« Mahalia multiplie les sommets » par Jazz Magazine

En juin et juillet 1961, après une longue tournée internationale, la reine du gospel relève un défi : plus de quatre-vingts titres filmés en quinze jours à Hollywood par la chaîne de télévision TEC, enfin restitués en totalité dans l’intégralité consacrée à la chanteuse par Frémeaux & Associés. Mahalia jackson, qui frise alors la cinquantaine, est censée mettre en boîte huit chansons par jour avec une pause de cinq minutes par heure. Elle en contractera une laryngite mais ira jusqu’au bout de ce marathon de 82 chansons filmées et diffusées à l’antenne sous le titre « Mahalia sings ». Le contenu sonore en a été réuni sur CD par les soins du tenace Jean Buzelin, volumes 14 à 17 de sa grande intégrale « Complete Mahalia Jackson », sous-titrés « Mahalia Sings » et numérotés de 1 à 4 dont, il fallait n’en acheter qu’un, je recommanderais le premier, volume 14. Il s’agit pour une bonne moitié d’inédits dont beaucoup de titres jamais repris par elle en studio. Si leur qualité sonore se situe en deçà de ce que pouvait réaliser une compagnie phonographique, elle est plus qu’honorable grâce à un sérieux travail technique. Dans un répertoire très divers, la chanteuse multiplie les sommets, entourée selon le cas de Mildred Falls (p), Edward C. Robinson ou Louise Weaver-Smothers (org) et d’une section rythmique comprenant Barney Kessel (g), Red Mitchell (b) et Shelly Manne (dm). Spirituals, hymnes composés depuis le 18e siècle, gospel songs et chansons modernes à demi profanes donnent à chaque disque des tons dominants et des couleurs auxiliaires où Mahalia évolue avec le mélange de joie franche et de douleur magnifiée qui l’accompagnera toujours. Les vieux hymnes, baptistes ou méthodistes, hors tempo ou non, servent d’écrins à sa grandeur artistique, qu’il s’agisse de « My Faith looks Up To Thee (1830), de « I Surrender All (1896) ou d’un « gospel hymn » comme « In The Garden ». Côté spirituals, « You Can’t Hurry God et Somebody Touched Me » bénéficient de bons traitements d’orchestre et “He’s Got The Whole World In His Hands” est chanté à merveille. « Lord, Don’t Move the Mountain » fait partie des gospel songs qui sortent du lot avec « Hold Me et Precious Lord (T.A. Dorsey) ou le bluesy « That’s All Right ». Citons encore deux chansons prenantes de Johnny Lange, “Somebody Bigger Than You and I et I Asked The Lord”.
Par Philippe BAS-RABERIN – JAZZ MAGAZINE