originales) issus de séances d'enregistrement tenues par de fort bons musiciens ont pourtant disparu à tout jamais, noyés, engloutis, effondrés, happés par le vide, aussi fantomatiques que s'ils n'avaient figuré que dans les chimères. Titres mythiques, interprétations mystérieuses, spectres de morceaux, zombis de l'enregistrement sonore... On en parle à voix basse et à mots couverts (surtout l'hiver) entre “spécialistes” comme d'une espèce d'Atlantide de la musique, d'une sorte de contrée mirifique qui n'a plus d'existence que dans l'imagination débridée. Il faudrait un Jules Verne jaseur impénitent et raconteur d'histoires bien balancées pour organiser un voyage extraordinaire vers ce continent perdu dans la brume des légendes.  Matelo Ferret sera victime d'une de ces catastrophes. Seize mois après la séance avec son “sixtette”, il enregistre de nouveau pour Pathé le 18 avril 1945 ; une séance qui restera dans les ténèbres “ad vitam aeternam”. Lors des fouilles dans les ruines de la ville ancienne de Marconipathépolis, le jazzo-archéologue Daniel Nevers a fini par retrouver, enfouis sous des couches de sable et de sédiments, quelques vestiges de cet art d'une autre époque, quatre titres de morceaux assortis de leur numéro de matrice, une trouvaille exceptionnelle : A Smooth One (CPT 5901-1), Lawd, You Made The Night Too Long (CPT 5902-1), Take The “A” Train (CPT 5903-1) et I'll Get By (CPT 5904-1 ) ; en dehors du chef, les participants sont aussi inconnus que des Pompéiens anéantis par les fureurs du Vésuve. Déblayé, dégagé, retourné, le site du Temple de Uotahc n'a pas livré tous ses secrets.
 Heureusement, Matelo poursuivra ses activités chez EMI (sous l'identité de Pierre-Jean Ferret) durant les années 50 et enregistrera régulièrement pour cette firme. Pas toujours dans les meilleures conditions. Une fois de plus, le jazz doit alterner avec les succès du moment et, comme ceux de son frère Sarane, les morceaux sortis pour la plupart originellement en disques 78 t. seront ensuite dispersés dans des microsillons dits “Pour Créer l'Ambiance” (“Votre Dîner en Musique” Columbia 33 FSX 105 - “Votre Thé en Musique” Columbia 33 FSX 108), mélangés avec les interprétations de toutes sortes d'orchestres de danse, où lesdits morceaux passeront inaperçus aux yeux des fervents du guitariste. N'importe quoi ! « (...) interpréter les succès du jour ? Qu'à cela ne tienne ! Pour Matelo Ferret, friand de défis, la manière d'appréhender tel ou tel thème était avant tout l'occasion d'explorer les multiples ressources expressives de son instrument. Qu'importe la chanson pourvu qu'on ait l'ivresse ! S'abandonnant à un baroquisme d'une intensité parfois furieuse, il déployait avec une grande maîtrise une extrême variété d'invention. » (Alain Antonietto). C'est de cette série que proviennent l'indestructible Louise de Whiting et Robin, Dors, dors, dors, réaction justifiée du musico après une nuit agitée, et, au moment où naît son fils Jean-Jacques “Boulou” Ferret, un titre dû au père, Boulou Boogie ; autres compositions de Matelo Ferret, Guitar Boogie (aucun rapport avec le morceau d'Arthur Smith), épris de liberté, c'est un modèle d'improvisation sur le blues, un Matelo's Guitar Blues virtuel à son apogée, et Roule ta Bosse, titre significatif pour les gens du voyage qui ne tiennent pas en place et aiment aller voir ce qui se déroule ailleurs. Quels musiciens jouent avec Matelo ? Voilà une question qui restera sans réponse pour la nième fois, les archives s'avérant muettes sur ce point ; sauf sans doute Lucien Gallopain à la guitare rythmique, vieux complice des années “occupées”, et Jean Bonal, amené par le flot de la “nouvelle vague” parisienne des jazzmen libérés. Matelo Ferret enregistrera encore le 14 mars 1955 en quartette, notamment quelques improvisations intéressantes sur d'impérissables standards du jazz, l Surrender Dear, Out Of Nowhere, Pennies From Heaven, plus un beau thème signé Matelo, Djoungalo ; le pianiste est fort probablement Jacky Cnudde, qui fut un musicien sage chez Alix Combelle et auprès de Jean Bonal (Quartet-Club de France), mais qu'affola la découverte de Thelonious Monk, choc décisif le menant à devenir en France l'un de ses tout premiers disciples, avec les Jazz Modernisticks (B. Monville, G. Rovère, C. Saudrais) au “Riverside” de la rue du Petit-Pont (5ème). Les autres participants du groupe de M. Ferret restent douteux, néanmoins possibles (P. Michelot, J.L. Viale, hommes de studio très appréciés). EMI ou ennemi ? Certes quelques Pathé malencontreux étalés au milieu de pages où la guitare cursive enjolive l'élan poétique, c'est fâcheux, ça fait tache, c'est irritant. Alors, faut-il attiser un conflit pour autant ? Laisser tomber rejoint plutôt le bon sens que la lâcheté.
 Puis Matelo Ferret passe beaucoup de temps chez les Bohémiens de Paris, avec des orchestres qui officient dans les établissements les plus “selects” de la capitale, le “Café de Paris”, “Chez Maxim's”, le “Pavillon d' Armenonville” ; il joue dans les cabarets-restaurants de la nuit parisienne où le foie gras-Sauternes est plus courant que la mortadelle-Gros Plant, sempiternellement chargé avec ses compagnons de “créer l'ambiance” aux côtés des chanteurs et des chansonniers, des diseuses et des divas. Un soir, au “Don Camilo”, il voit arriver un Noir américain en qui il reconnaît Milt Jackson ; admiratif, il lui fait ses compliments ; Jackson, touché, est surpris d'être ainsi accueilIi par un guitariste de night-club à la mode, lequel, apprend-il au fil de la conversation, partage avec lui le même enthousiasme pour Django Reinhardt. Un peu plus tard, Milt demande à Matelo s'il peut lui emprunter sa guitare pour jouer un morceau, le “blues de la guitare de Bags”. C'est au tour de Matelo Ferret d'être surpris, ne sachant pas que le vibraphoniste/pianiste pouvait s'exprimer aussi (et fort bien) sur une guitare ! A New York, le 12 septembre 1957, Bags' Guitar Blues fut enregistré par Milt Jackson en compagnie de Ray Charles (avec Billy Mitchell, Oscar Pettiford, Connie Kay) ; Jackson, bien sûr, joue du vibraphone ou du piano dans les autres morceaux et Ray Charles délaisse parfois le clavier pour souffler dans un saxophone-alto ! (“Soul Brothers” Atlantic 1279). Un autre guitariste, à plein temps celui-là, apparut de même au “Don Camilo” pour faire une démonstration ahurissante de ses talents, le Méditerranéen Etienne Bousquet, une sorte d'Oscar Peterson de la guitare.

FEUX DE NUIT, BONS VENTS ET ENVOLÉES BELLES
Frédéric Lodéon : - Dis-moi Slava, qu'y a-t-il de plus important pour toi dans la vie ?
Mstislav Rostropovitch : - La conscience.

La valse a mis le temps ! Dépositaire d'un trésor (précieux) chargé d'histoire, celle de la gestation d'une musique qui fit florès, à savoir quatre valses plus deux morceaux qui n'en sont point, griffés Django Reinhardt quand sa main gauche était encore intacte, Matelo Ferret fut le héros imprévu d'un événement discographique parisien au début de la sixième décennie du XXème siècle. Charles Delaunay prit l'heureuse initiative de faire enregistrer à Matelo ces pièces rares reinhardtiennes pour sa marque Vogue, en 1960 pour les valses (Chez Jacquet, Montagne Sainte-Geneviève, Gagoug, Choti - Vogue EPL 7740), en 1961 pour les autres (En Verdine, Djalamichto - Vogue EPL 7829), que complétèrent deux compositions de Matelo Ferret, Tchoucar Wago et Chpile T'chavo, elliptiquement signées Alferay sur le disque (coutumier du fait, Al Ferreri est venu mettre son grain de sel “à tics” là-dedans !). Le premier 45 t. fut enregistré en trio avec Sarane Ferret et Jacques Montagne (Malha) (g), le second en quartette avec Sarane Ferret (g), Jean Bouchety (b) et Marcel Blanche (d) (sources Ch. Delaunay, organisateur des séances). D'autres émanations (notamment via A. Antonietto, P. Williams) croient révéler René Mailhes au lieu de Sarane Ferret et Pierre-Alain Dahan ou “Mac Kac” Reilles (Reyes) à la place de Marcel Blanche dans le deuxième disque. Chacun voit midi à sa porte, chacun y va de son couplet, c'est le dépotoir, le karaoké des terrains vagues, le radio-crochet des décharges publiques ! Parfois, la discographie peut être aussi le pot de chambre du savoir. Démerde-toi avec ça... Revenons-en à l'essentiel, les “airs premiers” de Django : pas des gris-gris de musée, des amulettes sous vitrine, des vestiges désincarnés, réellement une musique qui a du corps... Le corps beau et le Reinhardt, « une fable de ma fontaine », comme disait Claude Nougaro.
En 1965, Pierre-Jean Ferret enregistre un beau disque un peu secret, un peu oublié, un peu hors circuit, où Matelo fait figure d'enchanteur Merlin déambulant mystérieusement dans le labyrinthe de la forêt de Brocéliande, entraînant dans ses méandres les assistants dévoués de son cénacle : Michel Terrioux (vib), Laro Sollero (g), Michel Gaudry (b) et Andy Arpino (d) (Como Tu, Désormais, Marta, Quisiera - Typic / Garzon G385 LD). Chut ! N'éveillons pas la fée Viviane endormie sur un lit de feuillage. On voit Matelo Ferret dans des concerts de temps à autre, au Théâtre Silvia Monfort (ex-Gaîté-Lyrique) en particulier, où la première partie du concert est assurée par un quartette très “monkien”, “Marmaduke”, ce qui peut surprendre à l'énoncé du nom des protagonistes : Jacques Schneck (p), Patrick Diaz (g), Philippe Godart (b) et Bernard Laye (d) dit “l'Oranais”. Comme son frère Sarane, Matelo Ferret fait acte de présence au concert de “Jazz Gitan” de la Maison de l'ORTF le 16 avril 1967. Il joue accompagné par Patrick Greussey (p), Pierre-Jean Marre (g), Bernard Isselin (b) et Claude Delcloo (d), et Out Of Nowhere, The Man l Love, What Is This Thing Called Love ? et le Rythme futur de Django sont au programme (France's Concert FCD 124/ Esoldun-INA FC 124). “Home cooking” : de savoureuses recettes faites à la Maison.

THERE'S A RAINBOW 'ROUND MY SHOULDER
Le mardi 6 novembre 1984, on décerne le Prix Littéraire Romanes aux “Trottoirs de Buenos Aires”, rue des Lombards. On boit du vin chilien, “le sang des travailleurs” selon la forte expression de Dominique Cravic, à l'origine des lendemains, et l'on écoute un quintette à la “Manouche Partie” avec Jo Privat (acc), Matelo Ferret (solo g), Didier “Dédé” Roussin, Patrick Saussois (rhythm g) et Pascal Chebel (b). Aujourd'hui, Patrick Saussois, “Lefty Pat” pour les férus d'américanismes, est le seul survivant de cette équipe de rêve, une “dream team” pour recourir de nouveau au langage des porteurs de “T-shirts”, de “blue jeans”, de “perfectos” et autres “santiags”. Ce soir-là Matelo Ferret avait un doigt cassé (et une “poupée”), mais tout se passa comme si de rien n'était ; Django Reinhardt n'avait-il pas donné l'exemple (et quel exemple !) jadis ? Ceux qui ont la chance de posséder tous les éléments en main(s) ne sont pas toujours les plus étonnants. Matelo Ferret a offert les couleurs de l 'arc-en-ciel sur les cordes de sa guitare, le violet, l'indigo, le vert, le jaune, l'orangé, le rouge ; le bleu, dans sa générosité, il vous le donne en prime, le bleu du blues céleste, il vous en fait cadeau, il vous le glisse sous la porte, comme un mot de billet pour vous dire qu'il n'est pas si absent que ça, qu'il est toujours là, qu'il pense à vous, et qu'en écoutant ses disques vous pourrez penser à lui là-haut, installé sur son cumulus de beau temps, l'écharpe d'Iris autour du cou. HelIo, Matelo !

L'ARÈNE DES FERRET
 « Parmi les ombres de l'histoire et de la mémoire, sur les rivages de la littérature, l'imagination se mêle aux épaves de la réalité. »
Henning Mankell (“Profondeurs” 2004)
La fameuse affaire des Ferret de la Reine ! Sans doute des musiciens venus d'Andalousie, d'Estrémadure ou d'ailleurs, fils du vent et enfants de poème, joueurs de guitare d'amour, de luth à mains charmées et de viole d'alcôve, attachés au service des menus plaisirs de Sa Gracieuse Majesté, de ses distractions frivoles et de ses soirées galantes. Et, par là même, en butte aux avanies de l'aristocratie bien-pensante, au courroux du monarque, à la réprobation des ministres obséquieux et aux tracasseries de l'administration royale. Au Temps de la Cour comme disait Sarane, un illustre descendant de ces Ferret d'autrefois. Le père Dumas, qui prit beaucoup de libertés avec la petite et la grande Histoire, en offre une version différente. On peut croire qui l'on veut et ce que l'on veut. Le cours des siècles en a vu d'autres.


« La mémoire n'a de valeur  que si elle évolue en projet. »  Paul Ricoeur

UN RÊVE À PORTÉE DE MAIN(S)
Avec une pensée pour Italo Calvino, à qui se joindra Arthur Penn pour la circonstance : Pierre “Baro” Ferret (“Le Chevalier inexistant”), Etienne “Sarane” Ferret (“Le Vicomte pourfendu”), Jean “Matelo” Ferret (“Le Baron perché”) et... René “Challain” Ferret (“Le Gaucher”). Mettre de la vie dans son art, mettre de l'art dans sa vie. Au risque de se répéter, il ne faut pas hésiter à dire que le rêve est l'aventure la plus extraordinaire à la portée immédiate de l'homme, et s'il existe bien une vertu majeure, cardinale des frères Ferret, c'est de vous apporter du rêve en veux-tu, en voilà, avec leurs doigts ensorceleurs égrenant sur les cordes magiques de la fée-guitare les notes enchanteresses d'un monde émerveillant. Plus que ce qu'il est réellement, un monde légendaire plus vivant que le vrai.
Captain Peter Smithy (Pierre Lafargue) Daybreak Gate (2004-2007)
© 2008 Frémeaux & Associés


SALUTATIONS DISTINGUÉES
Remerciements chaleureux à tous ceux, disparus ou bien présents, d'hier, d'aujourd'hui, de toujours (amis d'enthousiasmes et de disputes, de colères et de plaisirs), sans qui la conduite à terme de cette série d'articles sur les frères Ferret n'aurait pas été commode. Sa réalisation a été rendue possible grâce à l'aide apportée par leurs documents, leurs témoignages, leurs souvenirs, leurs illustrations. Une œuvre particulière est le plus souvent le résultat d'une entente préalable, d'un partage délibéré entre les différents ayants droit. Pour cette raison, l'expression de la gratitude est le moindre devoir à exercer, la moindre politesse à rendre. « Tous furent à la peine, que chacun soit à l'honneur »... comme disait un célèbre entraîneur de rugby : Laure Albernhe (TSF), Alain Antonietto, Philippe Baudoin, Guy Chauvier (« Jazz Classique »), André-Charles Cohen, Francis Couvreux, Charles Delaunay (Swing, Vogue), Alain Délot (EPM), Ivan Députier, Matelo Ferret, Benjamin Goldenstein (Frémeaux & Associés), Daniel Guérin-Nevers, François Lê Xuân (Sagajazz), Michel Mercier (Universal Jazz), Mandino Reinhardt, Daniel Richard, Catherine Sabinski et Scot Wise.
P.L.


english notes
Les Frères Ferret - Baro, Sarane, Matelo / “Les Gitans de Paris” 1938-1956

DJANGOMANIA
In the Thirties, a phenomenon sprang out of the Dark Ages and quickly found a place in the sun: Django Reinhardt's influence started to make its weight felt in the jazz world and the man himself fascinated many instrumentalists — especially in the USA — who began questioning things they'd been taking for granted, among them their own techniques.


AROUND PARIS
Local accordionists, those virtuosos of the extendible gusset who were often Italian in origin, were prone to choosing their partners from amongst the gypsies and other Romany folk who parked their caravans just outside Paris in a camp-zone at the city-limits where tourists never set foot. Banjos resounded there, lending inspiration and wings to muscled forearms that clutched pianos with braces (as accordions are sometimes known); from behind them came the stubborn thump of a set of drums, and chords struck with great power due to the fact that these gypsies played in noisy places, and sound-systems were as rare as holidays with pay, or votes for women, say. The young Django Reinhardt, a prodigious kid, was one of them. A few gypsies lent a hand to these aces of the squeeze-box —Guérino and Gardoni, Baldi or Carrara — men who appeared in the traditional dance-halls of the al musette; the names of the gypsies were Gusti Malha or Mattéo Garcia, both of them legendary guitarists who shared the same nephews: the Ferret brothers. As happened in jazz, the local gypsies finally dropped the intermediary banjo and returned to the primitive guitar, a more flexible tool that did a better job of providing richly-nuanced accompaniment. Django Reinhardt, the brothers Baro, Sarane & Matelo Ferret, plus their cousin Challain Ferret, all of them guitarists by now, moved (gradually) away from their popular dancehall heroes and began looking at what was going on inside the groups of horn-blowers, strummers, scrapers and hammerers now arriving from the extravagant shores of an America that was still the thing of which dreams were made.


BARO
Baro Ferret (1908-1976) was actually named Joseph, but he didn't care for its biblical connotations and adopted the name his little brother Pierre was known by. So (Pierre) “Baro” Ferret played the Spanish bandurria and then the banjo with musette accordionists. He and his brother Sarane were among the first to record with one of the latter – Guérino Vétese – and Baro's brief solos were so good that some of Django's biographers and discographers later attributed them to... Django. Baro developed his style in the Twenties, as did Django, and each showed no little respect for the other; the contact between them did much to extend their various discoveries, exchanges and innovations. Django Reinhardt was always a professional, with a career devoted to music despite various escapades, episodic absenteeism and other intermittent adventures. The difference between Django and Baro? Django's heart was good, and Baro didn't have one. Baro Ferret kept bad company and took to the milieu like a fish to water, often dumping his Selmer-Maccaferri in favour of extra-curricular activities that are probably best kept under a veil of secrecy. Meaning he was a crook? “Hey man, you talk too much!” It was a good thing he enjoyed a solid friendship with Django, for Baro became Reinhardt's regular partner not only in the newly-formed Quintette du Hot-Club de France but also in the elastic ensemble known as Django’s Music, whose size was variable. The result was that, bad boy or not, he was still a good musician, and his efficient playing was put to wax where it has remained intact for posterity. Alain Antonietto, who knows such things and has steadfastly counted the records, says that almost eighty titles were cut by the two guitarists together between '35 and '39, often in the company of that other adventurer, Stéphane Grappelli.There’ll be a hot time in the old town tonight... (cf. Bessie Smith). The Liberation and the post-war years brought a new departure. Baro Ferret joined Jo Privat, the accordion's new star leading the band at the “Balajo” club on the Rue de Lappe, where the high (local) colour seemed to celebrate the taking of the Bastille every night, and it gave the locals a glimpse of the power of the imagination. The “Balajo” band played waltzes and the odd java (of course they did; they couldn't do otherwise), and they also hit the occasional pasodoble or tango... They played the hits, in fact. It was quite hot before the Cold War, and they jazzed up tunes like Kalinka, calling Django Reinhardt to the rescue to play Minor Swing or Douce Ambiance even if the Rue de Lappe did have nothing to do with Lapland (it possessed quite enough warmth already).

1949. Baro went into the studios for the venerable Odéon label on January 20th to do a session. It was actually his first as a leader; his younger brothers had already done so, first Sarane in '41 and then Matelo in '43. The Baro-Jo coalition featured Sarane Ferret as an accompanist together with his familiar partner Jacques Montagne (Malha), and someone named Jérémie Graind’son (?) who was another of those obscure craftsmen who can add a brick to a wall while all around remain blithely indifferent. Another anonymous John Doe, yes, but later, when Baro Ferret's Bebop waltzes were on everyone's lips, at least he could say: I was there! Now I've said it: 'Bebop waltzes... Before 1949, swing waltzes were all the rage; now something else was in fashion, something “up-to-date”... The new jazz was making its mark, displaying its freedom of expression with uncompromising directness. Bebop waltz, you might care to know, was (so they say) the exact term printed on the labels of the 78rpm Odéon records numbered 282.044 (Panique/La Folle) and 282.045 (Dinalie mineure/Turbulente Zoë), and they hit listeners like thunder striking the gates of the Bastille (a euphemism for the repercussions of the American Revolution).


SARANE
Of the three Ferret brothers, Sarane (1912-1970), by a mile, was the one who made the most (jazz) records. If we take the trouble to count the pieces he recorded during his career — at least on discs that bore his name — the figure is around fifty, which is quite impressive for a musician who was (quite wrongly) scorned by many people. But the 50 figure doesn't even include the appearances he made on records by Michel Warlop, Gus Viseur, Tony Murena or Matelo Ferret... In April 1941 Sarane Ferret and the Swing Quintette de Paris were inside a studio doing their first session. Sarane was a beginner as a leader and stayed faithful to Django Reinhardt's new format (with Rostaing and Combelle), adopting the same line-up as the QHCF in the Occupation years, which had two clarinets. Whether it was a blunder or just an unsatisfactory experiment, or maybe they simply took their eyes off it for a second, but the quintet-concept (actually a sextet) was quickly abandoned. Over the years Sarane would experiment with other formats, but right from the moment he did his second session for Odéon in June '41 he fell back on the trusty old quintet with strings that had feelings, an ideal setting in which to cause the true-blue gypsy jazz coursing through his veins (and roots) to come to full bloom. Robert Bermoser, who pioneered jazz in Alsace with T. “Coco” Kiehn (clarinet, tenor) and pianist Jean-Pierre Richert, was the first violin in the Swing Quintette de Paris, and his Impressionist playing — full of moving contours — fitted well with the lean guitar of Sarane Ferret; as it would have suited the austerity of a Melville film or the jubilant asceticism of a sculpture by Brancusi. Robert's replacement was Georges Effrosse, a familiar string-player with Ventura's “Collégiens”. Georges was an exceptional violinist and if he'd been luckier he'd have equalled the instrument's great figures — Warlop, Grappelli, Asmussen, Arild Iversen —, luckier in the sense that one of Marshal Pétain's dyed-in-the-wool do-gooders turned Georges over to Hitler's chums, who sent this unlucky son of Israel straight to hell in an underground factory at Dora, where he contracted typhus and died in 1944. Studio 28 wasn't there by chance either. From time to time, Sarane Ferret and his musicians were featured at that Montmartre cinema close to the guitarist's home. Sarane had been running the Quintette de Paris since '41 and a year later the group, with Georges Effrosse in its ranks, was appearing at the “Chalet” club. And then silence... Between the Sex-Appeal session in December '42 (for Odéon) and l Can’t Give You Anything But Love in February '44 (for ABC-Jazz Club Français, a session long cloistered away), there was nothing. Except for an appearance with harmonica-player Dany Kane in April, the year 1943 produced not the slightest record by Sarane Ferret. By mid-February 1944 he was back in a studio, most probably with Jacques Montagne and “Mac Kac” Reilles, recording tunes for the label of pianist/bandleader Yvonne Blanc. Alas! Because the tunes they did were never released, and a whole 59 years elapsed before J’en ai marre and l Can’t Give You Anything But Love finally surfaced (cf. “Jazz à la Gitane” Vols. 1 & 2 - Sagajazz 066 479-2 & 981 063-7, released 2003). Maybe the bassist is Lucien Simoens; as for the clarinet-player, some say Hubert Rostaing, but you can't feel his impeccable technique and so it might be someone like André Lluis or Gérard Levecque. These two age-resistant songs also made their mark on audiences on both sides of the Atlantic thanks to Mistinguett and Ethel Waters.

It’s Been A Long, Long Time... Sarane Ferret returned to work with jazz firmly in his sights; indeed, one had to wait until 1947 to find recorded proof of his post-war career. He did a session for Pacific, a young label dating from the latter half of the Forties which showed great interest in jazzmen (Claude Luter, Graeme Bell, Claude Bolling, Rex Stewart, Janine Rotante, Léo Chauliac-Henri Crolla, Jo Privat-Didi Duprat, Jack Diéval, Jean-Claude Fohrenbach, etc.) It was one of those sessions that now gave room to discoveries connected with the Liberation, and revealed new themes and ways to present “Swing Music” (Pacific Boogie, Paper Doll, a Mills Brothers hit, l Should Care, popularised by Tommy Dorsey). It was destiny's decisive overture, promising a singing future with truth in its heart. It showed the twin influences which the Q.H.C.F. wielded over Sarane Ferret (Swing 47): one, that of a string quintet before the hostilities and, two, that of another quintet during those same hostilities. The first influence favoured the violin as a partner; one of the rhythm guitarists present in the second was deleted in favour of a drummer. In the early Fifties Sarane Ferret again recorded some tunes, this time for Gramophone/La Voix de son Maître: Dumbell, Fantômes, Chicago, Cheek To Cheek; most of these pieces, disastrously, found their way into records meant for what they called “surprise-parties” where, due to the fact that they were mixed with performances by other groups, they entirely escaped the attention of Bohemian guitar-fans. The mix, however, avoided being degrading because at least you could hear Rostaing, Gérard “Dave” Pochonet, François Vermeille, etc. (“Surprise-Partie Aux Baléares”, La Voix de son Maître, FELP 105, etc.)

Baro Ferret had stopped recording, Matelo Ferret was doing (very) few records and they weren't necessarily jazz anyway (La Matchiche, Le petit Tacot de Mexico, La Saint-Bonheur, Bambina, C’est magnifique...) The man whose identity-card had Etienne Ferret printed on it, who was known as Sarane Ferret by his own people, was much luckier. He signed a contract with American RCA's French affiliate that guaranteed him a record per year. It was a symbol of his handsome success... On January 21st 1955 he called up a classical string quintet and hurriedly christened it the Quintette de Paris: Minor Swing, Royal Blues, Au Temps de la Cour, Nuages/Viper Drink, White Christmas, Mon Rancho, Nuits d’Italie (all on RCA 130.020). At the peak of his powers, Sarane Ferret played only a minimal number of notes in his solos, selecting them spontaneously as he went along, plucking them carefully from the fruits of his life's experience like so many raisins separated from a bunch of grapes. When Sarane did his second record for RCA on December 19th 1956 it was a very simple exercise with no headaches. To tune into the period's ambiance he kicked off the session with a piece called Le Rock ça chauffe [Rock is hot] — you couldn't put it better yourself if you tried, such is the truth of the statement — and the number was a real finger-burner. The guitarist went back to his Forties hits, Studio 28 and Miami, and brought them up to date, throwing in L’Homme du Bar (45rpm EP, RCA 76.071) for good measure. Just for this session, Sarane set up a group that included a vibraphone with the orthodox rhythm section. Matelo had already used a vibraphone-player (Camille Martens) in his own group as early as 1943 and would do so again (cf. Michel Terrioux on the 45rpm EP, Typic/Garzon G 385 LD). Sarane's vibes player was Roby Poitevin, a piano renegade often called in by Hubert Rostaing (cf. his Swing records from 1948-1949). Poitevin was one of the first to take an interest in bopper Milt Jackson's excursions on record with Dizzy Gillespie, while retaining the flame and passion that impelled Lionel Hampton. He was a kind of hyphen linking Geo Daly with Michel Hausser, the former in the Hampton camp, the latter tied to Jackson. The following year, on October 7th 1957, Sarane Ferret had a relapse and recorded again under the same conditions. The result was a third record of standards —Body And Soul, Coquette and The Man l Love — to which they added a song made popular by Ella Fitzgerald and Frank Sinatra, Tender Trap (45rpm EP, RCA 76.124).

MATELO
You're a good man, Charlie Brown... Long before Charlie came along, the good man/nice guy was Pierre-Jean “Matelo” Ferret (1918-1989). Everybody said so. He was a player all his life, and spent sixty years in the devoted service of the muse Euterpe. He played behind his brothers but, according to Michel-Claude Jalard, he was right at the forefront of the newly-blossoming jazz scene, which bathed in the splendour of a new sunrise over virgin land. The scene had Django Reinhardt, of course, an unavoidable sight, but also the guitarists of Parker and Gillespie, integrated into their groups and the bands of those who copied them, filled with enthusiasm for their leaders' revolutionary concepts: Remo Palmieri, Arvin Garrison, Barney Kessel, Billy Bauer, Barry Galbraith... they brought innovation to the way they accompanied musicians, encouraging them on the road to buried treasures. Pierre (the name on his birth certificate) Jean (the name that was convenient) “Matelo” (to his friends) Ferret was born in Rouen on December 1st 1918. For people called Ferret, everything that concerned music in general, and the guitar in particular, was family business. Bandurria, banjo, guitars Spanish or Russian, mandolin, all the instruments that use a plectrum, please stand up and be counted... Teenager Matelo did the same as his brothers and sought out the accordionists whose Saturday nights and Sunday matinees were delights for crowds of workers who didn't have work, and also those more used to taking things easy, layabouts and others allergic to or disgusted by hard work to the point where they made a living out of anything that came to hand and didn't show much shame for it. Life was like Becker's film Casque d'Or, with easy money and a waltzing proletariat. Matelo later made his own regular contribution to the spruce orchestras led by renowned accordionists who swung both ways (meaning musette and jazz), mainly Gus Viseur and Jo Privat, but first Matelo showed his mettle on December 5th 1935 (for Gramophone) alongside Louis Richardet, an ace of the piano with braces who had many contacts in hot jazz circles. So, what with Richardet (sometimes Americanized as Richard Day) wanting to certify his accordion as an instrument of virtue, he was keeping company with Michel Warlop (violin), the leader, Sarane and Matelo Ferret plus Jean Maille (guitars) and bassist Jean Storne. Matelo was barely 17 years old! Strange Harmony, Double Trouble (Ça me tracasse), Sérénade and the previously-unreleased Chasing Shadows (Mirage) were recorded. Thus did Matelo Ferret celebrate his official arrival in the Swing Era. In France he was one of its representative elements, but not only that; the young gypsy had other strings to his bow, or guitar, if you prefer. He lived in the same hotel as Reinhardt, and even if meeting Django did decide his future, Matelo had just been hired by the Rumanian violinist Ionel Bajâc, and he joined his Tsigane orchestra at the “Casanova”, where he was initiated into the treasures of central European folk music by dulcimer-virtuoso Nitza Codolban.

On December 15th, after a rude autumn, Matelo went to do his first record-session under his own name leading a “sixtette” in which the Gypsy Royal and the Monarch of Swing buttered up to one another. The content was Django (Reinhardt), whilst the form was Benny (Goodman). Out of torment was born a new Union: one Gypsy (Matelo), one Belgian (Martens), two Caribbeans (Siobud and Bourgarel), one Parisian (Duchossoir) and a man born on the Riviera (Fabre). Clarinet, vibraphone, solo guitar, rhythm guitar, contrabass, drums... Benny Goodman's famous sextet-records must have been heard by Matelo Ferret despite the embargo on discs “made in the USA”! And yet this intriguing “sixtette” can be considered a deliberate extension, an electrified stretching, of the new shape taken on by the Quintette of the H.C.F., where the vibraphone, the latest fashionable instrument to be a synonym for progress, delivered its part of modernism to the centre of a well-established tradition. Jeannot-the-Gypsy didn't mind this kind of upheaval at all, as long as it swept out the dust of habit like a new broom. In December '43 Pierre-Jean Ferret and his “sixtette” paid tribute to Django Reinhardt playing two of his compositions, Swing Guitars and Swing 42 (Swing Rêverie), plus Vincent Scotto's La Vipère du Trottoir and also Le Rapide. Matelo Ferret dipped into jazz on many occasions. Pre-war, when the music of Harlem was swinging through Montmartre and Montparnasse at night, Matelo had already been spotted where it counted, at “Jimmy's” for example, a jazzy club that brightened Django up considerably; its “jams” burned like coals, with “hot” rhythms for dance-nuts where the “Frenchies” could measure up to visitors from America (still a provider of dreams), men whose names were Bill Coleman, Eddie South, Benny Carter... Michel Warlop had huge esteem for Matelo and took him on as a rhythm guitarist with his famous string septet, bolstered by Gaston Durand (Harmoniques, Kermesse, Aisément, Tempête sur les Cordes - Swing, 1941). Both these cronies met up again later with André Ekyan, in whose band they showed the same rhythmical verve (Standard Swing, Etude rythmique, Tcha-tcha, Ekyanologie - Odéon, 1942). Like his elder brother Baro before him in the years before the debacle, Matelo Ferret was one of the Q.H.C.F. when it reformed in 1947, after its two main protagonists fell into each other's arms again.

Matelo continued recording for EMI (under his Pierre-Jean Ferret identity) during the Fifties, and did so regularly later, though not always under the best conditions. Once again, jazz had to take turns with the hits of the day and, like those of his brother Sarane, most of the tunes originally released as 78's found their way onto “Ambiance” LPs with names like “Votre Dîner en Musique” (Columbia 33 FSX 105) or “Votre Thé en Musique” (Columbia 33 FSX 108), mixed up with performances from all sorts of trashy dance-bands so that the best parts went almost unnoticed by guitar-fans. This same series produced the indestructible Louise by Whiting & Robin, and Dors, dors, dors, [Sleep, Sleep, Sleep] — the kind of reaction you can justify after a turbulent night; and just when his son Jean-Jacques “Boulou” Ferret was being born, the series also produced a title written by his father, Boulou Boogie. There were other compositions by Matelo Ferret: Guitar Boogie (no relation to the Arthur Smith tune), smitten with freedom, is a model of a blues-improvisation; a Matelo's Guitar Blues at its virtual apogee; and Roule ta Bosse [literally, Show someone you've been around], a title with a lot of meaning for gypsy-travellers who could never stay still and longed to see what the other side of the fence had to offer. Who played with Matelo? That's a good question and there's still no good answer, because there's no trace of them; probably they included Lucien Gallopain on rhythm guitar, an old chum from the Occupation years, and also Jean Bonal, who'd arrived with the Parisian “nouvelle vague” of liberated jazzmen. Matelo Ferret recorded again on March 14th 1955 with a quartet: a few interesting improvisations on such imperishable jazz standards as l Surrender Dear, Out Of Nowhere and Pennies From Heaven, plus a lovely tune written by Matelo, Djoungalo; most likely, the pianist here was Jacky Cnudde, a man who was quite disciplined alongside Alix Combelle and Jean Bonal (Quartet-Club de France), but who completely lost it when he discovered Thelonious Monk... the shock was enormous, and Jacky became one of Monk's premier disciples with the Jazz Modernisticks group (B. Monville, G. Rovère, C. Saudrais) that appeared at the “Riverside” in the Latin Quarter. There's some doubt over the other participants, but Ferret possibly brought in Pierre Michelot and J.L. Viale, both of them highly-appreciated studio-musicians.  At the risk of repeating myself, I say without hesitation that dreams are the most extraordinary adventures within Man's immediate reach, and that if the Ferret brothers have one major, cardinal virtue, then it is the ability to bring you dreams, as many as you like: their spellbinding fingers pluck notes of enchantment as if saying the rosary, and the magical strings of their Faerie guitars are a world of marvels, a legendary world with more life in it than the real one.

Captain Peter Smithy (Pierre Lafargue) Daybreak Gate (2004-2007)
English translation: Martin Davies
© 2009 Frémeaux & Associés


Who’s who :
Joseph (Pierre) Ferret (Ferré) : “Baro” Ferret (g).
Etienne Ferret (Ferré) : “Sarane” Ferret (g).
Pierre (Jean) Ferret (Ferré) : “Matelo” Ferret (g).
René Ferret (Ferré): “Challain” ou “Challin” ou “Challun” Ferret (g).
Maurice Speilleux ou Speileux : “Momo” Speilleux (b).
Gustave Viseur : Gus “Tatave” Viseur (acc).
Robert Bermoser : Rob Bermoser (vln, d).
Jean Maille : “Nénène” Maille (g).
Aucun renseignement : “Raton” (g).
André Echkyan : André Eckyan (cl, as).
Jean Ferrier : John Ferrier (p).
André Dubois : Sylvio Siobud (cl, ts).
Camille Martens : Camille Martins ou Martin (vib, p).
René Duchossoir : Renée Duchaussoir (g).
Jacques Bourgarel : Jacky ou Saki Bamboo ou Bambos (d, perc).
Jacques Malha : Jacques Montagne (g).
André-Baptiste Reilles ou Reyes : “Mac Kac” (d).
Roger Grasset : “Toto” Grasset (b).
Georges Privat : Jo Privat (acc).
Antonio (Antoine) Murena : Tony Murena (acc).
Jacques Petitsigne : ou Petisgne ? (b).
Robert Poitevin : Roby Poitevin (vib, p).
Maurice Vanderschueren : Maurice Vander (parfois Vandair) (p).
Bernard Vasseur : Benny Vasseur (tb).
CD1
1. Ma Théo (La Minch – Minch Valse) (Matteo Garcia) Columbia (inédit/unissued) test (mat. CL 6985-1) 3’02
2. Gin Gin (Chez Jacquet – A la Petite Chaumière) (Django Reinhardt) Columbia (inédit/unissued) test (mat. CL 6986-1) 3’06
3. La Valse des Niglos (Gusti Malha) Columbia DF 2663 (mat. CL 6987-1) 3’10
4. Ti-pi-tin (Maria Grever, Ramond Leveen) Columbia DF 2663 (mat. CL 6988-1) 2’41
LE TRIO FERRET : Baro Ferret (solo g) ; Matelo Ferret, Challain Ferret (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b). Paris, 2 mars/march 1939.


5. Exactly Like You
(Dorothy Fields, Jimmy McHugh) Swing (inédit/unissued) test (mat. OSW 50-1) 2’39
6. Wind and Strings (Andalousie) (Baro Ferret, Gus Viseur) Swing (inédit/unissued) test (mat. OSW 49-1) 2’40
ALBERT FERRERI ET LE TRIO FERRET : Albert Ferreri (ts) ; Baro Ferret (solo g) ; Matelo Ferret, Challain Ferret (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b). Paris, 20 octobre/october 1938.


7. Wind and Strings
(Andalousie) (Baro Ferret, Gus Viseur) Swing 37 (mat. OSW 41-1) 3’12
GUS VISEUR’S MUSIC (GUS VISEUR ET LE TRIO FERRET) : Gus Viseur (acc) ; Baro Ferret (solo g) ; Matelo Ferret, Challain Ferret (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b). Paris, 28 septembre/september 1938.


8. Swing Valse (Baro Ferret, Gus Viseur) Columbia DF 2770 (mat. CL 7330-1) 2’31
GUS VISEUR ET SON ORCHESTRE : Gus Viseur (acc) ; Matelo Ferret (solo g) ; Challain Ferret (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b). Paris, 9 août/august 1940.


9. Miami (Sarane Ferret) Odéon 281.485 (mat. KI 9202-1) 2’37
10. Septembre (Sarane Ferret) Odéon 281.484 (mat. KI 9203-1) 2’51
11. Blue Guitare (Sarane Ferret) Odéon 281.484 (mat. KI 9204-1) 2’32
12. Swing Star (Sarane Ferret) Odéon 281.485 (mat. KI 9205-1) 2’51
SARANE FERRET ET LE SWING QUINTETTE DE PARIS : André Lluis, André (Sylvio) Siobud (cl) ; Sarane Ferret (solo g) ; Matelo Ferret (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b) ; Pierre Fouad (d). Paris, 30 avril/april 1941.


13. Swing 39 (Django Reinhardt) Odéon 281.493 (mat. KI 9229-1)  2’54
14. Cocktail-Swing (Sarane Ferret) Odéon 281.493 (mat. KI 9230-1) 2’43
15. Deux Guitares (Two Guitars) (Traditional – arr. Sarane Ferret) Odéon 281.494 (mat. KI 9231-1) 2’25
16. Tiger Rag (Nick LaRocca, Original Dixieland Jazz Band) Odéon 281.494 (mat. KI 9232-1) 2’20
SARANE FERRET ET LE SWING QUINTETTE DE PARIS : Robert Bermoser (vln) ; Sarane Ferret (solo g) ; Baro Ferret, Matelo Ferret (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b). Paris, ca. 23 juin/ june 1941.


17. Royal Blue (Sarane Ferret) Odéon 281.512 (mat. KI 9309-1) 3’09
18. Surprise-Party (Sarane Ferret) Odéon 281.512 (mat. KI 9310-1) 3’00
19. Daphné (Django Reinhardt) Odéon 281.513 (mat. KI 9311-1)  2’37
20. Hungaria (Traditional – arr. Django Reinhardt) Odéon 281.513 (mat. KI 9312-1) 2’52
SARANE FERRET ET LE QUINTETTE DE PARIS AVEC GEORGES EFFROSSE : Georges Effrosse (vln) ; Sarane Ferret (solo g) ; Baro Ferret, Matelo Ferret ou/or Jean Maille, “Raton” (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b). Paris, 27 janvier/january 1942.


21. Lucky (Sarane Ferret) Odéon 281.565 (mat. KI 9442-1) 2’36
SARANE FERRET ET LE QUINTETTE DE PARIS AVEC GEORGES EFFROSSE : Georges Effrosse (vln) ; Sarane Ferret (solo g) ; Matelo Ferret, Jean Maille (rhythm g) ; Lucien Simoens (b). Paris, 1er/1st décembre/december 1942.


CD2
1. Studio 28 (Sarane Ferret) Odéon 281.566 (mat. KI 9444-1) 2’49
2. Folies-Bergère (Sarane Ferret) Odéon 281.565 (mat. KI 9443-1) 3’05
3. Sex-Appeal (Sarane Ferret) Odéon 281.566 (mat. KI 9445-1) 3’04
SARANE FERRET ET LE QUINTETTE DE PARIS AVEC GEORGES EFFROSSE : Georges Effrosse (vln) ; Sarane Ferret (solo g) ; Matelo Ferret, Jean Maille (rhythm g) ; Lucien Simoens (b). Paris, 1er/1st décembre/december 1942.
4. Standard Swing (André Ekyan, Charley Bazin) Odéon 281.540 (mat. KI 9384-1) 2’22
5. Etude Rythmique (André Ekyan) Odéon 281.540 (mat. KI 9385-1) 2’52
ANDRE EKYAN ET SON SWINGTETTE : André Ekyan (cl, as) ; Jean Ferrier (p) ; Matelo Ferret (solo g) ; Gaston Durand (rhythm g) ; Jean Storne (b) ; Maurice Chaillou ou/or Pierre Fouad (d). Paris, 22 juillet/july 1942.


6. Swing Guitare (Swing Guitars) (Django Reinhardt, Stéphane Grappelly) Pathé PA 2187 (mat. CPT 5783-1) 2’42
7. La Vipère du trottoir (Vincent Scotto) Pathé PA 2188 (mat. CPT 5784-1) 2’31
8. Le Rapide (Matelo Ferret) Pathé PA 2188 (mat. CPT 5785-1)  2’48
9. Swing 42 (Swing Rêverie) (Django Reinhardt) Pathé PA 2187 (mat. CPT 5786-1) 2’50
JEAN FERRET ET SON SIXTETTE : André (Sylvio) Siobud (cl) ; Camille Martens (vib) ; Matelo Ferret (solo g) ; René Duchossoir (rhythm g) ; Marcel Fabre (b) ; Saki (Jacky) Bamboo (Jacques Bourgarel) (d). Paris, 15 décembre/december 1943.


10. J’en ai marre (Moi j’en ai marre) (Maurice Yvain, Georges Arnould, Albert Willemetz) ABC-Jazz Club Français (inédit/unissued) test (mat. ST 1012) 2’55
SARANE FERRET ET SON QUARTETTE : Sarane Ferret (solo g) ; prob. Jacques Montagne (rhythm g) ; non identifié/unidentified (b) ; prob. “Mac Kac” Reilles (d). Paris, ca. février/february 1944.


11. I Can’t Give You Anything But Love (Dorothy Fields, Jimmy McHugh) ABC-Jazz Club Français (inédit/unissued) test (mat. ST 1010) 3’02
SARANE FERRET ET SON QUARTETTE : Non identifié/unidentified (cl) en plus/added ; mêmes musiciens que ci-dessus/same musicians as above. Même séance d’enregistrement que ci-dessus / Same recording session as above.


12. Folie Douce (Erdan, arr. Sarane Ferret) Pacific JF 5028 (mat. ST 1952) 2’16
13. Swing 47 (Erdan, arr. Sarane Ferret) Pacific JF 5024 (mat. ST 1953)  2’22
14. Pacific Boogie (Erdan, arr. Sarane Ferret) Pacific JF 5025 (mat. ST 1954) 2’20
15. I Should Care (Sammy Cahn, Axel Stordahl, Paul Weston) Pacific JF 5024 (mat. ST 1955) 2’35
SARANE FERRET ET SON QUINTETTE DE PARIS : Roger Godet (vln) ; Sarane Ferret (solo g) ; Jean Maille (rhythm g) ; Roger Grasset (b) , Georges Marion (d). Paris, ca. mars/march 1947.


16. Panique (Baro Ferret) Odéon 282.044 (mat. KI 10.529) 2’30
17. La Folle (Baro Ferret, Jo Privat) Odéon 282.044 (mat. KI 10.530) 2’09
PIERRE FERRET ET SON ENSEMBLE : Jo Privat (acc) ; Baro Ferret (solo g) ; Sarane Ferret, Jacques Montagne (rhythm g) , Jérémie Graind’son (b). Paris, 20 janvier/january 1949.


18. Guitare Boogie (Matelo Ferret) Columbia DF 3420 (mat. CL 9209) 3’02
PIERRE-JEAN FERRET ET SON ENSEMBLE : Matelo Ferret (solo g) ; poss. Lucien Gallopain (rhythm g) ; non identifié/unidentified (b) ; non identifié/unidentified (d). Paris, 6 mai/may 1952.


19. I Surrender Dear (Harry Barris, Gordon Clifford) Pathé EA 43 (mat. 7 ECT 367-a) 2’56
20. Out of Nowhere (Johnny Green, Edward Heyman) Pathé EA 44 (mat. 7 ECT 368-a) 2’56
21. Djoungalo (Matelo Ferret) Pathé EA 44 (mat. 7 ECT 369-a) 2’10
22. Pennies From Heaven (Arthur Johnston, Johnny Burke) Pathé EA 44 (mat. 7 ECT 369-b) 2’05
PIERRE-JEAN FERRET ET SON ENSEMBLE : Prob. Jacky Cnudde (p) ; Matelo Ferret (g) ; poss. Pierre Michelot (b) ; poss. Jean-Louis Viale (d). Paris, 14 mars/march 1955.


CD 3
1. Madam’s (Tony Murena, Paul Fontaine) Odéon 279.604 (mat. KI 8905-1) 2’41
2. Tout n’est pas perdu (Louis Richardet) Odéon 279.604 (mat. KI 8906-1) 2’40
TONY MURENA ET SON ENSEMBLE SWING : Tony Murena (acc) ; Sarane Ferret (solo g) ; prob. Baro Ferret (rhythm g) ; Jacques Petitsigne (b). Paris, ca. 18 ou/or 19 mai/may 1939.


3. Avenir (Tony Murena, Louis Ferrari) 281.509 (mat. KI 9296-1) 2’51
TONY MURENA ET SON ENSEMBLE SWING : Mêmes musiciens que ci-dessus / Same musicians as above. Paris, 3 décembre/december 1941.


4. Pacific (Tony Murena) Odéon 281.536 (mat. KI 9369-1) 2’31
TONY MURENA ET SON ENSEMBLE SWING : Mêmes musiciens que ci-dessus / Same musicians as above. Paris, 4 juin/june 1942.


5. Tcha–Tcha (Matelo Ferret, Gaston Durand) Odéon 281.541 (mat. KI 9386-1)  2’13
ANDRE EKYAN ET SON SWINGTETTE : André Ekyan (cl) ; Matelo Ferret (solo g) ; Gaston Durand (rhythm g) ; Jean Storne (b) ; Maurice Chaillou ou/or Pierre Fouad (d). Paris, 22 juillet/july 1942.


6. Dinalie Mineure (Baro Ferret, Jo Privat) Odéon 282.045 (mat. KI 10.531) 2’15
7. Turbulente Zoë (Baro Ferret) Odéon 282.045 (mat. KI 10.532) 2’36
PIERRE FERRET ET SON ENSEMBLE : Jo Privat (acc), Baro Ferret (solo g) ; Sarane Ferret, Jacques Montagne (rhythm g) ; Jérémie Graind’son (b). Paris, 20 janvier/january 1949.


8. Roule ta bosse (Matelo Ferret) Columbia 33 FSX 105 (mat. CL 9337) 2’59
9. Dors, dors, dors (Matelo Ferret) Columbia 33 FSX 108 (mat. CL 9340) 2’46
PIERRE-JEAN FERRET ET SON ENSEMBLE : Matelo Ferret (solo g) ; poss. Jean Bonal (rhythm g) ; non identifié/unidentified (b) ; non identifié/unidentified (d). Paris, 23 janvier/january 1953.


10. Royal Blue (Sarane Ferret) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-041-b) 2’51
11. Au temps de la Cour (W.A. Mozart, arr. Raymond Scott) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-041-c). D’après la Sonate pour Piano n° 15 en ut majeur, K. 545, dite “Facile” / From the Sonata for Piano Nr. 15 in C major, K. 545 1’57
12. Nuages (Django Reinhardt) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-041-d) 2’58
13. Minor Swing (Django Reinhardt – Stéphane Grappelly) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-041-a) 2’22
14. Viper Drink (Viper’s Dream) (F. Allen – C. Scott, L. Scott, H. Mann, D. Frye) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-042-a)  2’35
15. White Christmas (Irving Berlin) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-042-b) 2’22
16. Mon Rancho (Quintin Verdu, Tito Fuggi) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-042-c) 2’36
17. Nuits d’Italie (Jo Privat, Jacques Ricard) RCA 130.020 (mat. 7 E5VL-042-d)  2’27
SARANE FERRET ET LE QUINTETTE DE PARIS : Prob. Gilles Bruno (vln) ; Sarane Ferret (solo g) ; 2 non identifiés / 2 unidentified (poss. Baro & Matelo Ferret ?) (rhythm g) : non identifié / unidentified (b). Paris, 21 janvier/january 1955.


18. Le Rock ça chauffe (Michel Gautier) RCA 76.071 (mat. 7 E6VH-447-a) 3’05
19. L’Homme du bar (Georges Ulmer) RCA 76.071 (mat. 7 E6VH-447-b) 3’22
SARANE FERRET ET SON ORCHESTRE : Non identifié/unidentified (poss. Roger Guérin ou/or Bernard Hulin ?) (tp) ; non identifié/unidentified (poss. Benny Vasseur ou/or Charles Verstraete ?) (tb) ; non identifié/unidentified (ts) ; non identifié/unidentified (bs) ; Roby Poitevin (vib) ; non identifié/unidentified (poss. Maurice Vander ?) (p) ; Sarane Ferret (g) ; non identifié/unidentified (b) ; non identifié/unidentified (d). Paris, 19 décembre/december 1956.


20. Studio 28 (Sarane Ferret) RCA 76.071 (mat. 7 E6VH-448-a) 2’18
SARANE FERRET ET LE QUINTETTE DE PARIS : Roby Poitevin (vib) ; Sarane Ferret (g) & la même section rythmique que ci-dessus / & the same rhythm section as above. Même séance d’enregistrement que ci-dessus / Same recording session as above.


21. Miami (Sarane Ferret) RCA 76.071 (mat. 7 E6VH-448-b) 2’54
SARANE FERRET ET SON ORCHESTRE : mêmes musiciens que pour les morceaux 18 & 19 / Same musicians as for the titles 18 & 19. Même séance d’enregistrement que ci-dessus / Same recording session as above.

La Surprise du Chef / Bonus Track :
22. Swing Cocktail (Gus Viseur) Swing (inédit/unissued) test (mat. OSW 40-1) 3’05
GUS VISEUR’S MUSIC (GUS VISEUR ET LE TRIO FERRET) : Gus Viseur (acc) ; Baro Ferret (solo g) ; Matelo Ferret, Challain Ferret (rhythm g) ; Maurice Speilleux (b). Paris, 28 septembre/september 1938.


CD Les Frères Ferret © Frémeaux & Associés (frémeaux, frémaux, frémau, frémaud, frémault, frémo, frémont, fermeaux, fremeaux, fremaux, fremau, fremaud, fremault, fremo, fremont, CD audio, 78 tours, disques anciens, CD à acheter, écouter des vieux enregistrements, albums, rééditions, anthologies ou intégrales sont disponibles sous forme de CD et par téléchargement.)

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